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Derrière les masques :


SPIDER-MAN 2 (2003) de SAM RAIMI
OU LA REVANCHE DE L'AMBIGUÏTÉ

 

Un film analysé et décrypté par
Marc-Jean Filaire

Enseignant en Lettres modernes à l’université de Nîmes

 




Si quelqu’un osait dire que Spider-Man est gay, la foule des adeptes de comics monterait au créneau et hurlerait au scandale ; et l’on n’entendrait plus ceux qui avouent à voix basse qu’il n’est pas le seul superhéros à les faire fantasmer dans son costume moulant. Comment un homme qui a une petite amie peut-il être taxé d’une telle marque d’infamie ? Il ne peut y avoir que le regard impie d’un pervers pour apercevoir une telle abomination. Cependant...

Cependant, si je mets en lumière les ambiguïtés qui font que, à certains moments, dans les films de Sam Raimi, il est possible de trouver le jeune Peter Parker un peu déroutant dans ses rapports amicaux et amoureux, alors, peut-être, me laissera-t-on émettre l’hypothèse – subversive, il est vrai – que l’image érotique de l’homme araignée mérite qu’on s’attarde – mais pas trop longtemps – sur les failles de son hypervirilité. Ai-je pris assez de précautions oratoires ? Puis-je continuer sans risquer l’émeute ou la lapidation ?



J’admets tout de suite qu’il n’est jamais dit que Peter Parker est gay ; j’admets qu’il a une petite amie jolie ; j’admets que ses relations avec les hommes sont dénuées de gestes sexuellement explicites, j’admets que les apparences nient clairement l’homosexualité. Et pourtant je ne suis pas convaincu, et pourtant je continue à penser que l’étudiant binoclard et photographe entre deux missions héroïques n’est pas si niaiseux qu’on veut nous le faire croire, et pourtant je défends l’idée que sous le costume aux couleurs de la virile Amérique (rouge et bleu, comme Superman) se cache un jeune homme qui se cherche et ne sait pas trop où il en est avec son éros. Déjà, le premier épisode nous faisait les observateurs d'un adolescent qui se réjouit de se voir si beau en son miroir, qui cache à sa tante May que seul dans sa chambre il projette à répétition des fils collants sur les meubles, qui annonce à sa petite amie préférer la quitter plutôt que de la faire souffrir par l’aveu de sa vraie nature. Pas facile d’être un superhéros et d’en garder le secret. Pas facile d’être gay et d’en garder le secret.



Le deuxième volet de la saga marque une nouvelle étape dans le processus psychologique du jeune adulte qui cherche à comprendre ce qu’il est, ce qu’il se doit et ce qu’il doit à ceux qui l’entourent. Si, dans le premier épisode, Peter Parker faisait l’expérience de son propre corps, comme tout jeune garçon qui se réveille à l’adolescence dans un corps d’homme, l’épisode suivant est le récit allégorique du même homme en quête de son identité sexuelle : pour le dire autrement, Peter Parker s'attelle à trouver sa place au sein d’une société normée en refusant les modèles préétablis susceptible de nier son individualité.


 

Soi et les autres : singulier vs pluriel


Sans affirmer que le protagoniste est un homosexuel, il est néanmoins possible de repérer dans son parcours personnel des similitudes avec le parcours que nombre de jeunes gays connaissent au cours de leur adolescence avant d’assumer sans honte leur désir. En effet, Peter Parker perçoit son existence comme un mensonge perpétuel dans la mesure où il ne peut même pas avouer à ses proches ce qu’il est réellement. Sa vie sociale est celle d’un ado mal intégré, qui se fait bousculer au sens propre comme au sens figuré : il se sent invisible, personne ne le voit tel qu’il est vraiment, tout au plus le remarque-t-on comme le nerd, bon en tant qu’étudiant en sciences mais rasoir en tant que condisciple. On retrouve là le complexe du garçon mis à l’écart parce qu’un peu bizarre, pas assez viril pour appartenir à l’équipe de sport, pas assez semblable aux autres pour qu’ils veuillent l’intégrer à leurs jeux communautaristes. La seule reconnaissance qu’il peut attendre du groupe est celle de sa marginalité, de sa différence. Pour exister, il faut au jeune homme construire sa propre vie hors des milieux traditionnels : pendant que les autres s’amusent dans les fêtes de leur âge, Peter Parker retient l’attention de son professeur de sciences ou du brillant docteur Otto Octavius ; alors que la majorité vit le jour (université, bureau) ou le soir (théâtre), il renaît la nuit dans son costume qui dissimule son identité. Toujours en rupture de ban, il se cherche de nouveaux repères et surtout de nouveaux pères pour combler l’absence du sien, parce qu’il est attendu qu’un garçon se construise sur le modèle d’un homme solide et viril. Le personnage met du temps à comprendre qu’il peut échapper à cette normalisation et que la figure féminine de sa tante a peut-être plus à lui apprendre que tous ces pseudo-pères qui voudraient faire de lui un clone d’eux-mêmes – ce que Norman Osborn avait déjà tenté dans le premier épisode.



