Mai 1997
J’adore les chiens. N’ayant jamais eu de cheval, je dirai que le chien est le meilleur ami de l’homme. Mon premier chien était une chienne.
J’avais 4 ans. Elle s’appelait Diane, comme la déesse de la chasse. C’était
une chienne abandonnée que mes parents avaient recueillie par l’entremise de la belle-famille de mon oncle Denis. Diane a eu des chiots. Qu’ils étaient beaux ! Il y avait un frisé qui était
mon préféré. Mes parents les ont donnés. Et puis un jour Diane est partie. Elle a fait une fugue et n’est jamais revenue. Ma mère pense que c’est la séparation d’avec ses petits qui a dû lui
causer du chagrin. À 10 ans j’ai eu un ratier qui était né dans la maison d’une camarade d’école habitant le même quartier. Je l’ai appelé Fado, parce que j’avais aimé ce nom donné à un petit
cochon adopté par Donald Duck dans une histoire du Journal de Mickey. Fado est mort un mois et demi avant son quatorzième anniversaire. Il m’a connu enfant, adolescent puis jeune adulte.
Trois semaines après je suis parti au service militaire. À mon retour la maison comptait un nouveau pensionnaire : un labrador d’une beauté fabuleuse adopté par mon frère. Il l’appela Jarod.
Mais aussi beau qu’il était, Jarod avait des origines douteuses. Il se révéla violent et un jour me mordit méchamment à la main gauche. Nous nous en sommes séparés en le confiant à une fondation
pour animaux. Je ne voulais pas rester sur un échec. Bluffé par la beauté des rottweilers, je décidai d’adopter un chien de cette race. C’est ainsi que Nicia est entrée dans ma vie et dans celle
de ma famille.
Mai 1997
Nicia est née le 12 avril 1997. À l’heure où j’écris ces lignes (le 9 janvier 2009), et contre toute attente, elle est toujours de ce monde. La
propriétaire de la chienne qui l’a mise au monde m’avait dit : « l’espérance de vie d’un rott est de 10 ans ». Depuis près de deux ans nous avons donc du bonus. Et même deux ans et
demi (cf. infra).
Je la revois encore, si petite, de la taille qu’a sa tête d’adulte, lorsqu’elle est entrée dans la pièce pour le test de la réceptivité. Sur 9 chiots (un dixième étant mort à la naissance), il restait deux femelles à
adopter. J’ai fait le test avec les deux, et pris celle qui a répondu à mes appels. C’était toi, ma petite belle. J’avais décidé de t’appeler Phénicia, car je croyais que pour les prénoms des
chiens de race nous étions dans l’année des P. Faux, c’était l’année des N. Alors j’ai ajouté Naomi devant Phénicia. Naomi Phénicia, la classe, c’est ton nom complet. Et finalement ton diminutif,
Nicia, commence par un N. Mes parents t’appellent Nini. Tu es mon bébé chien.
Mai 1997
De la portée, je crois, tu étais la plus petite. Pas très grande pour ta race, finalement, un peu comme ton maître qui culmine à un mètre 67
(Daniel la grosse blagueuse dirait « 1m22 les bras levés »). Mais costaude, robuste, et très belle. Tu m’as guéri de Jarod. Ces rottweilers qu’on dit abusivement méchants, sont les
meilleurs chiens du monde. Tu n’as cessé de le prouver en presque douze années. Jamais nous n’avons vu, nous ta famille, de chienne plus douce et plus gentille. Tu es un ange. Dès l’âge tendre,
nous t’avons promenée dans le monde, à des fêtes de famille. Des enfants sachant à peine marcher t’approchaient sans crainte et déjà tu étais la bonne petite mère qui adorait les
bambins.
1997
Détail amusant, les gens alors te prenaient pour un beauceron. « Oh qu’il est beau votre chien, c’est un bas-rouge ? ». Et
lorsque je répondais que tu étais un rottweiler, je voyais leur expression changer. Ils avaient peur. Les sots ! Sots comme le maire de l’époque, cette idiote qui prit un arrêté municipal
absurde réglementant de façon très stricte la promenade des gros chiens, t’assimilant de facto à un pitbull. Savez-vous ce que j’ai fait ? J’ai envoyé un communiqué de presse aux
deux quotidiens locaux pour dénoncer cette connerie. Et un journaliste m’a contacté ensuite pour faire un reportage de fond sur le sujet. Résultat, âgée de 5 mois à peine, ma Nicia était déjà une
star qui faisait la une de Nord-Eclair et était l’héroïne d’un article publié en pages régionales !
