Le Père Docu s'appelle Gérard Coudougnan, il est né en 1962 et a pour qualification
« enseignant-documentaliste », vous savez la dame qui râle au C.D.I. (centre de documentation et d'information) : c'est lui. Pour des raisons indépendantes de sa volonté, il est en ce
moment éloigné de son lieu de travail habituel mais a toujours un C.D.I. (contrat à durée indéterminée) avec les bouquins pour qui il a une vraie A.L.D. (affection de longue durée).
Au hasard de ses lectures, il a croisé Marc-Jean Filaire puis Môssieur Daniel C. Hall (« The Boss »)
qui lui a proposé de regrouper ici quelques « recensions » d'ouvrages à thématique LGBT.
Toute remarque, toute suggestion sera la bienvenue. Les avis, sous forme de commentaires, pour échanger des
points de vue encore plus !
La bibliothèque rose est ouverte… vous avez lu Le Club des Cinq d'Enid Blyton ? Claude, le « garçon
manqué » est peut-être alors votre première rencontre avec une petite lesbienne ou une future transgenre ? Ah bon, vous n'avez pas connu les Bibliothèques Rose et Verte ? Qu'importe, entrez
(couverts !) ici et faites ce que vous voulez entre les rayons, ne soyez pas sages ...
Herculine BARBIN, Mes souvenirs :
Histoire d'Alexina/Abel B., La Cause des Livres, 2008, 142 p.
Un manuscrit trouvé en 1868 dans l'appartement où l'on vient de découvrir le corps d'un trentenaire qui
s'est suicidé : telle est la « matière première » de cet étonnant témoignage, édité par le médecin ayant assisté à la levée du corps et à l'autopsie d'Herculine Barbin.
Née en 1838, Herculine Barbin est une jeune fille qui réussit, à force de volonté et de travail à s'élever
de la modeste condition de sa famille charentaise au rang d'institutrice dans un établissement religieux. Passant dès les premières lignes de son autobiographie du féminin au masculin,
l'auteur(e) nous met immédiatement dans la confidence de son drame : la confusion des genres. Durant son enfance et ses études, elle se sent attirée de façon très douce vers certaines de ses
amies, sans que cela entraîne plus de conflits intérieurs que d'autres « amitiés particulières » dans des institutions religieuses où les sexes sont rigoureusement séparés.
L'apparition d'un appareil génital masculin va compliquer la situation… ses seuls recours seront des
autorités religieuses et médicales qui aboutiront à une conclusion simple : Herculine est un homme, qui attire un instant l'attention des médecins, passionnés par ce cas clinique dont ils
examinent attentivement les aspects physiologiques en faisant peu de cas du bouleversement psychologique qui lui est lié.
Radiée de sa profession, devenu Abel Barbin, il part à la dérive, à la recherche d'une existence pour
laquelle sa construction sur un autre sexe est un handicap majeur ; qui va le conduire au suicide.
Ce témoignage est d'une incroyable force brute : redécouvert en 1978 par Michel Foucault, il vient d'être
réédité par La Cause des Livres avec des annexes enrichissant un texte déjà poignant. Des photographies d'hermaphrodites par Nadar, des fac-similés de documents administratifs et médicaux et une
mise au point d'Antoinette Weil sur l'enseignement public religieux avant Jules Ferry précisent le contexte de cette incroyable « transition » du sexe féminin vers le sexe masculin, en
1860.
Pour en savoir plus :
Le regard médical sur divers cas dont celui d' Herculine/Abel Barbin :
Axel LÉOTARD, Mauvais genre, Hugo&Cie, 2009, 240 p.
Un siècle et demi après Barbin, Axel Léotard vient d'écrire le récit, largement autobiographique, de sa
propre « transition » du sexe féminin vers le sexe masculin. Son livre est une excellente source de réflexion sur les différences entre sexe, orientation sexuelle et genre.
Cette aventure menée en France par un trentenaire au début du XXIe siècle est un repère précieux sur les
évolutions mentales, sociales et médicales de notre pays.
Dans un style journalistique, ce jeune photographe qui sent qu'il n'est pas à sa place dans un corps de
fille, relate sa démarche, ses engagements personnels, son combat pour obtenir une reconnaissance officielle de sa masculinité. Une telle transition ne pouvant s'effectuer sans aide, il s'adresse
à une association plus habituée à accompagner des hommes vers le genre féminin que des filles vers le masculin. Il va devenir l'un des éléments les plus actifs de ce groupe transgenre qui apporte
un soutien souvent vital à des êtres qui n'ont parfois d'autre moyen de survie que la prostitution. On trouvera ici, à côté de ce « minoritaire dans la minorité », des éléments du vécu par ceux
que l'on appelle les « trans » et dont on ignore souvent beaucoup des conditions de vie ou de survie.
