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Fiche technique :
Avec James Duval, Debi Mazar, Rachel True, Chiara Mastroianni, Nathan Bexton, Kathleen Roberston, Christina Applegate, Ryan Phillippe et Heather Graham. Réalisé par Gregg Araki. Scénario : Gregg Araki. Directeur de la photographie : Arturo Smith.
Durée : 82 mn. Disponible en VO, VOST et VF.



Résumé :

L'histoire d'un voyage en apnée dans la journée banale d'un adolescent de Los Angeles âgé de dix-huit ans, Dark Smith, hanté par la fin du monde et la quête de l'amour pur.


L’avis d'Olivier Nicklaus :
Dernier volet de la trilogie consacrée par Gregg Araki à "l'apocalypse adolescente", Nowhere passe au Karcher MTV le quotidien teenage californien.

Circa
95, à l'heure où Larry Clark passe de la photo au cinéma en faisant de Kids la pierre inaugurale de son autel filmique à l'adolescence américaine white trash, sort en France The Doom Generation, d'un dénommé Gregg Araki, deuxième volet d'une trilogie baptisée en toute décomplexion Teen Apocalypse, et dont ce Nowhere est le point final. Historiquement, Araki est donc l'un de ces cinéastes qui ont rendu à l'adolescence perdue sa place centrale parmi les thèmes fétiches du cinéma américain indépendant. Mix hardcore de zapping MTV (des couleurs criardes sursaturées jusqu'à la bande originale sans aucun déchet : Radiohead, Chemical Brothers, Massive Attack, et notre super chouchou Two of Hearts de Stacey Q), de teenage movie déluré (obsession de la baise, de la fête, de la musique et de "qui a les ecstas ?"), de la littérature de Dennis Cooper ou de Bret Easton Ellis (zéro problème d'argent, et beaucoup de garçons n'ayant qu'une idée en tête : bouffer des culs, encore et encore, que ce soit celui de filles ou de garçons, peu importe), de sitcoms à la Beverly Hills (on disserte pendant des heures sur qui va sortir avec qui, ou si Untel va m'inviter ou pas à sa fête, en se repeignant les ongles), d'hypnose télévangéliste, de série B avec monstre tirant sur tout ce qui bouge, de viol hardcore, etc.


A l'arrivée, on pourrait craindre la bouillie immangeable. Or, non, Araki garde son cap. Il filme des adolescents qui ont traversé le miroir coctalien de leurs fantasmes, si bien qu'on ne sait jamais si on est dans leur réalité ou leur imaginaire. Et c'est très bien comme ça.



L’avis de Matoo :
Il fallait absolument que je parle de ce film, j’y pense depuis que j’ai évoqué Mysterious skin, qui a déjà presque deux ans. C’est un film de 1997 (putain dix ans !!), et ceci explique sans doute en partie pourquoi ce film est si important pour moi. Bah ouais, j’avais 21 ans quand je l’ai vu, et il incarnait avec une perfection redoutable tout ce que j’avais dans la tête. Je me souviens qu’il avait été taxé par la critique « d’épisode de Beverly Hills sous acide », ce qui correspond formellement assez bien à la réalité. Mais il y a plus à mon avis qu’un simple pastiche.
J’avais déjà été conquis par le savoir-faire incroyable du réalisateur pour son précédent film, Doom generation, où l’on pouvait déjà loucher sur son (bel) acteur fétiche : James Duval. Ce film était dingue et superbe, un road-movie plus que déjanté qui vitriolait déjà allègrement la société américaine. On retrouve son talent de cinéaste pour Nowhere, et notamment dans la manière sensuelle et photographique avec laquelle il filme les corps et les visages de ses comédien(ne)s.

