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Le Père Docu s'appelle Gérard Coudougnan, il est né en 1962 et a pour qualification « enseignant-documentaliste », vous savez la dame qui râle au C.D.I. (centre de documentation et d'information) : c'est lui. Pour des raisons indépendantes de sa volonté, il est en ce moment éloigné de son lieu de travail habituel mais a toujours un C.D.I. (contrat à durée indéterminée) avec les bouquins pour qui il a une vraie A.L.D. (affection de longue durée).

Au hasard de ses lectures, il a croisé Marc-Jean Filaire puis Môssieur Daniel C. Hall (« The Boss ») qui lui a proposé de regrouper ici quelques « recensions » d'ouvrages à thématique LGBT.

Toute remarque, toute suggestion sera la bienvenue. Les avis, sous forme de commentaires, pour échanger des points de vue encore plus !

La bibliothèque rose est ouverte… vous avez lu Le Club des Cinq d'Enid Blyton ? Claude, le « garçon manqué » est peut-être alors votre première rencontre avec une petite lesbienne ou une future transgenre ? Ah bon, vous n'avez pas connu les Bibliothèques Rose et Verte ? Qu'importe, entrez (couverts !) ici et faites ce que vous voulez entre les rayons, ne soyez pas sages ...




Quand L'Harmattan m'a proposé de recevoir ce livre, je dois avouer que j'ai un peu hésité. À la lecture du dossier, il s'agissait d'un roman à forte part autobiographique écrit par un moine ou un prêtre défroqué qui avait choisi de vivre son homosexualité...

Peu indulgent envers les intrusions des divers monothéismes dans nos vies privées, je suis rentré dans cette histoire avec toutes mes griffes hérissées. Quelques heures plus tard, j'ai quitté les héros avec un certain regret, avant d'écrire le commentaire suivant sur le site où je sévis le plus régulièrement :

 

Est-il encore possible de placer l'engagement religieux et la vie monacale au cœur d'un récit où la foi et ses règles vont être confrontées à l'homosexualité des personnages principaux ?

Au moment où un Pape joue à l'Ayatollah, est-il intéressant de revenir sur le thème de la vocation religieuse face à l'orientation sexuelle ?

Dans un tel contexte, il est difficile de ne pas se hérisser face aux éternels discours religieux sur une sexualité que le narrateur et ses héros, Adrien et Malcolm, ont bien du mal à ne pas assimiler à une malédiction, même lorsqu'il en font un « cadeau de Jésus ».

La biographie de l'auteur montre qu'il a lui-même vécu ces doutes. Pourtant on entre dans ce récit par d'autres chemins, distincts des sentiers battus que pourrait laisser craindre la quatrième de couverture.

Une tension narrative s'installe tranquillement : Adrien n'est pas un bigot-gay refoulé, il a un vrai rapport avec une foi, une idée de l'organisation du monde et des rapports entre les hommes.

Ce personnage, en qui on ne voulait surtout pas s'identifier, prend corps et âme. Que l'on partage ou non ses questionnements religieux, sa quête d'une identité contre ou à travers ses attirances sexuelles vers le beau et mystérieux Malcolm, on suit leur histoire avec intérêt. Le style est fluide dans sa variété : récit, journal intime, échanges de lettres. La rivalité entre une idée (Dieu) et un être humain est un combat que mènent les deux protagonistes avec une intelligence et une sensibilité que certains lecteurs ne pourront s'empêcher d'assimiler à un curieux masochisme aux racines psychologiques complexes : le mystère de la foi ?

« Je sais désormais que Dieu aime ce que nous sommes. N'en déplaise à tous ces frustrés de l'Église qui ont érigé la chasteté en valeur suprême ! « L'acte homosexuel est un acte gravement désordonné mais les personnes qui le commettent sont dignes de respect et d'amour » : quelle foutaise ! Quelle anthropologie à deux balles ! D'aimables malades, voilà ce que nous sommes pour l'Église ! Heureusement que notre conscience nous fait hurler au crime ! » (p. 105)

Le premier roman d'un auteur en qui l'on a envie d'avoir foi sans autre doctrine que l'amour des livres.

