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(4.31)




 

Quand je suis parti de France il y a un an, je n’avais aucune intention d’y revenir un jour, sauf avec une auréole de gloire et un gros compte en banque dissimulé dans un paradis fiscal, de sorte que je pourrais me partager entre ma résidence parisienne (qui serait bien sûr un duplex moderne de 200 m2), mon cottage en Normandie, mon mas provençal ou ma villa dans le Lubéron, une autre près du Lac de Genève, pas très loin de chez Cleve, une autre à Lugano, en Suisse italienne, pour être le voisin de George Clooney, et une grotte troglodyte aménagée dans le Val de Loire, pour goûter à la douceur du Jardin de France célébré avec nostalgie par Joachim du Bellay. J’aurais aussi un riad au Maroc, et naturellement un petit palais à Zanzibar, ma porte sur l’Océan Indien d’où je rejoindrais ponctuellement La Réunion et Madagascar où, là aussi, j’aurais un chez moi.

Rien que ça. Vous voyez, je ne demande pas beaucoup à la vie. Juste d’avoir un point de chute à moi quel que soit l’endroit où je pose mes valises.

Quand je suis parti de France il y a un an, je voyais l’Amérique du Nord comme le continent où, plus encore qu’un nouveau départ, je pourrais enfin prendre mon envol dans la vie et réaliser mes rêves. La première année fut difficile à vivre. La deuxième, semble-t-il, s’annonce plus sereine. Mais c’est, dit-on, le cas pour tout expatrié.

Quand je suis parti de France il y a un an, j’étais célibataire. J’avais laissé derrière moi un certain nombre d’amours mortes et de romances inachevées. Mon cœur battait encore pour deux ou trois personnes, peut-être quatre, mais faute de pouvoir rester et, en outre, non retenu par quiconque, j’ai quitté sans me retourner ces histoires qui ne pouvaient déboucher sur rien de concret.

Et puis, par un hasard que je n’attendais plus, en juin dernier j’ai rencontré Andréa. Au moment de notre rencontre, j’avais déjà pris la décision de quitter mon actuelle profession à l’horizon de l’été 2009, afin de me donner les moyens de réaliser mes rêves et de tenter l’aventure tant qu’il en était encore temps. Cependant, je venais de traverser six mois tellement pénibles que j’étais dégoûté du Canada et avais pris le parti de revenir en France, non sans avoir passé au préalable deux mois à Casablanca pour me ressourcer chez ma sœur de cœur Zohra, et y puiser une inspiration pour me lancer dans mes œuvres.

J’étais dans cet état d’esprit lorsque j’ai rencontré Andréa, lorsque que nous avons passé ensemble trois jours romantiques à Paris, et lorsque je suis rentré début juillet à Moncton pour affronter les responsabilités qui m’attendaient et allaient me bloquer là-bas durant toute la saison estivale. Aussi, le plus naturellement du monde, Andréa est-il parti du principe que j’allais revenir en France.

Comme vous le savez, ma vie ressemble à un savon, et les savons, ça glisse. Sinon, ce n’est pas drôle. Et l’équipe de scénaristes qui écrivent Zanzi and the City, super-savon dont je suis le héros, ont bien évidemment choisi d’assombrir le ciel de mon personnage en l’assaillant de doutes et en lui faisant reconsidérer l’idée, non de quitter son emploi actuel, mais de quitter le Canada l’année prochaine.

Je me suis souvenu dernièrement que, lorsque je suis parti de France il y a un an, je me suis dit que si j’y revenais sans avoir réalisé mes rêves et mes ambitions, ce serait le constat de mon échec. Or, je dois bien reconnaître que c’est ce qui me pend au nez si je choisis de faire marche arrière ! À part l’amour que je n’attendais plus, qu’est-ce que la France peut m’offrir, qu’elle ne m’a pas offert au cours de toutes les années qui ont précédé ? Et l’amour, lui, ne peut-il me rejoindre là où je suis ?

Terrible problème du choix…

Andréa commence à Paris une carrière qui s’annonce aussi prometteuse que les nouvelles perspectives qui s’ouvrent ici devant moi. Faudra-t-il que l’un d’entre nous se sacrifie ? Serons-nous capables de trouver un compromis ? Barack Obama sera-t-il élu Président des États-Unis ou bien Sarah Palin damera-t-elle le pion à Hillary Clinton en devenant la première Présidente en juillet 2009 après que John McCain aura succombé à une crise cardiaque ? Carla imitera-t-elle Rachida et tombera-t-elle enceinte elle aussi ? Ou est-ce vraiment l’excès de bière qui, selon ses propres dires, arrondit son ventre ?

La bière, je m’y suis mis depuis quelques semaines. Pensez donc, avec mes potes, on la trouve à un 1,50 $ dans un bar à deux pas de mon bureau. La bière pour un euro, vous y croyez ? C’est possible, dans une province où le taux de croissance n’est pas à moins de 2 % comme en France, mais cousine avec celui de la Chine. Alors, nous refaisons le monde autour d’une Alpine, d’une Mooshead ou d’une Alexander Keith. Demain soir, je vais leur faire goûter la Leffe Blonde, la bière de mon coin de pays en France (bon, d’accord, elle est Belge, mais c’est ça l’Union Européenne !). On ne va pas chipoter. Même la Stella Artois est Belge et pourtant l’Artois, c’est en France ! Bref… encore une fois je m’égare comme dans un hall… (de Daniel C. ! hahaha !)

J’en étais donc à énumérer toutes les incertitudes qui planent autour de la saison 5 de Zanzi and the City. D’ailleurs, y aura-t-il seulement une saison 5 ? Les scénaristes se tritouillent la cervelle. Moi-même, je ne sais plus où j’en suis. Tout serait plus simple si je n’étais pas un personnage réel. D’ailleurs, qui vous dit que je ne suis pas un personnage imaginaire ? Et que Nelfew, lui, est bien réel ! Ou que nous sommes tous les deux réels ou tous les deux imaginaires.

Vous n’y croyez pas ?

Vous n’y croyez plus ?

Vous voulez voir ce que ça donne ?

Regardez, j’appelle Nelfew, et il va me faire disparaître…



 


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