MES OSCAR(E)S À MOI
Une chronique d'Isabelle B. Price, d'Univers-L
Très régulièrement on me pose des
questions pièges sur mon film lesbien préféré, sur ma réalisatrice préférée et sur mon actrice préférée. Comme s’il était facile de faire le tri et de comparer des œuvres de pays d’origine, de
budget, de public, d’attentes… différents !
Au début de l’année 2008, j’ai essayé de dresser une liste. Elle a évolué, un peu, pas beaucoup, un an plus
tard. Elle est tout à fait personnelle et ne présente jamais un seul film, une seule actrice, une seule réalisatrice parce que je ne peux pas faire un choix aussi radical et que, même en me
restreignant, je n’ai pas réussi à garder un(e) seul(e) et unique meilleur(e)…
Meilleur film lesbien
de tous les temps.
Une question difficile… étant donné que j’apprécie des styles et des genres différents. Plusieurs films
m’ont touchée sans que je puisse pour autant affirmer que l’un d’eux est le meilleur film lesbien de tous les temps.
Je me rappelle avec tendresse du premier long métrage lesbien que j’ai vu à 19 ans, Lost and
Delirious. J’ai apprécié le personnage de Paulie, bien que la fin m’ait laissé un goût amer. Bound m’a tenue en haleine du début à la fin, et
j’ai tout de suite été sous le charme de Corky et de cette ambiance noire et froide qui accroche tout au long du film. Fucking Amal m’a réconciliée avec mes années « ado » et
m’a fait croire, l’espace d’un instant, que la jeune fille timide et réservée que j’ai été aurait pu sortir avec l’adolescente la plus populaire. Eulogy, It’s In The Water et
DEBS, dans le genre comédie, possèdent un humour léger, salvateur et rare qui reste inoubliable. Côté comédies romantiques, j’ai apprécié Nina’s Heavenly Delights, Imagine
Me & You et dernièrement Gray Matters.
Mais si je devais n’en retenir qu’un seul, je pense que ce serait Desert Hearts. L’histoire
touchante d’une femme qui décide de changer de vie et qui rencontre l’amour en la personne d’une jeune fille non conventionnelle, indépendante, fière et forte. Autofinancé par la réalisatrice
Donna Deitch, c’est, en 1985, le premier film positif sur l’homosexualité féminine. Adapté du roman éponyme écrit en 1964 par Jane Rule, il reste une référence tant du point de vue des sujets
qu’il aborde (le poids des responsabilités, la force du désir, la place de la femme dans la société, l’attirance hors normes) que de la représentation physique d’une relation homosexuelle, avec
un baiser sous la pluie, une scène d’amour osée et une fin inédite.
Meilleure actrice dans
un rôle lesbien.
Gina Gershon dans le rôle de Corky, la butch libérée de prison qui tombe sous le charme de Violet, la femme
fatale, dans le premier long métrage des frères Wachowski (Matrix), Bound. Erin Kelly, qui interprète
Annabelle dans Loving Annabelle. Jadwiga Jankowska-Cieslak pour le rôle d’Eva dans Un Autre Regard
(Another Way). Rien d’étonnant, me direz-vous, puisqu’elle a obtenu le prix de la meilleure actrice au festival de Cannes en 1982.
Le plus beau baiser
lesbien.
Le baiser sous la pluie dans Loving Annabelle : attente,
désir, sensualité, urgence. Celui de It’s In The Water : découverte, peur de l’interdit, sensualité, surprise. What’s Cooking :
donne-moi la force d’affronter ma famille !
La plus belle scène
d’amour lesbienne.
Bound. Jamais scène d’amour n’a été aussi sexy, sensuelle, charnelle et réaliste que celle-ci. Une réussite visuelle et
émotionnelle. Celle de Loving Annabelle est beaucoup plus romantique mais tout aussi sensuelle et chargée de désir. On ne peut décemment pas oublier
tous les passages de The Girl entre Claire Keim et Agathe de La Boulaye. Pour finir, celles où l’humour transparaît comme dans Better Than
Chocolate où Kim demande pourquoi elles n’ont pas gardé le lit, ou dans Saving Face lorsque Wil interroge Vivian pour savoir si sa mère sait
qu’elles couchent ensemble et que Vivian rétorque qu’elle croit qu’elles conjuguent les verbes en latin, ou encore dans D’un amour à l’autre, où Satu n’arrive pas à enlever son pull
alors qu’elle est tellement pressée de se dévêtir.
Le plus beau couple
lesbien de cinéma.
Ils sont nombreux, mais je pense que mon préféré est le couple Casey Olsen et Alexandra Barrett-Rosenberg
dans Treading Water. Il y a une réelle alchimie entre les deux actrices, et le film alterne les moments sombres et durs avec des passages plus doux
et romantiques, tout en ayant parfois une touche d’humour bienvenue. Mais il y a également le couple mythique ‘Aimée’ Lilly Wust et ‘Jaguar’ Felice Schragenheim dans Aimée et
Jaguar, ainsi que Vivian Bell et Cay Rivvers dans Desert Hearts. Et tout récemment le couple
Leyla & Tala (Sheetal Sheth et Lisa Ray) dans la comédie romantique britannique I Can’t Think Straight.
Meilleure réalisatrice
lesbienne.
La réalisatrice et scénariste de DEBS, Angela Robinson, sans
hésiter. Pour son humour, sa réalisation nerveuse et fluide où l’on ressent l’influence des mangas et des films d’action. Son travail sur la série The
L-Word est également l’un de mes préférés. Elle vole largement la vedette à Jamie Babbit (But I’m A Cheerleader), Katherine Brooks (Loving
Annabelle) et Rose Troche (Go Fish), que j’apprécie également beaucoup. Et j’ajoute Guinevere Turner dans la catégorie meilleure scénariste
(Go Fish, The L-Word et American Psycho).
Meilleur documentaire
lesbien.
Celluloid Closet est connu et reconnu et fait aujourd’hui référence. Il reste l’un de mes documentaires préférés, tout comme Bleu,
Blanc, Rose – Trente ans de vie homosexuelle en France de Yves Jeuland.
Freeheld, oscarisé en 2008 et racontant le combat d’une femme qui a toujours fait passer la vie des autres avant la sienne quand
elle était inspecteur de police et qui, alors qu’elle est en train de mourir, fait tout pour que sa partenaire puisse bénéficier de sa pension quand elle sera morte.
Meilleur court métrage
lesbien.
Dans deux catégories très différentes, je ne parviens pas à me décider entre DEBS, qui est un exemple de maîtrise d’humour et d’action comme on n’en a jamais vu, et Gillery’s Little Secret qui est, de son côté, beaucoup plus
dramatique, réaliste, sensible et touchant. Difficile de les départager.
Isabelle B. Price (11 Mars 2009)
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