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J'ai toujours su

Pierre-Yves

 

Pour la quatorzième livraison de cette série de textes basée sur les hypothèses "Si j'étais homosexuel(le)" pour nos ami(e)s hétéros gay-friendly et "Si j'étais hétérosexuel(le)" pour nos ami(e)s gays hétéro-friendly, j'ai le plaisir d'accueillir Pierre-Yves, un de nos cousins d'outre-atlantique. Son blog est une leçon de vie et de pudeur. Je l'ai repéré grâce à ses commentaires sur le blog de Patrick Antoine. Pierre-Yves a tout de suite accepté mon invitation et je vous laisse découvrir sa prose, en ne pouvant m'empêcher de vous conseiller d'aller lire son blog.

 

Il y a des questions qu’on ne se pose pas. Peu importe que l’on soit dans la norme ou dans la marge, on a tendance à tomber dans des ornières confortables. Qu’est-ce que l’orientation sexuelle ? Est-ce uniquement sexuel ? Dans ce cas-là, elle n’apparaîtrait qu’à la puberté, avec l’arrivée des hormones. S’il s’agit d’une identité innée, qu’en est-il de tous ceux qui ne cadrent pas dans les stéréotypes du milieu gai ou dans le modèle hétérosexuel ?

 

J’ai toujours su que j’étais hétérosexuel. Pourtant, en troisième année, j’étais le plus petit de la classe. Avec des yeux trop grands et des cils qui frisaient, j’ai appris très tôt le sens du mot « tapette ». C’était le gros Dompierre qui sifflait ce mot du fond de la classe, quand le professeur appelait mon nom, Philippe Fontaine, et qu’il annonçait que j’avais eu la meilleure note. Ça me dérangeait pas. Le gros Dompierre avait des oreilles décollées et il sentait mauvais. Je me rattrapais auprès des autres en gribouillant sans cesse, dans les marges de mes cahiers, des dessins qui les faisaient rire. Je caricaturais les professeurs les moins aimés. Mais je n’ai jamais dessiné Madame Rachel. J’étais fasciné par la prof de quatrième année. Avec sa peau soyeuse et ses longs cheveux sombres, Madame Rachel avait l’air d’une indienne. J’épiais souvent ses conversations quand elle discutait avec les adultes. Après l’avoir entendu parler de musique dans la salle des profs, j’ai décidé que j’aimais à la folie les Bee Gees. Elle portait de longues jupes pourpres. Lorsqu’elle s’adresssait à moi je baissais les yeux et j’avais envie de disparaître en plongeant dans le coton froissé de ses jupes. Un après-midi pluvieux de printemps, j’ai appris qu’elle quitterait l’école à la fin de l’année scolaire, je ne l’aurais donc pas comme professeur. Je descendais les marches devant l’école, les yeux baissés. J’ai entendu une voix geignarde : « Fifif la fontaine de fif. » Encore le gros Dompierre. Dans une bouffée de colère j’ai répliqué : « Fif toi-même ! » Sa mâchoire s’est décrochée et il a lancé un cri de guerre. « Hey, les gars, sa voix s’élevait dans les aigus, on va le tabasser ! » J’ai pris mes jambes à mon cou pendant qu’il sautait sur son BMX. Au moins six gars étaient derrière lui. Deux brandissaient des bâtons de hockey au-dessus de leur tête en hurlant. J’ai sauté dans le fossé derrière l’école sous les railleries de Dompierre qui n’a pas pu me rattraper. Et j’ai couru comme un fou jusque chez moi, par le boisé. Dans la course, j’ai perdu mon foulard et je me suis égratigné les bras dans les framboisiers.

