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Fiche technique :
Avec Michel Piccoli, Mohsen Mohiedine, Mohsena Tewfik et Patrice Chéreau. Réalisé par Youssef Chahine. Scénario : Youssef Chahine. Directeur de la photographie : Mohsen Nasr. Compositeur : Gabriel Yared.
Durée : 115 mn. Disponible en VO, VOST et VF.
Résumé :
Avide de puissance et de gloire, Bonaparte entame la campagne d'Égypte. Loin de ces préoccupations guerrières, Caffarelli, l'un de ses généraux, part à la découverte de ce pays et de son aâme. Il va s'opposer à l'action exclusivement destructrice de Bonaparte.
L'avis de Bernard Alapetite (Eklipse) :
Le film retrace la campagne d'Égypte de Bonaparte en 1798 vue sous le regard d'une famille d'Alexandrie composée du père, de la mère et de trois fils dont Aly, le poète et Yehia, le plus jeune. De nombreux scientifiques accompagnent Bonaparte qui se pose en libérateur, parmi eux, le général Caffarelli (Michel Piccoli). Ce dernier se lie d’amitié avec deux jeunes égyptiens, Aly, un poète et son jeune frère, Yehia (Chahine reprend ce prénom dont il a nommé son double dans sa trilogie autobiographique. Est-ce à dire que le réalisateur s’identifie au jeune garçon ?). L’attirance sexuelle du général pour les deux garçons est évidente, Aly pour son esprit et Yehia pour son corps. Sa personnalité séduit les deux frères mais la guerre détruit leur amitié. Devant Saint-Jean d’Acre Caffarelli mortellement blessé accuse Bonaparte d’avoir trahi l’idéal révolutionnaire. Son amour des deux garçons a fait qu’il s’est désolidarisé du colonialisme brutal du futur Napoléon. Il meurt laissant Aly à sa tristesse, mais fort de l’humanisme qu’il a su lui transmettre.
Caffarelli est une figure magnifique de grandeur blessée, un personnage à contre courant du sens de l’histoire qui se sait condamné, (par ses supérieurs, par son âge, par ses désirs ) et n’a plus envie de jouer aucun jeu, désire seulement faire tomber tous les masques et s’ouvrir aux autres.
À signaler qu’au milieu d’un casting inventif, dominé par Michel Piccoli qui trouve là peut-être son plus beau rôle, on voit passer fugitivement Christian Patay, ex-meurtrier bressonien de L’Argent interprétant Horace Say et Claude Cernay acteur récurrent des films de Gérard Blain. Claude Cernay est populaire en Égypte où il a joué dans plusieurs feuilletons télévisés, quant à Patrice Cherreau sa piètre interprétation de Bonaparte est la seule fausse note du film mais ce choix est cohérent avec les déclarations du réalisateur : « Bonaparte a été un abominable dévastateur, mais finalement, il a été l’un des personnages les moins importants de l’expédition... Ce qui a compté pour l’avenir des Égyptiens, ce n’était pas Bonaparte, c’étaient les âmes universelles et cultivées dont il avait eu l’idée lumineuse de s’entourer, des gens comme Monge ou Caffarelli. Caffarelli est le symbole de cet amour que les français de 1799 éprouvèrent pour l’Égypte. Du coup, leur image chez nous est restée celle d’amants et non pas d’oppresseurs. Un mélange de science et de curiosité amoureuse ont fécondé l’Égypte, et l’Égypte moderne est née. Le colonialisme anglais au contraire, fut sec, fermé. »
Ce grand film a inspiré à Serge Daney, sous le titre ”La petite phrase” un de ses plus beau texte sur le cinéma dont voici un court extrait: « Caffarelli est dans le film cet aventurier-général-savant-utopiste qui s’intéresse moins à ce qu’il devine (la froide ambition de Bonaparte) qu’à ce qu’il découvre (l’Égypte, mythe réel, un monde à civiliser, un peuple à respecter, des garçons à aimer – d’un amour sublime, s’il se peut). Youssef Chahine a aimé inventer le personnage de Caffarelli. Il y a mis la partie universelle de ses affects. Car Caffarelli est le précurseur de tous ces soldats plus ou moins perdus que la sensualité du desert et des villes arabes révélera à eux-mêmes.»
Serge Daney (Ciné journal, ed. Cahiers du Cinéma.)
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