Hugues POUYE, Par d'autres chemins, L'Harmattan, 2009, 138 p., 13,50 €


 * * * * *


Ayant établi un contact avec l'auteur, j'ai proposé à notre vénéré rédacteur en chef, une interview d'Hugues Pouyé que celui-ci a acceptée : merci Messieurs !

Voici donc le script d'un dialogue finalisé le dimanche 17 mai, Journée mondiale de lutte contre l'homophobie.

 


Bonjour Hugues, peux-tu te présenter ?

D’abord merci à toi, Gérard, de me donner cette belle opportunité de parler ici de mon roman. Ce que j’aime le plus dans cette période qui suit la sortie de Par d’autres chemins, ce sont les rencontres auxquelles elle donne lieu. Et tu es la première personne à avoir médiatiquement donné un écho à ce roman, ce dont je te suis reconnaissant. Et qui plus est sur un site d’handicapés homosexuels. Ce qui est pour moi un beau clin d’œil. En fait, j’ai l’impression que ce roman dit déjà plein de choses sur qui je suis. J’ai été religieux effectivement, pas cloîtré, mais « dans le monde » comme on dit, pendant 13 ans. J’ai grandi à la campagne, en Bourgogne, avec cinq frères et sœurs, dans un univers rassurant : une grande maison, que j’ai adorée, un petit frère – les autres quittaient la maison quand les deux derniers, dont je suis, grandissaient – , de grands espaces où courir, des rivières où pécher, des bois où se cacher… une enfance assez facile, même si comme je l’ai écrit il y a longtemps, « ma maison avait deux tours : l’une plongée dans la lumière et l’autre obscure ». J’étais plutôt bon élève, pensionnaire au Collège des Frères, à Nevers. À 17 ans, je suis monté à Paris, en classe prépa, à Janson et puis j’ai fait droit à Assas – à tout péché miséricorde ! – et c’est dans ces années-là, que ma vie a pris le tournant dont je parle au début de mon livre, avec cette mystérieuse « rencontre » du Christ. J’ai voulu être moine, j’étais en effet très attiré par cette vie de solitaire, j’ai passé ma licence et puis je suis parti en Égypte en coopération, avec l’idée qu’au retour je rentrerais au Monastère de la Pierre-Qui-Vire dans les ombrageuses forêts du Morvan. En fait, je suis entré dans une Congrégation, dont la mission était de former les futurs prêtres. J’ai fait toutes mes études de philosophie et de théologie à l’Institut catholique de Paris, huit années intellectuellement passionnantes mais humainement, éprouvantes déjà, interrompues aussi par un temps en Côte d’Ivoire. Ordonné prêtre en 1993, je quittais trois ans après. Trop de tension, trop de souffrance, trop de désirs contrariés. Mais ça, je le raconte dans le roman. Et maintenant, ça fait 13 ans que je suis enseignant et formateur, prof en école de commerce – la théologie, ça mène à tout ! – et responsable de formations pour adultes à la Ville de Paris, dans le domaine des langues, français et langues étrangères.

 

Ton roman, c’est donc ton histoire ?

En fait, j’aimerais bien ! Quand j’aurai écrit beaucoup de romans, je ferai comme Duras, je mêlerai le réel et la fiction, sans plus pouvoir démêler la réalité de l’écriture ! J’aime bien d’ailleurs cette idée du lien entre la vie et le récit. Après tout, on écrit nos vies aussi, enfin pour une part. Oui, en effet, il y a beaucoup d’éléments autobiographiques dans ce livre. Adrien me ressemble, même parcours, même caractère peut-être. Malcolm a existé. Il a effectivement été un passeur pour moi, un être insaisissable, mais qui a tellement bien compris ce que je traversais quand on s’est rencontrés ! Et il a disparu, pas comme dans le roman mais aussi brutalement. Je me suis même demandé si je n’avais pas écrit ce roman pour le retrouver, lui redonner une vie. Je crois qu’on écrit parce qu’on cherche quelqu’un, on attend une rencontre. C’est encore Duras qui disait ça, je ne sais plus où et plus exactement comment, mais quelque chose comme, « j’ai écrit pour ouvrir une porte qui est toujours demeurée close » et cette porte c’était sa mère, l’accès à l’amour de sa mère, cet amour « toujours-déjà-perdu », comme je l’écris dans ce roman. Dans L’amant, elle dit de sa mère : « Elle est devenue écriture courante », phrase magnifique ! Del Castillo, lui, un autre auteur que j’aime énormément, je crois qu’il a écrit pour retrouver le père, celui qu’il aurait aimé avoir et pas le salopard qu’il décrit dans De père français. D’ailleurs, tous ses personnages ont une personnalité complexe, ambiguë, perverse parfois, comme s’ils étaient tous des « pères à sauver ».

