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Fiche technique :
Avec Eusobio Poncela, Carmen Maura, Antonia Banderas, Miguel Molina, Fernando Guillen, Manuela Velasco, Nacho Martinez, Bibiana Fernandez et Helga Liné. Réalisé par Pedro Almodovar. Scénario : Pedro Almodovar. Directeur de la photographie : Angel Luis Fernandez. Compositeur : Pedro Almodovar, Bernardo Bonezzi et Angel Luis Fernandez.
Durée : 100 mn. Disponible en VO, VOST et VF.



Résumé :
Madrid. Pablo Quintero (Eusebio Poncela) est un cinéaste célèbre et homosexuel. Son amant, Juan (Miguel Molina) le quitte. Il se console avec un jeune homme fou de lui et très jaloux, Antonio (Antonio Banderas). Parallèlement, Pablo commence à écrire son nouveau film, inspiré de la vie de sa sœur Tina (Camen Maura) qui fut autrefois un homme… Antonio paraît de plus en plus jaloux, de plus en plus fou… Le drame couve…


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L'avis de Philippe Serve :
Fol Amour
Le film commence très fort par une longue scène qui donne le ton : un jeune homme se déshabille dans une chambre, puis se masturbe sur le lit jusqu'à la jouissance sous les injonctions d'une voix d'homme… Mais Pedro Almodovar n'est pas genre à faire du « cinéma homo » à la manière de Fassbinder, Gus van Sant ou quelques cinéastes du « jeune cinéma français » (ou moins jeune, tel André Téchiné ou Patrice Chéreau) qui semblent avoir bien du mal à parler de ce « monde » sans sombrer trop vite et avec trop de complaisance dans le sordide et le glauque (le triptyque violence-dope-maladie)… Même si la réalité montrée ici n'est pas franchement gaie, elle reste très gay et finalement presque gaie… Car tout baigne dans une exagération et même parfois un grotesque que le cinéaste de la Movida  a toujours su (enfin presque…) maîtriser.


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Une dizaine d'années seulement après la mort du « caudillo » Franco et ses presque 40 ans de dictature fasciste, Almodovar explose le carcan de la morale bourgeoise, catholique, coincée et rigide de la société espagnole avec son sixième « vrai » film, réalisé entre Matador et Femmes au bord de la crise de nerfs.
On imagine quel effet purent produire certaines scènes telle que celle où Antonio Banderas (pas encore le tombeur de ces dames…) se fait sodomiser pour la première fois !


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Provocateur, Almodovar ? Oui bien sûr, mais toujours avec tranquillité, avec une évidence que les excès ne remettent jamais en question. Et puis il y a aussi cette volonté de ne pas chercher à prouver, à démontrer, seulement celle de raconter une/des histoire(s). Et même si ces dernières empruntent au mieux avec le mélo flamboyant (Talons aiguilles, Tout sur ma mère) ou retenu (Parle avec elle) et au pire avec le roman-photo, son constant mélange des genres (comédie/mélo) emporte le morceau. Les sentiments sont exacerbés et on s'aime comme on s'engueule: avec passion et exagération…


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En fait, là où Almodovar réussit parfaitement son coup est de montrer que le monde des relations homosexuelles est régi par les mêmes lois que celles régnant entre hétéros. Remplacez la moitié des hommes par des femmes et vous obtiendrez un mélodrame « normal ». Finalement, quelle meilleure façon de prêcher la tolérance et le refus du rejet pour « anormalité » ?
Almodovar nous gratifie dans sa mise en scène très fluide, très efficace, toujours au service d'un récit d'une grande clarté, de quelques superbes gros plans : ceux sur la machine à écrire, ou sur les lunettes noires de Pablo cachant ses yeux et d'où coule une larme. Puis, les lunettes ôtées, la parfaite fusion par superposition des yeux et de deux roues de voitures. Superbe…


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Carmen Maura, l'actrice fétiche de Pedro Almodovar, donne une interprétation remarquable de Tina, ne tombant jamais dans le piège de la « folle » de service. Son jeu dans la scène de l'hôpital, au mélo improbable, où elle raconte à son frère devenu amnésique qui elle est vraiment et son amour fou pour son propre père (pour qui elle avait changé de sexe) est en tout point sublime et poignant. L'étrange blancheur de son visage (caractéristique souvent présente chez les transsexuels) rend son interprétation plus sensible encore…


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Almodovar reprendra l'idée d'une actrice (donc d'une femme) jouant un homme devenu femme dans Tout sur ma mère
À noter, comme dans tous les films du cinéaste ibère, une superbe bande musicale…
Un film à (re)découvrir !