À seize ans et demi, j’ai pris ma revanche. Elle s’appelait Maryse, une rousse à la crinière flamboyante. Dompierre répétait partout qu’elle était cochonne parce qu’elle avait de gros seins. C’était à la bibliothèque. Il était allé s’asseoir à sa table, avec deux de ses copains qui ricanaient. Elle s’était levée sans un mot et avait lentement traversé la salle de lecture, comme une comète. Je m’étais figé devant le rayon de la botanique. Elle s’est approchée de moi, m’a pris par le coude et m’a dit : « Viens, on s’en va. » Elle m’a entraîné vers la sortie avec un demi-sourire. J’ai juste eu le temps de voir le visage médusé de Dompierre. Nous avons passé les portes vitrées et elle a éclaté de rire. J’ai ri aussi. Les soirs suivants, on a fait ensemble un travail de philo sur Empédocle d’Agrigente, un vieux philosophe, mort il y a des siècles, après avoir écrit des tas de conneries. C’est moi qui ai fait les illustrations. Elle a imprimé la page titre. J’ai passé mon sac sur l’épaule et j’ai dit « Bon, ben… Bye ! » Son sourire est tombé d’un seul coup et elle a eu l’air fâché. J’ai vécu le même malaise que lorsque Madame Rachel riait. Elle s’est levé, a fait deux pas dans ma direction, m’a plaqué sur le mur et m’a embrassé. J’ai senti la panique qui montait, rapidement dissipé par une furieuse envie de glisser mes mains sous ses vêtements. On a eu B+ dans notre travail de philo. Moi je planais. J’avais perdu ma virginité.



Avec Maryse, ça n’avait pas duré. Elle était ambitieuse, moi j’étais le pire des paresseux. Je me suis trouvé un petit boulot de graphiste dans un journal local. Je passais mes soirées à dessiner des comic strips que je rêvais de voir éditer par un éditeur belge. Je suis passé de Maryse à Sylviane, puis de Sylviane à Marie-Andrée. Désormais, j’étais celui qui quittait. Dès que ça se corsait, je prenais mes jambes à mon cou. Elles disaient que j’avais peur de l’engagement. Je disais que je n’avais qu’une vie à vivre et que c’était maintenant ou jamais. J’ai rencontré Chantal chez des amis, un des premiers beaux jours de l’été. On avait décidé de laver les voitures. La radio à fond dans le garage, on se lançait de la mousse. Ça a cliqué entre nous et je n’ai rien vu venir. Ça a commencé tout doucement, par une histoire de t-shirt mouillé. C’était pas la passion, juste une connivence et une curiosité. Ensuite, tout s’est enchaîné très vite. Elle m’a un peu forcé la main, le soir où elle m’a annoncé qu’elle était enceinte et qu’elle voulait le garder. Je me suis mis à faire des heures supplémentaires. On a démonté la table à dessin et je l’ai rangé dans un placard. Mon bureau allait devenir la chambre du bébé.

C’est la nuit, Chantal dort. Moi, je fais de l’insomnie depuis que le bébé fait ses nuits. Je marche lentement en posant les pieds à des endroits bien précis du plancher pour limiter les craquements au maximum. Par la porte entrebâillée, je jette un œil dans la chambre de Mathias. C’est elle qui a choisi le prénom. J’ai tellement peur qu’il lui arrive quelque chose. Entre les barreaux de son lit, je l’aperçois qui dort à poings fermés. Il rayonne sans se douter de ce qui l’attend. Je me souviens d’Empédocle d’Agrigente. Le philosophe disait que le monde entrait dans une phase de progression de la haine. Par moment, le parfum obsédant de Maryse me revient. La présence du bébé a changé les choses entre moi et Chantal. On est tous les deux épuisés. Je la sens qui se replie sur elle-même. Parfois, j’ai peur de la perdre. La nuit retient son souffle. Un coup de vent, et toute ma vie pourrait s’écrouler. Serais-je à la hauteur ? Je dois faire un effort pour respirer sans bruit. Ma vue s’embrouille. Je revois les jupes de Madame Rachel qui tournent autour de ses hanches pendant qu’elle s’éloigne sans un bruit, dans le couloir de l’école.


Pierre-Yves

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