 

Et toi, alors, tu écrirais pour retrouver qui ?

Malcolm évidemment, ou plutôt sa figure, ce qu’il a représenté ! Mon prochain roman, qui n’est que dans ma tête pour le moment, je voudrais qu’il se passe en terre de négritude, une nouvelle histoire d’amour métissée avec pour fond une réflexion sur ce que fut la colonisation. J’ai l’intuition qu’on n’est pas allés jusqu’au bout, sur le plan anthropologique, de ce que fut la rencontre du Blanc et du Noir. Il s’est joué dans la colonisation autre chose qu’un rapport de domination-soumission. Une fascination réciproque que je voudrais tenter de mettre à jour à travers la destinée de deux êtres que tout, de prime abord, séparerait. J’ai découvert récemment que la famille de ma mère avait vécu un siècle et demi aux Antilles, à St Pierre et à Ste Lucie aux XVIIIe et XIXe siècles. Ça m’a intrigué. Je crois que je vais retourner sur les pas de Malcolm !

 

Tu t’expliques cette fascination, comme tu dis, du Blanc pour le Noir ?

C’est chez moi de l’ordre du désir, comme l’écriture, profond, mystérieux, fascinant. Souvent, je m’interroge sur cette attirance pour l’homme noir. Et mes amis blacks ne m’ont jamais vraiment éclairé là-dessus, pas plus que les blancs d’ailleurs ! Je me dis – romanesque ! – que je dois être un peu métis. Mes ancêtres auraient-ils jeté quelque semence de blanc dans le ventre d’une femme noire, ou l’inverse peut-être ! Bien sûr qu’il y a dans ce désir, des raisons esthétiques, des préférences physiques et sexuelles, mais ça va bien au-delà, et c’est ça que j’aimerais tirer au clair, si je puis dire. En tout cas, je ressens que mon désir d’écriture trouve là une terre d’expression, qui sera féconde j’espère.

 

Entre les bigots laïcs à la sauce freudienne mal assimilée et les cathos « ouverts » à la sauce Marc Oraison, comment ne pas avoir envie de hurler « foutez-nous la paix avec notre sexualité » ?

Spontanément, j’aurais envie de répondre « en effet,  foutez-nous la paix ! », foutez-nous la paix, car ça relève trop de l’intime, de notre histoire, de nos pulsions, de nos désirs, mais en même temps, comme tu le suggères dans le préalable de ta question, ce « foutez-nous la paix », il faudrait l’adresser à bien des institutions, pas seulement à l’Église. L’État et le corps médical, comme l’a bien décrit Louis-Georges Tin dans son bouquin sur la naissance de la culture hétérosexuelle, ou Foucault avant lui, ont voulu contrôler la sexualité, peut-être d’ailleurs que la psychanalyse a pris, d’une certaine manière, le relais. Car, c’est vrai aussi que la sexualité peut-être « socialement dangereuse » et qu’elle touche inévitablement à d’autres dimensions que la dimension intime. Regarde, le combat de certains homos pour le PACS, n’était-ce pas aussi une manière de vouloir faire aborder l’intime aux rives du public, à la reconnaissance sociale ? En tout cas, la sexualité, c’est une force mystérieuse, vitale, anarchique, débordante, riche sûrement mais comme tous les domaines de nos vies, capables de débordements, capable du meilleur et du moins bon.

 

Qu’est-ce que tu veux dire ?

