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SUMMER STORM

Un film de Marco Kreuzpaintner

Avec Robert Stadlober, Kostja Ullmann, Alicja Bachleda Curus

SORTIE DU DVD LE 18 JANVIER 2006

Durée 1 h 38 - Allemagne - 2004

Tobi et Achim sont copains depuis des années. L’un barreur, l’autre rameur dans une équipe d’aviron, ils vont disputer la plus grande régate de la région. Lorsque le flirt d’Achim et Sandra devient sérieux, Tobi comprend que ses sentiments pour Achim sont plus que de l’amitié. Arrive alors dans la compétition une équipe de jeunes homosexuels athlétiques qui affichent fièrement leurs tendances. Tobi et ses camarades sont forcés de revoir leurs préjugés, leurs craintes, et leurs secrètes attirances. Au fur et à mesure que la tension monte, une confrontation entre les jeunes gens devient inévitable, en même temps qu’une violente tempête menace d’éclater sur le lac…

INTERVIEW

Avec Marco Kreuzpaintner


D’où vous est venue l’idée du scénario de SUMMER STORM ?

J’ai souvent été agacé par le fait que dans les films allemands Grand Public, on rit souvent des gays au lieu de rire avec eux. J’ai donc voulu faire un film qui traite de l’homosexualité d’une façon simple et compréhensible pour tous – pas une niche qui parle des gays ou des hommes mariés qui font leur coming out. Je voulais toucher les classes moyennes de la société avec un thème jugé marginal et tabou. Sans concertation, Thomas Wöbke et moi-même avons eu la même idée au même moment, et nous avons voulu la concrétiser ensemble. Nous avons passé beaucoup  de temps à réfléchir à la façon de raconter l’histoire de cette prise de conscience. Nous avons voulu un film honnête qui raconte la jeunesse, l’ambivalence et les doutes qui la caractérisent. Pas une comédie cinglante ou une farce primaire basée sur le sexe, mais un film qui prend au sérieux les jeunes, leur monde émotionnel, leur mélancolie. J’ai ensuite rédigé un texte à partir duquel a été écrit le scénario. Et ce texte représentait  ma propre histoire.

Est-ce que SUMMER STORM est d’une certaine façon votre propre coming out ?

En fait, l’histoire de Tobi ne correspond pas tout à fait à la mienne. Mais il y beaucoup de points communs avec ma biographie, que j’ai mise en scène. Les personnages ressemblent aux gens que j’ai fréquentés ensuite. J’étais effectivement un rameur moi aussi, mais je n’ai jamais participé à un camp sportif avec mon équipe, seulement lorsque j’étais enfant de chœur. Ces camps représentaient une période très difficile pour moi, surtout du point de vue sexuel. J’ai eu pleinement conscience de mon homosexualité à l’âge de 18 ans. Depuis le moment où je l’ai acceptée, je n’ai jamais eu à le regretter, et je me suis senti beaucoup mieux dans mon fort intérieur. Cette prise de conscience a été un moment assez fort en émotion pour moi.

Comment  s’est passé la collaboration avec votre co-auteur Thomas Bahmann ?

Claussen et Wöbke avaient déjà travaillé avec Thomas Bahmann en tant que scénariste. Quand nous avions recherché quelqu’un qui pouvait avoir le même niveau d’émotivité et de sensibilité que moi, nous avons tout de suite pensé à lui. Thomas a écrit les premières lignes du script à partir de mon texte ; ensuite, nous avons écrit ensemble les autres versions. Le tournage a commencé mi-août. Six mois se sont écoulés entre le premier jet en janvier et la finalisation du script. Mais nous voulions tourner immédiatement, car nous étions trop impatients de raconter cette histoire. Nous avions vraiment la certitude que nous devions faire le film très vite.

Comment les gays et les hétérosexuels se sont entendus sur le tournage ?

Seul un des acteurs était ouvertement homosexuel. Mais, évidemment, la sexualité était un sujet de conversation qui revenait souvent sur le tournage. C’était incroyable de constater la facilité avec laquelle les garçons rattachaient leurs propres expériences érotiques homo aux choses qui se sont passées dans le film. Deux ou trois d’entres eux ont même découvert de nouvelles facettes de leur personnalité après le tournage.
Mais jusqu’à preuve du contraire, personne n’a fait son « coming out » à la suite du tournage !

Comment avez-vous su gérer ce groupe très hétérogène ?