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L'avis de Samuel Minne :
« Siéntate y vete desnudando » : assieds-toi et déshabille-toi petit à petit. Un jeune garçon bien découplé se masturbe à l’injonction d’un homme plus âgé qu’on ne voit pas, qui se confond avec nous, spectateurs. C’est sur une scène de plaisir voyeuriste que s’ouvre La Loi du désir, sous les augures annonciateurs du plaisir commandé et tarifé, d’un désir distancié fondé sur le regard, la parole et l’intellect. Mais Almodóvar met en abyme cette métaphore éculée du cinéma : il s’agit d’un film dans le film, réalisé par un cinéaste à la gloire naissante, Pablo Quintero. Il drague, se drogue, comme tout artiste de la Movida qui se respecte, et Eusebio Poncela campe un double altier et désinvolte d’Almodóvar lui-même (qui fait d’ailleurs une courte apparition). C’est l’occasion rêvée de se moquer des milieux à la mode, du titre du film (Le Paradigme de la moule…) aux conversations avec les fans qui classent leurs films préférés du réalisateur.


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Pablo est aussi un homme amoureux, mais son amant Juan retourne à la province sans beaucoup d’état d’âme. Papillon volage, Pablo va vite tomber dans les rets séduisants d’un fan transi. Jeune et fougueux, Antonio, interprété de façon très charnelle par un Antonio Banderas nerveux et sensuel, est fasciné par son idole, et bien qu’il se définisse comme hétérosexuel, va se servir de son pouvoir d’attraction sexuelle et des goûts du réalisateur pour s’immiscer dans sa vie. Pablo ne s’en rend pas tout de suite compte, mais Antonio devient de plus en plus exclusif, jaloux, tyrannique. Un « Mouvement » de Stravinski vont alors instiller l’angoisse.


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Sur le thème de « Ne me quitte pas », qui scande le film, de la dernière nuit de Juan et Pablo à la musique du film qu’il commence à tourner, mais aussi sur « Lo dudo » de Navarro, La Loi du désir aborde le douloureux sujet de l’amour non partagé et de la rupture amoureuse, impossible à accepter, qui ne cicatrise pas. Le film de Pablo est d’ailleurs une adaptation de La Voix humaine, une pièce de Cocteau dédiée au même sujet, monologue téléphonique superbement mis en musique par Poulenc. La sœur de Pablo, Tina, semble le personnage emblématique de l’abandon amoureux. Depuis la trahison du père Constantín, le prêtre qui l’a séduite quand elle était encore un petit garçon, au départ de son amante mannequin, qui lui laisse sa fille Ada, en pleine crise de catholicisme, qui ne rêve que de sa première communion, Tina est le symbole des femmes abandonnées. C’est dans doute pour cela que son frère la choisit pour jouer le rôle unique de son film. S’amorce alors une réflexion, sous forme de dispute, sur le droit des artistes à s’inspirer de leur entourage plutôt que de leur vie pour créer, problème qui est au cœur des films d’Almodóvar. Le tableau d’un bar de nuit d’Edward Hopper vient redire la solitude des personnages. Tina anticipe aussi l’apparition des lesbotrans parmi les minorités sexuelles, et Carmen Maura parvient à l’incarner de manière crédible, tandis que c’est une actrice transsexuelle, Bibi Andersen, qui joue le rôle de sa compagne, en beauté parfaite aux réparties assez « camp ».


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La Loi du désir est le film où le réalisateur espagnol aborde de la manière la plus frontale le sujet de l’homosexualité masculine, de manière extrêmement audacieuse pour l’époque (1986), ce qui nous vaut de rares et magnifiques images de tendresse entre hommes. Le film traite surtout le sujet bien avant La Mala Educación, qui semble d’ailleurs en être le remake retravaillé et sophistiqué, Fele Martínez et Gael García Bernal prenant la relève d’Eusebio Poncela et Antonio Banderas. La sœur a disparu, mais son histoire est devenue l’histoire commune d’un futur réalisateur et de son amour d’enfance, qui revient sous le visage d’un imposteur. Il ne s’agit pas d’imposture dans La Loi du désir, mais bien de la loi inexorable du désir qui ne se commande pas, du drame de l’amour fou, qui s’attise jusqu’au flamboiement final.
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