Quand je dis le meilleur, je pense à une sexualité, source de plaisir, de jeux, d’abandon, de tendresse, de réassurance, d’ouverture à l’autre et quand je dis le moins bon, je pense à une sexualité au service du seul soi, «solipsiste », qui peut prendre des formes extrêmes où l’autre est absent, nié voire détruit. Et là, je ne vise pas tel ou tel comportement ou pratique sexuels, tous, du « soft au hard », sont exposés et aucun ne parvient à un idéal, qui n’existe sûrement pas d’ailleurs, autrement que comme un élan, une visée, un désir de paix avec soi et avec l’autre. J’aurais envie de dire que notre sexualité n’est pas étrangère au reste de nos comportements, et qu’elle est même peut-être symptomatique, paradigmatique, du reste. « Dis-moi comment tu te comportes sexuellement et je devinerai comment tu es dans la vie ! » C’est un peu brutal, dit comme ça mais je crois que ce n’est pas complètement faux. Pour revenir au « foutez-nous la paix », je dirais, « oui, foutez-nous la paix, si votre discours est normatif, exclusif, violent » mais « oui, prenez la parole, si votre discours est dialogue, échange, visée… ». Et quelle institution peut faire ça ? Mais, là, on passe à un autre sujet…

 

Justement, parlons-en ! Tu n'es certes en aucune manière un porte-parole de l'Eglise mais en quoi, selon toi, cette institution peut-elle encore être digne de foi pour ceux qui ont choisi d'autres chemins ?

Ce n’est pas l’Église que j’aime, même s'il y en a qui disent l’aimer, peut-être sincèrement d’ailleurs, mais moi, ce discours, ça ne me parle pas, et je pense que ça ne m’a jamais vraiment parlé. Dans l’Église, j’ai aimé et je continue à aimer des hommes et des femmes dignes de l’être, j’ai même rencontré des êtres marquants, à qui je dois, pour certains, beaucoup. Ce que j’aime, encore aujourd’hui, c’est l’Évangile et ceux et celles qui en ont compris la dimension délibérément humaine, ceux et celles qui « incarnent » la tendresse et la proximité de Jésus, l’homme au paroxysme de l’humanité, Celui qui s’approche, qui touche, qui inclut, qui guérit, qui fait confiance, qui marche avec, et qui marche d’abord avec ceux qui ont choisi d’autres chemins ou qui ont été mis sur le bord du chemin. S’il y a un universel de l’Évangile, c’est la figure du « pauvre », non pas parce qu’il est pauvre mais parce qu’il représente ce qu’on n’aime pas, ce qu’on ne veut pas être, et ce dont il faut pourtant s’approcher si l’on veut se reconnaître comme homme soi-même.

 

Ce n’est pas un peu misérabiliste, ça ?

Non, vraiment pas ! Le misérabilisme, c’est une dérive. Le « pauvre », c’est le mendiant si je suis riche, le handicapé si je suis bien portant, l’homosexuel si je suis hétérosexuel… et la liste peut s’allonger, mais attention pas comme des figures hypostasiées, excuse-moi, j’ai utilisé un gros mot de théologien !, pas comme des figures poussées dans l'absolu, entièrement investies de la pauvreté, de la mendicité, du handicap ou de l’homosexualité, pas comme des personnes à aimer parce que ça me donne bonne conscience de les aimer avec l’étiquette à laquelle je les aurais réduites, et qu’en plus si je suis homosexuel et de gauche, c’est top, mais parce qu’ils me rappellent à moi, moi, ni mendiant, ni handicapé, ni homosexuel – enfin, oui ça arrive ! – que je suis aussi mendiant, handicapé, homosexuel, parce que d’autres le sont et que je ne suis vraiment homme qu’à partager leur humanité. Et cet universel-là, c’est dans l’Évangile que je l’ai trouvé. Je l’appellerais l’universel de la tendresse, l’universel d’une altérité que j’ose toucher. La personne du pauvre, du handicapé, de l’homosexuel, que je peux aimer de toute évidence, comme personne, parce qu’elle peut être aussi aimable, belle, excitante, devient dans l’Évangile, une figure, parce que m’approchant d’elle, je m’approche aussi de moi, de ma pauvreté, de mon handicap, de mon homosexualité, QUI QUE JE SOIS je m’approche de ma pauvreté, moi qui roule en Porsche, de mon handicap, moi qui bat des records sportifs, de mon homosexualité, moi que seules les femmes font entrer en érection ! Mais attention, j’insiste, aucune de ces figures n’est à « absolutiser », sans quoi, il suffirait de recréer des communautés de proximité, d’identité, « des pauvres qui s’aiment et qui aiment ceux qui aiment les pauvres » ; « des handicapés qui s’aiment et qui aiment ceux qui aiment les handicapés », « des homosexuels qui… ». Non, c’est plus compliqué, il faut s’approcher ou du moins se disposer à approcher le plus grand nombre des figures du pauvre, se disposer à toucher du doigt le plus grand nombre des figures de la différence, de l’altérité. Et ça, c’est une sacrée tâche ! Un programme pour toute la vie !