Été 2000
Tu n’avais qu’un an et demi lorsque j’ai dû te laisser à la garde de mes parents, pour descendre à Paris où un travail m’attendait. Je revenais
une semaine sur deux. Finalement, je n’étais pas si loin. Juste un père un peu absent… Toujours tu m’as fait la fête quand je revenais, et c’était moi qui recevais tes faveurs. Maman venait me
chercher à la gare et elle t’emmenait avec elle. Tu attendais dans la voiture et quand tu me voyais arriver, tu bondissais de joie. Nous t’avons appris à différencier ta patte droite de ta patte
gauche. Tu as toujours eu une intelligence exceptionnelle.
2001
Aujourd’hui tu es au soir de ta vie et je ne sais pas si je te reverrai un jour. Déjà lorsque je suis parti au Canada j’étais déchiré car je me
disais que peut-être je ne te reverrais plus. Et depuis ce départ, je t’ai revue quatre fois. La dernière fois, il y a trois semaines, fut émouvante. Je n’ai plus reconnu ma mignonne. Autrefois
si musclée et puissante, tu n’avais plus que la peau sur les os. Ainsi la vieillesse et la maladie impriment leur marque sur les êtres vivants. Je t’ai prise dans mes bras, doucement, en ayant
peur de te casser. Tu m’as semblée si fragile. Samedi 20 décembre, tu as vomi quelque chose de très mauvais à voir, et Maman m’a dit que peut-être nous devrions appeler le vétérinaire au début de
la semaine suivante. Et, alors que j’étais au téléphone avec Daniel, j’avais la voix étranglée. Il peut en témoigner. Et je t’ai fait plein de bisous, comme il me l’a dit. Et puis tu as repris du
poil de la bête. Et tu es toujours là, un cas à part, vraiment unique. Le
vétérinaire a renoncé à comprendre quoi que ce soit à ton cas. Maman te soigne bien et avec dévouement, c’est peut-être son régime spécial qui te tient, ainsi que l’amour qui t’entoure.
2001
Nicia a subi trois grosses opérations au cours de sa vie. La première fois, une blessure de sportif, et même de footballeur : rupture des
ligaments croisés. Victime de son côté fonceur. Je peux fermer les yeux et revoir les sprints qu’elle poussait dans le jardin, lorsqu’elle était jeune. C’était impressionnant. La deuxième fois,
vers 7 ou 8 ans, c’était pour lui retirer les ovaires, sur les conseils du vétérinaire. À mon grand regret, nous ne t’avons jamais laissée devenir mère. Peut-être que cela aurait abrégé tes
jours ? Je n’en sais rien et ne le saurai jamais. Et la dernière fois… nous avons tous cru que tu étais perdue. C’était en juin 2006, tu avais 9 ans. Tu es montée dans ma chambre comme à
chaque fois que je dormais à la maison, pour faire un câlin et me donner des lèches. Et comme à chaque fois, je t’ai caressée et c’est alors que j’ai découvert cette mauvaise excroissance sur
l’un de des tétons. Tu as eu ce qui est un cancer du sein pour les femmes. C’était une tumeur agressive et il a fallu t’opérer très vite. Le docteur nous a dit que s’il y avait des métastases il
ne pourrait te soigner car, pour les chiens, la « chimio » se fait au moyen de piqûres, et tes veines sont fragiles, elles éclatent sous les aiguilles. C’était il y a deux ans et demi.
Tu es une survivante à bien des titres. Sans cela tu n’aurais pas connu Eva, et je pense que la présence de cette enfant qui me ressemble tellement doit être pour toi une source de joie et un
stimulant.
Avant de repartir, je t’ai encore dit que je t’aimais. Mais tu le sais. Quand je viens te caresser le soir sur ton sofa, tu ronronnes comme un
chat. Une chienne qui ronronne, oh ma toutoune tu es vraiment exceptionnelle ! Tu ne m’as jamais déçu. De nous deux je suis le seul qui soit décevant. J’espère que tu m’as pardonné toutes
mes absences. Je le crois. Ça m’aide à vivre. J’écris ce billet pour dire au monde entier que je t’aime, ma Nicia, à tout jamais mon bébé chien.
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