C’était un vrai challenge de contrôler 18 jeunes acteurs âgés de 15 à 23 ans pendant 38 jours ! Il y avait aussi un réel « décalage » entre les maturités : leurs expériences,  leurs centres d’intérêt, leurs sujets de conversation ; il y a même eu des moments de tension inévitables du fait de ces différences d’âges. J’ai compris qu’il était primordiale pour moi de devenir leur ami. Cela aurait été vraiment ridicule de se la jouer « dompteur de fauves » dans ce contexte. Certaines personnes comparent le tournage d’un film à une guerre. Nous, notre « politique »  a toujours été basée sur l’amitié, et je pense vraiment que la créativité ne peut se révéler qu’avec une ambiance sereine et chaleureuse. L’angoisse vous renferme sur vous-même, et vous rend plus nerveux. 
La plupart des acteurs n’avait jamais vu une caméra hormis pour de la figuration Télévision, et avait appris à respecter le scénario « à la lettre ». J’ai dû commencer par leur montrer qu’ils devaient être plus motivés et audacieux devant la caméra, qu’ils devaient être plus spontanés, et dire ce qu’ils ressentaient avec leurs mots. Quand vous dirigez d’aussi jeunes gens, vous en avez toute la responsabilité , et vous devez les encourager à garder leur indépendance, leur personnalité même dans le cadre de leur travail. Beaucoup étaient  « coincés » du fait de cette fragilité liée à l’adolescence. Je pense que l’ambiance « bon enfant » a favorisé la spontanéité devant la caméra.
Nous étions tous logés dans le même hôtel, et vivions tous ensemble 24 heures sur 24. Cela créait quelquefois de l’électricité, et des besoins de se défouler ; mais c’était aussi un bon catalyseur de créativité.
Par exemple, il était important pour moi de faire écouter la bande originale du film aux acteurs, sur le tournage. Ils avaient tous avec eux leur Walkman ou MP3, et pouvaient par conséquent se conditionner et se préparer au mieux pour le tournage.
Le morceau de musique que nous avons choisi d’utiliser plus tard était une chanson de Nada Surf, que nous écoutions en boucle sur le tournage. Ce qui est intéressant, c’est que les scènes se sont déroulées d’une façon complètement différente avec la musique. Mon souhait n’était pas une musique minimaliste ou électronique, celle qu’on entend tous les jours, mais plutôt une composition qui colle parfaitement à la personnalité des rôles principaux du film. Niki Reiser a su relever le challenge.

Comment vous y êtes-vous pris pour les scènes délicates ?

J’étais plus inquiet que les acteurs eux-même concernant les scènes de sexe entre Léo et Tobi. Je passais mon temps à anticiper, à préparer le terrain avec Robert et Marlon, et je leur disais que j’imaginais leur scène comme quelque chose de pur et de  sincère, et non comme une scène de sexe « cliché » et trop « esthétique » .Je voulais filmer la sexualité, dans sa naturalité et sa sincérité. En tous les cas, c’était une expérience sexuelle anodine, mais pour Tobi, c’était une première étape importante, car c’était LA première fois pour lui, en lui confirmant ses sentiments.
Les acteurs ont été très loin pendant le tournage. Nous voulions seulement aller à l’essentiel pour ce film, et surtout pas tomber dans le voyeurisme.

Environ 80% du film a été tourné en extérieur…

Ce qui était épuisant. Tellement de choses se sont passées pendant le tournage. Notre directeur de plateau a eu un sérieux accident de moto, le temps était pitoyable….  Comparé à mes autres films, SUMMER STORM a été bien plus compliqué du point de vue technique, et du point de vue direction d’acteurs. Mon film BREAKING LOOSE, était une belle histoire humaine, aux paramètres limités. Tout était facile à gérer, il y avait peu d’acteurs. SUMMER STORM a été plus épique - pensez simplement à la scène du gros orage, et imaginez les machines et tout le  matériel que nous avons dû utiliser sur le tournage pour obtenir ces effets - et aussi plus difficile sur le plan physique et émotionnel, pour les acteurs comme pour moi. Et comme c’était ma propre histoire, je me devais de ne rien laisser passer et de déborder d’énergie pour arriver à mon objectif. Nous avons utilisé beaucoup de matériel, parfois avec la caméra 35 mm, comme d’autres utilisent le DV, nous laissions les caméras tourner.
Heureusement, grâce à Jakob Claussen, Thomas Wöbke et Uli Putz, j’avais les meilleurs producteurs qu’on peut souhaiter à un réalisateur dans ce pays ; ils ne m’ont jamais mis la pression. Et lorsqu’il y avait des problèmes, ils étaient là pour m’aider. Ils se considéraient comme mes partenaires. Finalement, malgré mon expérience limitée, je peux dire que ce fut le tournage le plus éreintant que j’ai jamais réalisé. Et pour ceux qui y ont participé, le tournage a été un vrai orage d’été en ce qui concerne leur évolution personnelle !

Matériel photographique et interview nous sont offerts par Antiprod. Qu'ils en soient remerciés !

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