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Fiche technique :
Avec Pierre Chatagny, Natacha Koutchoumov et Rui Pedro Alves. Réalisé par Lionel Baier. Scénario de Lionel Baier. Directeur de la photographie : Séverine Barde et Lionel Baier.
Durée : 94 mn. Disponible en dvd.

Résumé :
Entre le travail dans une usine de chocolat la journée et le sexe consommé à la chaîne le soir, la vie de Loïc est réglée comme du papier à musique. Mais un jour, il fera quelque chose d'exceptionnel, "de nouveau". Le jeune homme ne sait pas encore quoi, mais économise déjà sur la nourriture en se coupant l'appétit à coup de cachet contre le mal d'estomac.
Il y a Marie également, l'amie d'enfance, celle chez qui Loïc va dormir après avoir été rodé sur internet, puis dans les rues de la ville. Celle dont Loïc est peut-être amoureux.
Mais tout cela va changer, parce que Loïc va faire des rencontres : le type étrange du Mac Donald d'abord, mais surtout Rui, le footballeur star de l'équipe régionale. Le jeune homme va changer, parce que Marie le forcera à aller plus haut. Parce que Loïc n'est pas un garçon stupide...
L'avis de Clément Graminiès (Critikat) :
Avec ce premier long-métrage aussi hésitant qu’attachant, le jeune réalisateur suisse Lionel Baier esquisse le délicat portrait d’un jeune homosexuel de vingt ans, Loïc (Pierre Chatagny), qui partage sa vie entre le travail à l’usine et les rencontres d’un soir conclues sur Internet. Avec cette approche quasi sociologique du milieu gay, Garçon stupide rend compte, sans aucune complaisance, d’une misère affective où la sexualité, exploitée mécaniquement, vient contrebalancer l’absence totale d’attaches.

Mais l’entrevue sur laquelle s’ouvre le film va progressivement venir bouleverser ce rapport aux autres. Jeune garçon égoïste qui ne s’interroge pas sur le monde qui l’entoure - il ne sait même pas qui est Hitler -, Loïc est stupéfait de voir qu’un homme, Lionel, s’intéresse si soudainement à lui, à sa personne, en lui posant toutes sortes de questions non relatives à ses performances sexuelles. D’abord déconcerté par les intentions louables de cet homme qui restera continuellement en hors-champ, le jeune homme se laisse peu à peu prendre au jeu de la confession et multiplie les rendez-vous comme on décide d’entrer en psychanalyse. Lui qui n’envisageait son rapport avec l’autre qu’autour d’un plaisir immédiat va peu à peu s’éveiller à la complexité du monde qui l’entoure, à des désirs dont il ne soupçonnait même pas l’existence.

Car sous ce comportement futile et insouciant, Loïc cache des trésors que la mise en scène soignée de Lionel Baier fait éclore par fulgurance. En contrepoint des nombreuses scènes crues et terriblement réalistes où l’acte sexuel est surreprésenté sans jamais appeler à quelque voyeurisme, le jeune homme aux grands yeux noirs et mélancoliques surnage puis s’accroche, grâce notamment à la bonne copine, Marie (touchante Natacha Koutchoumov), qui l’héberge très régulièrement dans son petit deux pièces de Lausanne. Affectueuse, la jeune femme offre à Loïc un amour, une écoute et un réconfort que ses histoires d’un soir ne sont pas à même de lui donner. A la fois substitut maternel et amoureuse transie, elle subit les sautes d’humeur de ce jeune immature, lui explique patiemment les termes qu’il ne comprend pas tout en essayant de lui faire prendre conscience de la vacuité de son existence. Mais l’égocentrisme du jeune homme, dont la caméra épouse le point de vue, ne lui permet pas de comprendre que cette amie est autant, sinon davantage, rongée par la solitude et la peur de l’échec. La soudaine scène du suicide, quasi onirique, vient alors contredire toutes les certitudes de Loïc. Il suffit de le voir terrassé de peur, animal devenu vulnérable, lorsque son amie disparaît momentanément dans la pénombre d’une grotte pour comprendre que Garçon stupide, sous ses aspects de comédie sociale, revêt des accents tragiques qui pousseront son personnage principal à dépasser ses propres limites, à aller jusqu’au bout de ce parcours que la réalisation travaille avec une patience admirable.

Et si le film semble s’égarer par intermittence dans des possibles scénaristiques aussitôt avortés, c’est que Lionel Baier suit au plus près les balbutiements de Loïc dans sa nouvelle prise de conscience. Revenu d’une mort symbolique, il repart de zéro, renaît depuis la chambre de son enfance où chaque objet se veut l’évocation de souvenirs refoulés, puis s’émancipe, part à la découverte du monde à l’aide d’une caméra. L’objet, preuve d’un éveil et d’une volonté de comprendre, devient une arme à part entière, un possible tangible qui lui permettra de comprendre de lui-même ce que son amie n’est plus là pour lui expliquer.

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