Sur le plan narratologique, on distingue les étapes d’un parcours assez proches de celles d’une acceptation de l’homosexualité à l’adolescence. Le parcours commence par une prise de conscience de sa différence et de son incapacité à satisfaire les attentes des proches, ce qui conduit à un certain désespoir face à une réalité sociale dont on se sent tout autant exclu. La première réaction devant cette incompatibilité est de nier ce qui est le propre de sa différence : en constatant qu’il ne peut pas être un parfait superhéros capable d’assumer sa vie cachée en même temps que ses activités de justicier, Peter Parker admet qu’il est possible de faire un choix, et il fait celui du déni, préférant la médiocrité du mimétisme social à la singularité héroïque. Combien de jeunes gays ont ainsi tenté d’aligner leurs activités et leurs pensées sur celles de leur entourage hétérosexuel ? Pour quel profit ? À retarder l’aveu de la vérité refoulée, on ne gagne que peu de temps avant le jaillissement de la souffrance accumulée. Dans le film, l’aveu fait à sa tante – mère de substitution – de son rôle dans la mort de l’oncle laisse croire que celle-ci pourrait renier Peter mais elle aussi progresse à la suite de cette révélation : elle accepte de dépasser la douleur de son veuvage et de regarder vers l’avenir sans en vouloir à celui qui, un instant, l’a déçue mais qu’elle sait aimer au-delà de ses imperfections. Bien des parents, à notre époque, acceptent, malgré tout, que leur enfant soit « différent » mais il leur faut souvent du temps. Reste à admettre que l’on peut avouer à ses proches (Mary Jane, Harry) et même se montrer en public tel que l’on est (scène du métro) pour parvenir à un nouvel équilibre intérieur. L’adolescent, que ce soit Peter, une jeune lesbienne ou un jeune gay, sait qu’il est difficile de s’assumer différent au sein du groupe social : être singulier au cœur d’une pluralité dominante exige un courage, dont les membres de la collectivité ne savent guère estimer la force, surtout quand on est encore à l’âge tendre.


 

Soi et l’autre : masculin vs féminin


D’autres analogies sont encore à déceler pour montrer l’intérêt d’un film qui, sans une lecture des ambiguïtés, pourrait paraître plus que léger et dévolu au seul spectacle des scènes d’action et des effets spéciaux. Dans ses relations aux hommes et aux femmes, le personnage surprend parfois par ses réactions ou ses répliques. Ainsi, on peut s’attarder sur les difficultés relationnelles récurrentes avec les jeunes femmes, qu’elles soient fréquentées souvent ou non. Lors de la piteuse livraison de pizzas, on ne peut guère passer outre l’attitude d’impuissance de Peter devant une condescendante mangeuse de chewing-gum dont la mastication semble mettre en scène de façon ironique l’acte de castration par morsure. Mais toutes les femmes ne sont pas des vagins dentés qui humilient les hommes (gay) cachés dans leur placard (à balais) : en anglais le jeu de mot fonctionne autant qu’en français (placard/closet). Une autre jeune femme est à remarquer : la fille du logeur. Personnage attendrissant plus que tout autre – elle est même décalée dans ce film de divertissement –, Ursula (Mageina Tovah) frise la pâmoison à chaque fois qu’elle voit le jeune locataire. Pourtant, Peter ne semble jamais remarquer ses sentiments à son égard, et même lorsqu’elle lui apporte une part de gâteau et un verre de lait, adorables offrandes alimentaires, il semble ne pas percevoir l’attirance qu’elle a pour lui. Pour le dire plus simplement, il ne la voit pas, elle n’est jamais perçue comme une possible conquête ni même une rivale pour Mary Jane, tout comme les groupies qui appellent Spider-Man dans la rue. Certains verront là les manifestations de la fidélité de Peter ; il convient peut-être de remarquer qu’il est insensible aux charmes féminins, même lorsqu’ils s’offrent de façon si ostentatoire. Reste le cas de Mary Jane. Assurément, c’est vers elle que vont les sentiments du jeune héros, le film le répète assez. Toutefois, on ne peut nier que le manque de communication rend leurs rapports fort peu érotiques ; leur relation est principalement construite autour de la parole – ou de son inverse, le silence – et non du corps. Dans la continuité du premier épisode, leur relation est celle d’amis ; et même si Mary Jane montre un trouble certain face à Peter, dont elle veut recevoir le baiser (scène du salon de thé), lui se tient toujours à distance de la jeune femme, incapable de prendre l’initiative qui nous le montrerait attiré par un corps de femme. Et même quand elle abandonne son mariage avec un bellâtre insipide dont l’uniforme est le seul charme – c’est lui-même qui le dit ! – Parker est encore sur le point de fuir pour poursuivre une nouvelle mission. Le film d’aventures nous avait habitués à des héros plus entreprenants ; on est loin de James Bond et même de Superman, qui n’est pourtant pas un tombeur.



