20.
LA "BELGIAN LESBIAN AND GAY PRIDE"
EST MORTE !
Papy Potter
Papy Potter est né en pleine folie hippie de parents qui ne l'étaient pas. Depuis lors, il vit
au milieu de ses arbres avec son adorable pirate des trains, tout au bord d'un marais nommé « du ru d'amour ». À quelques kilomètres de là, s'étend une vaste forêt où il travaille. Dans le
chaudron rose, comme il est devenu vieux (il a presque 40 ans) et que Moudulard a fermé ses portes depuis longtemps, il glose sur le lien sulfureux et amoureux liant les gays aux diverses
spiritualités du monde.
Je ne l’avais découvert que le matin du samedi alors que je surfais sur Internet en
baillant. Le journal télévisé me confirma toutefois la nouvelle. La « belgian lesbian and gay pride » est morte. À présent, on parle de « belgian pride ». Apparemment pas de
gay, de lesbian, de bisexual et encore moins de transgender dans son nom. « Le défilé accueille tout le monde », ont précisé les organisateurs. Finies les gay prides de papa où les hétéros
mataient du trottoir sans oser se mêler au cortège. Maintenant, la foule est totalement mélangée : gays, lesbiennes, bisexuels, transgenres et hétéros font la fête ensemble dans le meilleur
des mondes.
La fête, dites-vous ? Il n’y a donc plus rien à revendiquer en Belgique pour
les LGBT ? Bien sûr que si, je vous rassure. Notamment plus de facilités quand il s’agit d’adopter, ou une meilleure acceptation des personnes au genre moins marqué que les autres… Depuis
quelques années, la gay pride belge s’est davantage ouverte aussi sur l’extérieur. Quand on a moins de revendications à formuler pour soi-même, on le fait pour les autres. Ainsi, la pride
dénonce-t-elle notamment la situation souvent désastreuse des gays et des lesbiennes dans les autres pays du monde, en Afrique par exemple.
Il n’empêche. La disparition des mots « gays » et « lesbian »
du nom de la pride belge m’interpelle. « Belgian pride » donc. La première idée qui me vient est que cela exprime davantage la fierté d’être belge dans un pays où les problèmes
communautaires ont réussi à faire chuter le gouvernement. Bien, pourquoi pas ? La seconde idée est qu’à présent que les LGBT ont conquis des droits essentiels, ils sont des citoyens à part
entière et non des citoyens de seconde zone. Donc « belgian », oui.
OK !
Toutefois, cela n’exprimerait-il pas aussi que « maintenant que les gays et
les lesbiennes n’ont plus rien à demander, ou si peu, au moins, on ne les entendra plus ? » Ou, pire, que « finalement les gays en tant que groupe ne sont que politiquement
définis. Maintenant que tous les droits sont conquis, pourquoi encore parler de mouvement LGBT en Belgique ? »
Désolé, si je comprends la volonté des organisateurs, une part de moi déplore la
disparition des mots «gay », « lesbian », « bisexual » et « transgender » de l’appellation de la « pride». À trop vouloir se fondre dans la masse, ne
tue-t-on pas aussi certaines spécificités ?
Ce qui m’amène à la sempiternelle question : « Au-delà des revendications en
termes de droits et de lutte contre la discrimination, existe-t-il une identité « gaye » ? lesbienne ? » Et si oui, quelle est-elle ? Cela veut dire quoi, être
gay ? Est-ce seulement être un homme qui vit des relations affectives, amoureuses, sexuelles avec un ou plusieurs hommes ? Ou est-ce aussi autre chose ? On peut, pour répondre à
cette question, formuler la question autrement : « Les gays ont-ils, comme la plupart des autres groupes identitaires, une culture et/ou une philosophie et/ou une histoire ? »
Je pense, pour ma part que oui. Les gays ont une culture qui leur est propre, ce qui ne signifie pas que leur culture en tant qu’être humain se limite à cette culture « gaye ». Je veux
simplement dire qu’il existe un cinéma gay, une littérature « gaye », sans doute même une peinture et une musique. Sinon d’ailleurs, pourquoi ce blog existerait-il ? De même, les
gays ont une histoire, même si le mot lui-même est assez récent. Les homos existent depuis toujours et ont traversé diverses périodes, tour à tour méprisés et respectés, voire honorés. Certaines
sociétés leur confiant même des fonctions sociales et religieuses précises.
Une « belgian » pride qui efface les mots « gays » et
« lesbiennes » ne commence-t-elle pas à les replonger de manière insidieuse dans le silence dont ils ont eu tant de mal à sortir ? Comme si, en dehors de leurs revendications
politiques ils n’existaient tout simplement pas ? D’accord, tout le monde a vu que cette pride était somme toute très « gaye » et très lesbienne. Mais tout de
même…
À trop vouloir se fondre dans la masse, on finit par
disparaître soi-même.
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