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Nowhere se passe à Los Angeles, et on suit les tribulations d’une bande de lycéens californiens « standards ». Il y a notamment Dark, adolescent taciturne et arty, qui sort avec Mel, une superbe black bisexuelle et insatiable. Dark va vivre quelques événements forts et décalés qui vont lui faire remettre en question ses credo et son sens de la réalité. Il rencontre notamment Montgomery qui va bien le troubler, tandis qu’en présence d’un étrange lézard géant extraterrestre, tout semble se détraquer autour de lui.
Le film ressemble bien à un épisode de Beverly Hills car il en possède quelques attributs esthétiques, et Araki se plait surtout à récupérer tous les codes des soaps et de notre univers consumériste actuel (enfin, celui de l’époque car le film est déjà extrêmement daté). Le film pullule de personnages secondaires plus ou moins liés les uns aux autres (petits copains, frères, sœurs, amis, potes de classe etc.), et il déroule toute une série d’intrigues qui mettent en place l’ambiance générale.
En outre, le casting est exemplaire avec des comédiens ou comédiennes qui n’étaient pas forcément très connus à l’époque, ou d’autres qui ont accepté de jouer dans des rôles quasi-parodiques. C’est comme cela qu’on trouve pêle-mêle : Chiara Mastroianni, Kathleen Robertson (qui joue dans Hollywoodland), Christina Applegate, Ryan Phillippe, Heather Graham, Mena Suvari, Denise Richards, Jaason Simmons (une pauvre star d’Alerte à Malibu), Charlotte Rae (mais si Madame Garett dans Arnold et Willy !) et tout de même dans le rôle des trois pétasses à un arrêt de bus : Rose McGowan, Traci Lords (célèbre actrice de porno US des années 90) et Shannen Doherty.

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J’ai adoré ce film à l’époque car c’était un OVNI complètement taré, mais où je retrouvais en substance toute ma « culture » de l’époque. Et puis ça avait beau être flippant, décalé et « noir », ça n’était pas non plus un film pessimiste ou négatif. En plus, il y avait de l’amour, du désir, du sexe, de la romance, de l’amitié, et toute une bande de jeunes qui cherchaient à trouver leurs propres codes ou valeurs, et à profiter de leurs vertes et insouciantes années. C’est aussi un film qui d’un plan à l’autre, passe du rire aux larmes, de la débilité superficielle à l’angoisse adolescente, et parfois au suicide, à la drogue, au sexe en tant que récréation amoureuse, et puis en tant que marchandise ou punition. Quand je le regarde aujourd’hui, je l’aime toujours autant, car il est toujours aussi chelou, toujours aussi incroyablement fucked-up. Et à présent que le décalage temporel le laisse ainsi comme une œuvre en « suspend », elle n’en prend que plus d’importance et de beauté. Ce film a indéniablement marqué cette fin de millénaire pour moi.

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L'avis de Mérovingien02 :
DU CUL ! DU CUL ! DU CUL !
Alors c'est l'histoire d'un groupe de jeunes qui baisent. Beaucoup. Tout le temps. Ha non. Quand ils ont rien de mieux à foutre, ils se shootent à l'ecstasy et se font saigner. Et puis comme le monde se barre en couille, de drôles d'extraterrestres qu'on jurerait sortis tout droit d'un épisode de Power Rangers viennent dire bonjour et exploser la cage thoracique des adolescents. Nous sommes nulle part (le Nowhere du titre), sans point d'ancrage à la réalité, sans destination.
Après Totally F***ed Up et Doom Generation, le réalisateur gay branchos de Mysterious skin boucle sa trilogie de la Jeunesse Apocalyptique. Dans un déluge de trash et d'esthétique léchée underground. Le générique donne le coup d'envoi. Musique planante, lumière blanche. On se croirait au Paradis. Sauf que non, la caméra effectue une descente pour dévoiler en vérité une douche dans laquelle un mec se masturbe frénétiquement pendant que les noms des acteurs flottent un peu partout, comme s'il échappait déjà à toute gravité pour valser sans aucun repère ni logique. Bienvenue dans le néant de cette jeunesse dépravée. Une jeunesse infernale qui semblent condamnée par ses propres pulsions et sa propre identité. Le héros s'appelle Dark Smith, un autre personnage Lucifer...

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Le décor immaculé de la douche, si beau et si lyrique sera vite explosé dans notre rétine par les imagines fantasmatiques de Dark. Des rêves érotiques dans des lumières fluo agressives. Le montage s'accélère pour renforcer l'excitation de la masturbation... Mais l'éjaculation n'aura pas lieu. Nowhere est un film sur l'insatisfaction, la frustration. Tout comme le héros aimerait tomber amoureux d'une bla
ck qui l'enverra paître.

