Le député UMP du Nord comparaissait hier à Lille, accusé de propos homophobes.
Le complexe de supériorité de Vanneste, député hétérosexuel
par Didier ARNAUD
(c) Libération.fr, QUOTIDIEN : mercredi 14 décembre 2005
Lille envoyé spécial
Avant le début du procès, les insultes ont fusé. Ils étaient face à face, séparés par la rue, à l'entrée du tribunal de Lille. D'un côté, les amis de Christian Vanneste, député UMP du Nord, regroupés sous une banderole : «La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l'homme.» Ils chantent la Marseillaise. Ce sont des hommes, pour la plupart, qui semblent plus âgés que le député de 58 ans. De l'autre, des militants associatifs (Act Up, les Flamands roses, SUD rail et la CGT, mais aussi les sans-papiers) portant tee-shirts «Tapiole militante» et criant des slogans comme «enculons-nous gaiement», ou «les vieux en gériatrie», en référence à ceux du camp d'en face. Soudain, un vieil homme traverse la rue après s'être fait maltraiter par un jeunot : «T'étais collabo en 40 !» Le retraité lui répond : «Tu fais le gros dur mais j'étais dans la division Leclerc.» Vite, ses amis le ramènent du bon côté du trottoir. Ambiance.
Dangereux. Quand Christian Vanneste est arrivé, il s'est fait huer, traiter de «facho», «colonialiste» (lire ci-dessous) et bien sûr d'«homophobe». C'est pour cette dernière «qualité» qu'il comparaissait hier. Après des propos tenus dans des journaux du Nord, comme ceux-ci : «Je n'ai pas dit que l'homosexualité était dangereuse, j'ai dit qu'elle était inférieure à l'hétérosexualité. Si on la poussait à l'extrême, ce serait dangereux pour l'humanité.» Ou comme ceux-là : «Il y a un modèle social qui est celui du mariage hétérosexuel et de l'éducation des enfants.» L'association SOS Homophobie a porté plainte, rejointe depuis par Act Up et le Syndicat national des entreprises gaies (Sneg).
Détendu malgré le charivari, souriant jusqu'aux oreilles à ceux qu'il connaît, Christian Vanneste s'est expliqué, devant les caméras, avant le début du procès. Il se serait «volontiers passé d'une telle publicité». Et conteste la validité de la loi de décembre 2004, qui fait de toute injure à une personne en raison de son sexe, de son orientation sexuelle ou de son handicap un délit. A la barre, le député persiste. «Il n'y a qu'une différence sexuelle, c'est entre l'homme et la femme, c'est ainsi que s'est constituée l'humanité. Dans toutes les sociétés, on a écarté l'inceste et l'homosexualité. Je n'ai aucune prévention contre les personnes homosexuelles, je conteste le comportement.» Puis : «Le comportement homosexuel n'a rien à voir avec l'identité, on ne peut pas dire qu'une personne trouve son essence dans l'homosexualité. Je ne me sens pas essentiellement hétérosexuel.» Enfin, bis repetita : «Vous ne pouvez mettre à égalité le comportement homo et hétéro, le comportement homosexuel est inférieur sur le plan moral»...
Débat de sourds. Vanneste s'est dit «piégé» par les journalistes, qui ont selon lui contribué à ce que le débat soit un débat de sourds. Et puis, en tant qu'ancien adjoint à la culture il était professeur de philo, avant de devenir député en 1993 , il a expliqué qu'il avait eu à connaître des «amis homosexuels», dont deux étaient morts dans des conditions dramatiques. Sur sa commune, il y a même un centre de lutte contre le sida. «Voyez, je ne suis pas insensible à cette question-là», explique-t-il. Décidément incorrigible, il réitère : «L'homosexualité peut être acquise, mais aussi rééduquée.» Il cite le témoignage de ce jeune homme de 35 ans, marié et père de deux enfants, qui lui aurait téléphoné pour le soutenir : «J'ai connu ça [l'homosexualité], j'ai pu m'échapper de cette chose. Merci de votre combat.» Vanneste, soutenu, mais Vanneste assiégé. Il raconte les mauvais coups d'Act Up qui bloque son fax, ou ces périodiques gais qu'il reçoit dans sa boîte à lettres, ces manifestations lors de ses voeux. Il cite Voltaire, montre qu'il se passionne pour l'histoire de l'homosexualité, reprécise ses propos pour dire qu'on l'a mal compris.
«Trahison républicaine.» Avant lui, Jacques Lizé, de SOS Homophobie, a raconté comment il a reçu davantage d'appels à l'aide d'homosexuels depuis les propos du député. Il parle de «trahison républicaine», assure que les agresseurs d'homos se sont sentis légitimés. Jean-François Chassagne, pour le Sneg, explique que les mots du député sont une «traînée de poudre». «C'est un retour au passé. Est-ce qu'on peut se laisser piétiner ainsi ? On croyait que ce monde avait évolué, que la France avait franchi un pas. C'est injurieux.» Pour Act Up, Jérôme Martin a rappelé comment cela lui a évoqué le débat sur le Pacs et son «déluge» d'insultes : «Je n'empêche pas monsieur Vanneste de discuter sur le terrain politique des arguments, mais dire que les homosexuels sont sectaires, c'est les inférioriser.» Puis, cité par les parties civiles, un autre député UMP, Jean-Luc Roméro, viendra rappeler qu'un élu de la République ne doit pas être au-dessus des lois : «La majorité des élus de mon parti ne partage pas ces opinions.» Ni d'ailleurs le président de l'UMP, Nicolas Sarkozy, qui a condamné fermement ces propos, sans pour autant aller jusqu'à les sanctionner.
Dans la soirée, le substitut Laurent de Caigny a requis l'application de la loi du 30 décembre 2004 qui réprime de la même manière discriminations raciales, xénophobes ou sexistes. Christian Vanneste encourt une peine de six mois de prison ferme et 25 000 euros d'amende. Le jugement a été mis en délibéré jusqu'au 24 janvier.
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