 

Mais tu as l’air de dire que l’homosexuel est un pauvre, un mendiant, un handicapé, de traiter l’homosexuel comme un malade…  

Alors, je n’ai pas été très clair et je sais que ce que je dis est risqué, source de malentendus possibles ! Enfin, c’est vrai d’ailleurs, on peut être un mendiant handicapé et homosexuel, noir qui plus est, mais ça tout de même ce n’est pas si commun, ce serait la figure sublime… enfin je plaisante, quoique… Plus sérieusement, l’homosexuel n’est pas un malade, même s’il peut l’être aussi ! C’est quelqu’un qui m’invite, mutatis mutandis, comme le pauvre ou le handicapé, ou, et cet ajout est de taille, comme toute personne qui me renvoie à l’idée d’inaccomplissement, d’incomplétude, de différence – car la différence, c’est ce dans quoi je ne veux ni m’accomplir, ni me compléter – comme toute personne, qui peut donc me faire peur – d’ailleurs, de triste mémoire, on a traité dans l’histoire les handicapés et les homosexuels de la même manière la plus inhumaine –, qui peut me donner envie de ne pas la prendre pour modèle d’humanité, eh bien l’homosexuel, c’est donc quelqu’un qui m’invite à penser, moi l’hétéro, que je ne suis homme ou femme hétéro que dans le dialogue maintenu avec l’homme ou la femme homo. Et je pourrais poursuivre, que je ne suis homme ou femme riche que dans le dialogue poursuivi avec l’homme ou la femme pauvre, que je ne suis homme ou femme bien portant que dans le dialogue avec l’homme ou la femme handicapé… Alors, enfin !, pour répondre à ta question, je dirais que si l’Eglise veut être « digne de foi », elle a intérêt à se rapprocher des pauvres, des handicapés et des homosexuels. Pour les pauvres et les handicapés, elle trouvera dans son histoire passée et présente, dans sa tradition, dans ses écrits, des hommes et des femmes, qui lui rappelleront sa vocation , pour les homosexuels, elle a beaucoup, beaucoup à faire, beaucoup d’audace à avoir… car il n’y a pas grand-chose, à moins que le silence de Jésus ne soit sur ce point particulièrement éloquent ! Mais, ça ne sert à rien de crier haro sur l’Église, en revanche, ça peut servir de tenir en son sein un discours discordant.

 

Un premier roman chez L'Harmattan, c'est un peu du « compte d'auteur déguisé (sic) », ainsi que l'expliquait le mensuel Lire de mars 2009. C'est donc un investissement complet que tu as fait : es-tu satisfait du fruit du travail fourni ?