Qu’en est-il des jeunes gens que croise ou fréquente Peter ? Encore une fois, il faut nous attarder sur une rencontre brève, laquelle se construit à contretemps de la femme aux pizzas. Lors de la première perte de ses pouvoirs, Peter est obligé de prendre l’ascenseur pour descendre d’un immeuble ; il y rencontre un charmant jeune homme, qui le complimente sur son costume, que l’on sait particulièrement moulant. Qui aurait l’idée de préciser dans une telle situation que l’inconvénient principal de celui-ci est de remonter l’entrejambe ? Serait-ce la première chose à dire à un inconnu ? On peut en douter, d’autant plus que dans les séries ou les films américains, la cabine d’ascenseur est fortement connotée comme un espace de fantasmes, de rencontres érotiques. Et pourquoi le jeune homme après ce bref échange appuie-t-il sur un bouton ? Serait-il en train de remettre en marche l’ascenseur arrêté entre deux étages ? Du honteux placard avec ses balais récalcitrants à l’ascenseur avec son jeune homme entreprenant, Peter Parker suit une évolution qui se colore d’un érotisme plus qu’ambigu. L’autre homme, dont le charme est indéniable, est Harry, l’ami d’enfance, le rival déçu d’avoir été quitté par Mary Jane, celui dont le père aurait voulu Peter pour fils. Que de raisons d’être dans une relation passionnelle ! Harry est beau, il est riche, il est entreprenant et sa haine pour Spider-Man est absolue, puisqu’il le croit l’assassin de son père. Pourtant, malgré l’acharnement à vouloir détruire celui qu’il a désigné comme son ennemi mortel, lorsqu’il découvre que Spider-Man et Peter ne font qu’un, il ne peut accomplir sa vengeance, impuissant devant le corps presque dénudé de celui pour qui il a laissé partir celle qu’il aimait ; et quand il lance Dr Octopus à sa recherche, son dernier cri est une recommandation impérative : ne pas faire de mal à Peter, alors qu’il semble moins pressé de sauver Mary Jane. Éros et Thanatos ont partie liée dans cette affaire d’amitié particulière. Autant ne pas penser à tous ces détails incongrus et aller au théâtre ; pour voir quelle pièce ? Celle que joue Mary Jane bien sûr, The Importance of Being Earnest (L’Important d’être Constant), une pièce d’Oscar Wilde. Comme auteur hétérosexuel, on a fait mieux !

 


Haine de soi vs amour des autres


Devant tant d’incertitudes, on comprend l’attitude de Peter Parker lorsqu’il décide de redevenir un être « normal », de rentrer dans le rang et dans la norme. N’est-ce pas plus simple en apparence ? Bien sûr, il faut détourner le regard quand un autre adolescent se fait agresser par deux brutes et oublier que c’est encore aujourd’hui le lot de nombreux garçons tabassés parce qu’ils sont gays ; bien sûr, on a tous une vieille amie confite d’amour pour celui qui est depuis toujours un ami délicat et sensible ; bien sûr, on peut se réfugier dans les jupons d’une mère ou une tante (sans jeu de mots) à qui l’on dit, les yeux embués de larmes, qu’on regrette de ne pas être le fils ou le neveu qu’elle espérait avoir. À vouloir être un autre, c’est contre soi que se retourne la violence. Combien de temps cela peut-il durer ? Jusqu’à l’acte manqué, le geste ou le mot qui dit en un instant tout ce qu’on aurait voulu enfouir et oublier. Qu’est-ce qui pousse Peter à retirer son masque alors qu’il a sacrifié une part de lui-même pour rester un héros anonyme ? Au milieu de la foule d’un métro, il se donne à voir, malgré lui, à un moment où retirer son masque n’était en rien une nécessité. Le geste trahit le désir ; le dévoilement avoue la volonté d’être reconnu comme une et non plus deux entités juxtaposées et distinctes : Spider-Man est Peter Parker et Spider-Man a un visage humain. Et là, quel étonnement ! Aucune haine particulière ne vient de la foule, aucun rejet n’est mis en œuvre pour l’exclure du groupe. Quelqu’un dit simplement qu’eux-mêmes, les témoins de cette révélation, ne diront rien de cette vérité qu’ils connaissent désormais. Les craintes de Peter Parker étaient-elles pleinement justifiées ? N’y avait-il pas dans sa dissimulation une emphase due à sa propre peur d’être rejeté ? Tout amateur de film d’épouvante le sait, ou toute personne qui a traversé une ville la nuit, la peur engendre la peur et le risque ne nous paraît plus grand que parce que notre inquiétude l’est aussi. La reconnaissance publique de l’humanité du héros et de sa similitude avec des gens normaux (quelqu’un dit : « il n’est pas plus vieux que mon fils ») rappelle ce que pour beaucoup de personnes la révélation de l’homosexualité d’amis a pu être : elle n’a pas changé pas grand chose ; le constat se limite à une différence infime qui débouche sur une certaine indifférence. Et le danger qui menace ceux que l’on aime fait oublier qu’ils sont quelque peu différents de nos attentes : les passagers du métro qui veulent s’opposer à DOctopus, en vain, reflètent l’attitude nouvelle de ceux dont on menace les proches, les enfants, les amis gays et lesbiennes, ils s’interposent et disent leur refus.