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Autour de Dark gravite une multitude de figures anecdotiques motivées par la seule idée de baiser et de s'éclater. Ils vivent tous dans un monde qu'ils ne comprennent pas. Si cette narration déstructurée empêche l'attachement et révèle une certaine vacuité globale du film, elle permet de renforcer l'aspect provoc’ du métrage en jouant clairement sur un refus des bonnes valeurs. Dès le départ, le personnage principal se sèchera avec une serviette aux couleurs du drapeau américain, d'ailleurs issue de la fin de Doom Generation. Tout un symbole. Si Gregg Araki commet l'erreur de ne jamais chercher à justifier les actes de ses figures interchangeables, il place ses pantins après la démonstration. Ses personnages ne viennent pas avant le message, c'est le message qui guide les personnages. En substance, Nowhere rassemble les thèmes chers du réalisateur. Le sexe, l'amour et la mort. Le sexe ? Il est là, cru, bestial. La sexualité des personnages est totalement libérée et Araki se donne un plaisir à détourner certains clichés. La sexualité des héros n'est pas clairement définie, le motard viril aime se faire fesser et le tombeur romantique est un pervers ultra violent. Le sexe peut-il être lié à l'amour ? L'exploration de ses fantasmes n'est-elle pas simplement un moyen de se sentir vivant dans un monde complètement déconnecté ? Le sexe est en permanence lié à la mort dans le film. Entre un peroxydé qui se fait arracher les piercings des tétons, un couple libéré où l'homme fait saigner sa meuf par un cunnilingus barbare ou encore la fille violée qui finit par se suicider, on se dit que le sexe n'est qu'une manière de se libérer de nos pires pulsions et de tourner le dos aux valeurs intégristes qui régissent le pays.

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Il suffira de voir l'image pervertie du héros d'Alerte à Malibu (Jaason Simmons dans son propre rôle), beau mec bien sous tous rapport qui se révèle être une brute épaisse. Les personnages du film ont au moins le mérite d'aller au bout de leur délires. Ce sont des extraterrestres, au sens propre (voir le dénouement décapant) qui ne se sentent même pas capables de croire en Dieu. Quand Montgomery disparaît, la croix qu'il porte à son cou est le seul élément à lui qui reste. Et quand deux des jeunes se sentent mal face à leur pêché, ils ne trouvent de réconfort que devant un poste de télévision où un taré leur vend Dieu comme une marchandise avec un Paradis idiot semblable à l'image que s'en font les petits beaufs texans. Dans un monde sans Dieu, la violence a le droit de cité. Qu’elle soit sexuelle ou bien gratuite (le démontage de gueule à la canette). Quelle solution reste-t-il pour survivre ? La vraie foi de ces jeunes, c'est la drogue. À la place de l'hostie, on prend de l'ecstasy pour communier. La drogue libère et permet de se bâtir son propre monde, au moins pour quelques heures. Nowhere est un film surréaliste qui ne prend finalement pied dans aucune réalité (ce qui grippe finalement pas mal la thèse défendue par Araki sur le monde extérieur. Dommage). Les décors balancent entre esthétique métal, kitch (la salle de bain des filles au début) ou encore goth. Un hallucinogène. Araki décrit lui-même son film comme un Beverly Hills sous acide. Creux, mais psychédélique. Il est d'ailleurs à noter que le casting comporte bon nombre d'acteurs alors peu (pas) connus à l'époque qui sont depuis devenu des stars de teens movies idiots : Ryan Philippe, Denise Richards, Heather Graham... Surprenant.

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Au milieu de cette surenchère de trips nihilistes au possible, que reste-t-il à Dark pour continuer à vivre ? Peut être l'Espoir ? Entre trois orgasmes et deux giclées de sang, Dark ne verra-t-il pas le mot Espoir apparaître ? Et si l'Espoir, c'était l'amour ? L'amour réciproque avoué dans la seule séquence calme du film, celle du lit à la fin (qui sera vite salopée par un peu de gore trash) marque-t-il une forme de rédemption et d'apaisement ? Le dénouement ultime, et le cri à la fin du générique auraient plutôt tendance à enfoncer le clou du No Hope. L'amour serait-il le nulle part du titre ? Ne nous évoque-t-on pas l'Apocalypse à plusieurs reprises ? La prise de pouvoir des extraterrestres marque-t-elle au contraire la prise de pouvoir des marginaux ?
Quoiqu'il en soit, Nowhere est un drôle d'objet souvent bancal mais relativement attachant, sa courte durée (à peine 1 heure 15) évitant heureusement l'indigestion. Quelle solution y a-t-il à un monde à la dérive ? D'avantage de dérives encore ? Ou bien fuir ? « I'm outta here ! », comme dirait le cafard géant de la fin.

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