Investissement, oui, on peut le dire. Complet ? J’ai été aidé, soutenu aussi. C’est pourquoi, j’ai tenu à remercier au début de mon roman ces personnes à qui ce texte doit beaucoup. Et la première d’entre elles, Auguste M’Bondé – un Camerounais, y a pas de hasard dans la vie ! – qui dirige une collection sur l’oralité africaine à l’Harmattan et qui vient d’ailleurs de publier un roman, mais pas chez l’Harmattan ! Chez « Vents d’ailleurs », Sikè, roman où il raconte son enfance à sa fille (1). C’est à lui que j’ai présenté la première mouture de mon roman et, tout de suite, il y a cru, il m’a fait retravailler certains passages, il m’a encouragé et introduit à l’Harmattan. À partir de là, c’est vrai, j’ai fait beaucoup, lecture, relecture, correction, aidé aussi mais pas vraiment par mon éditeur ! Ils ont fait un « test orthographique » sur dix pages, un test complet, c’est payant ! Il a été tiré à 300 exemplaires, ce qui n’est pas beaucoup, et j’ai dû acheter 50 exemplaires. Mais, tout ça n’est pas si grave, après tout, ils m’ont publié, ce livre existe, il est en cours de réédition, et ça se fait vite – flux tendus ! – bien répertorié sur les sites de vente en ligne, et s’il est peu visible, très peu visible aujourd’hui en librairie, peut-être le sera-t-il davantage demain. Et puis, comme je ne crois pas au hasard, L’Harmattan, c’est aussi la littérature des autres rives et ça, ça me plaît bien ! Et ils ont édité de très belles choses, lancé des auteurs aussi, africains notamment.

 

As-tu eu des « retours » de lecteurs intéressants ?

Oui, de toi ! Et d’autres aussi. Beaucoup d’amis, de collègues enseignants, m’ont écrit, ils avaient aimé, certains m’ont dit des choses émouvantes sur ce livre qui les avait touchés, bouleversés, m’a écrit une enseignante. Évidemment, ça fait plaisir, ça donne très envie de poursuivre l’écriture. J’ai aimé écrire ce livre, j’y ai mis je crois, de la tendresse, de la vérité, sans fard. Mais je m’interrogeais sur la manière dont un sujet, finalement délicat, une histoire d’amour homosexuelle sur fond d’aspirations spirituelles, un « ménage à croix », comme tu l’as si bien résumé, serait reçu. Je m’exposais aussi dans ce livre, un « coming out » social en quelque sorte, mais je crois que j’ai la chance d’évoluer dans un milieu professionnel ouvert, intelligent, sensible aussi – les profs sont aussi cela ! D’autres ont moins de chance. C’est un hasard, heureux d’ailleurs, que nous fassions cet entretien le jour de la Journée mondiale contre l’homophobie. Ce soir, j’ai mon premier événement, une lecture à l’Harmattan, et ça me plaît bien que ça tombe ce jour-là. Ce livre n’est pas un livre de « militance gay » ni de « revanche ecclésiale » mais s’il peut contribuer, si je peux contribuer à la reconnaissance de la « différence homosexuelle » et à faire avancer un peu les choses dans l’Église, je le ferai de tout cœur. Sinon, je commence à avoir des recensions, sur des blogs (2), et il y a quelques articles à venir pour des revues. Enfin, on verra, ce roman fera le chemin qu’il doit faire. Mais ce que j’ai reçu déjà me donne beaucoup de joie et surtout conforte mon envie de continuer d’écrire.

 

Tu as évoqué tout à l’heure, un futur projet d’écriture, c’est pour bientôt ?

Bientôt, je ne crois pas. Ça va me demander beaucoup de recherches, de travail, d’immersion peut-être. Si j’avais plus de temps, ou si je l’utilisais mieux, ça irait plus vite mais je ne vis pas de l’écriture, en tout cas pas financièrement ! Je sais simplement que cette perspective est pour moi très motivante et qu’elle donne du sens dans ma vie.

 

Merci Hugues pour ta disponibilité et ta sincérité : accepterais-tu, en plus, de répondre aux éventuelles remarques ou questions des lecteurs des Toiles Roses ?

Bien sûr. On écrit pour échanger, partager, s’ouvrir à d’autres mondes, d’autres vies, et je me prêterai avec plaisir à cet échange via les Toiles roses. Et si certains veulent aborder la thématique Noir-Blanc, je suis preneur !

 

(1) http://www.ventsdailleurs.com/index.php?page=shop.product_details&flypage=flypage.tpl∏uct_id=159&category_id=1&option=com_virtuemart&Itemid=73

(2) http://lecumedeslivres.blogspot.com/2009/05/le-cur-empli-dinterrogations-restees.html

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