Il reste à comprendre la fin de ce film. Une lecture gay-friendly de Spider-Man 2 a toutes les chances d’être perçue comme une violence faite à la narration, si l’on affirme que le jeune héros, heureux d’être choisi par celle qu’il aime, est un homosexuel qui se cache. Indiscutable. Pourtant, connaissons-nous beaucoup de héros qui préfèrent partir à l’aventure au moment même où la belle les rejoint en abandonnant son ex-fiancé le jour de ses noces ? Tiraillé entre son devoir envers la communauté et son bonheur personnel (conflit cornélien par excellence), le jeune héros est content d’entendre sa bien-aimée l’inciter à vivre pleinement sa vie secrète : les dernières images du film montrent sa traversée de la ville comme l’expression ostentatoire d’une joie immense. On serait tenté de voir en Mary Jane l’épouse idéale de l’incertain, tiraillé entre deux sexualités (1), laquelle accepte que l’homme aimé fricote avec des truands la nuit et revienne après chaque escapade. Peter Parker serait-il donc bisexuel ? Ce serait encore trop catégoriser le film et le personnage. Il s’agit plutôt d’un film sur les moyens de ne pas perdre ceux que l’on aime : Mary Jane ne peut assurément pas être le seul objet d’intérêt de Peter, doit-elle perdre les chances d’un bonheur en refusant les concessions ? L’époque contemporaine fait l’apologie des arrangements, les héros de cinéma ne sont plus si monolithiques et les passions si absolues qu’il y a un demi-siècle : de nos jours, dans une société où tout est objet potentiel de commerce, le bonheur a un prix négociable et même les superhéros sont prêts à le discuter, en exigeant une assurance. Assurément, nos idéaux en sortent diminués mais les chances de bonheur sont, quant à elles, accrues.


Et que nous importe que Peter Parker soit gay, bi, hétéro ? La question s’évacue d’elle-même car là n’est plus le problème. Si les amours cinématographiques d’un homme et d’une femme possèdent des zones d’ombre qui font penser que l’un des deux est homo ou bi et que cela ne choque plus, c’est que les différences moralisatrices commencent à s’estomper dans la société occidentale grâce à l’affirmation d’un discours gay assumé, ce qui est une bonne nouvelle. En réalité, une lecture gay-friendly de Spider-Man 2 n’a d’intérêt que dans la mesure où toute perspective analytique nouvelle suscite une réactivité de la part des spectateurs et des lecteurs et donc une réflexion ou un débat. En reprenant le titre de l’ouvrage d’Éric Fassin, nous pouvons affirmer aujourd’hui qu’il y a bien « inversion de la question homosexuelle », c’est-à-dire que la société doit se redéfinir parce que les homosexuels qui osent faire entendre leur voix l’obligent à se repenser. Et même dans des divertissements aussi légers que Spider-Man 2.


Fiche technique : Avec Tobey Maguire, Kirsten Dunst, Alfred Molina, James Franco, Rosemary Harris, Daniel Gilles, J.K. Simmons, Donna Murphy, Dylan Baker, Bill Nunn, Elizabeth Banks, Bruce Campbelle, Stan Lee, Vanessa Ferlito, Aasif Mandvi et Cliff Robertson. Réalisation : Sam Raimi. Scénario : David Koepp, Alfred Gough, Miles Maillar, Michael Chabon et Alvin Sargent. Directeur de la photographie : Bill Pope. Compositeur : Danny Elfman. Durée : 127 mn. Disponible en VO, VOST et VF.


 

(1) Je renvoie à ma définition de ce type de personnage à la sexualité double dans L’Ado, la folle et le pervers – Images et subversion gay au cinéma, H&O éditions, 2008.
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