Fiche technique :
Avec Victor Banerjee, Peggy Ashcroft, Judy Davis, James Fox, Alec Guinness et Nigel Havers. Réalisé par David Lean. Scénario de David Lean, d’après l’œuvre de E. M. Forster. Directeur de la photographie : Ernest Day. Compositeur : Maurice Jarre.
Durée : 165 mn. Disponible en VO, VOST et VF.
Résumé :
En 1920, Miss Adela Quested part épouser en Inde un jeune magistrat. Fuyant le nationalisme étroit et l'arrogance de la colonie anglaise, elle part à la découverte de l'Inde profonde. Un jeune médecin indien va bouleverser ce parcours.
L'avis de Jean Yves :
Superproduction tirée du roman d'Edward Morgan Forster, ce film nous mène aux Indes en pleine domination britannique. La jeune Adela (Judy Davis) a entrepris le long voyage pour aller rejoindre son futur époux Ronny (Nigel Havers) qui exerce la fonction de juge dans la petite ville de Chandrapore. Adela est accompagnée de la mère de Ronny, l'anticonformiste Miss Moore (Peggy Ashcroft). Les deux nouvelles arrivantes sont un peu désorientées, choquées même, du moins Miss Moore. Les Anglais installés là-bas en conquérants arrogants vivent comme des princes, dans cet esprit ségrégationniste et raciste qui va de pair avec la volonté de puissance colonialiste.
David Lean brosse un tableau de ce pays qui demeure pour moi un éternel mystère : comment l'essentiel de l'âme indienne pouvait-elle échapper à la barbarie occidentale, alors que l'autochtone était traité en serviteur, exploité et humilié ?
C'est au cours d'une expédition qu'on aurait pu croire anodine, aux grottes de Malabar réputées pour leur écho, qu'intervient l'événement dramatique, le nœud du film, qui restera d'ailleurs une énigme jusqu'à la fin. Adela a-t-elle été violée par le Dr Aziz (Victor Banerjee) un Indien, ou bien le viol n'est-il que le fruit de son imagination après le choc de l'écho, ou bien est-ce elle qui a encouragé Aziz à un acte que, prise de remords, elle a ensuite dénoncé comme un viol ? C'est au spectateur (et au lecteur du livre) d'apporter sa propre réponse. (Sans perdre de vue qu'à ce viol entre individus, fait écho le viol des Indes par les Anglais.)
Toute la communauté britannique se serre bien sûr les coudes contre le violeur, sur la seule accusation d'Adela. Que vaut la parole d'un pauvre Indien contre celle d'une miss née de la cuisse d'Albion ? Seule Miss Moore s'insurge, et son fils la remet vite sur le premier paquebot pour l'Angleterre ; seul un célibataire marginal, Fielding (James Fox), prend ouvertement la défense d'Aziz, s'excluant lui-même de la colonie anglaise. Ce personnage de Fielding est extrêmement intéressant : sans doute y a-t-il en lui beaucoup de Forster, qui était tombé amoureux d'un étudiant indien au tout début du siècle.
Le comportement de Fielding est très subtilement joué par James Fox, et c'est sûrement son homosexualité (à la fin il se marie, mais ça ne change rien à l'affaire) qui, le plaçant déjà dans une position de différence, lui permet de devenir le héraut de la justice contre l'arbitraire.
La Route des Indes s'inscrit dans cette grande lignée de films de confection classique dont on peut gratter sans crainte le vernis : derrière la beauté des décors, la magnificence des costumes et l'abondance de figuration, derrière cette façade luisante se trament les combats et les ambiguïtés du cœur.
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