Gabriel (puisque tel est le « prénom d'accueil » choisi par le narrateur) veut avoir un corps plus proche de
son genre : à la différence d'Herculine Barbin, c'est son identité intérieure, son genre qui ne coïncide pas avec son physique féminin.
Pour cela, la loi lui impose de passer par la psychiatrie et la case « Sainte-Anne » avant de pouvoir
soumettre son cas à la Justice qui ne sera pas plus compréhensive que la médecine, la France étant la lanterne rouge de l'Europe en ce domaine avec trente ans de retard.
La chirurgie ? Comme sexe et genre sont des notions distinctes, Gabriel se fera seulement refaire la
poitrine : du côté des gonades, rien n'est au point (les deux phalloplasties françaises ayant abouti à deux chaises roulantes) et cela ne semble pas être d'une importance capitale pour lui. Un
changement d'état civil femme vers homme est en revanche obligatoirement lié à une stérilisation qu'il va subir.
Bien plus vital est le regard des autres : fuyant, insistant, inquisiteur, apitoyé, incrédule... il blesse.
On perçoit avec ce passage du sexe dit faible à celui qui ose se prétendre fort le machisme inconscient lié à toute forme de contact humain : avec des collègues de travail, au rayon jouets ou
parfumerie d'un grand magasin rien n'est exactement pareil si la personne qui s'adresse à vous est un homme ou une femme.
Axel ou Gabriel (peu importe : il lui faut simplement un prénom qui s'envole… et il est curieux de constater
qu'Herculine était devenu Abel, même s'il a brisé volontairement ses ailes) a écrit le livre qu'il aurait aimé lire lorsqu'il avait seize ans. Il touchera très certainement un public beaucoup
plus large par la richesse et la force de son vécu.
Philippe GIMET, Le Sceau de Kropotkine
: Les mémoires d'un bardache – 1, Béziers, H&O, 2008, 216 p. - 21 x 13,5 cm.
Ce roman historique nous est présenté comme « obscène » par son éditeur et cet adjectif est ici vivifiant,
joyeux et lubrique ...
Le Roi Soleil brille de ses derniers feux quand le héros de ce récit, le bel Henry, au fondement si
accueillant, entre en scène dans les milieux les plus dévergondés du Béarn, puis de la capitale, avant d'aller parcourir l'Europe en guerre (de Succession d'Espagne) pour y faire... l'amour dans
les positions et les circonstances les plus salaces !
Écrit dans une langue patinée à l'ancienne, très savoureuse et accessible (oncques n'eûmes de difficulté à
entendre le sens des scènes les plus licencieuses bien que nous ne sussions point l'ancien françois) ce roman est plus destiné à ravir l'esprit qu'à être lu d'une seule main. Petit travail
intellectuel savoureux, il sera cependant prudent, si le lecteur veut rester bienséant, de le lire, soit seul, soit – surtout si c'est une lecture de plage, cela ne devrait pas tarder – allongé
sur le ventre...
Une intrigue historique documentée de façon cohérente conduit dans différents lieux de débauche virile où la
sueur se mêle à l'huile et le sperme à la salive... dans des temps où le sexe n'était pas vraiment sans risques mais où l'on pouvait, sans passer pour un barebacker fou furieux, s'amuser en toute
bonne conscience !
Si l'on jette un regard d'historien des mentalités (ce livre, sans être braudélien, se rattache à l'école
historique des Anales... dont il pourrait être le fondement !!!), on constatera que la mentalité du narrateur est celle d'un homme du Siècle des Lumières. Son regard sur la condition féminine,
l'esclavage et le handicap (il va épouser une jeune fille sourde-muette) est celui d'un « honnête homme » en avance sur son temps. Est-ce son statut de "bardache" qui lui donne ce recul, cette
ouverture d'esprit dans un siècle où Louis XIV et vingt millions de Français (Pierre Goubert, Fayard,1965) avaient d'autres sujets... de préoccupation ???
Le deuxième tome est déjà paru et un troisième en préparation : il en sera certainement question ici bientôt
!
Note de Daniel C. Hall : Si les éditeurs ou les auteurs (auto-édités ou non) souhaitent envoyer un
service de presse à Gérard en vue d’une critique sur ce blog, merci de prendre contact avec le chef Daniel C. Hall qui vous communiquera ses coordonnées :lestoilesroses@hotmail.fr.
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