Chers amis du blog Les Toiles Roses, après plus de 32 toiles cannoises, je peux vous le dire :
les cinéastes font de la sexualité leur principal sujet de perplexité. Certains préfèrent exciser la femme ou juste lui balancer qu’elle a l’haleine fétide et les seins qui tombent. D’autres sont
davantage intrigués par l’homosexualité. Évidemment, c’est ce sujet qui nous concerne ici.
D’Asie en Amérique, les gays ont été l’objet de tous les désirs sur le grand écran blanc de nos chambres
noires. La compétition s’est symboliquement ouverte sur un film traitant de l’homosexualité. Nuits d’ivresse
printanière (par ailleurs prix du scénario), de Lou Ye, évoque les conditions de vie d’un homosexuel dans une grande ville chinoise. Conditions inhumaines évidemment, puisque les amants
se cachent pour jouir. Souvent contraints à une bisexualité de façade ou à vivre en marge. Le film n’offre que peu d’espoir alors qu’il ne parle que d’amour… Les scènes où les corps nus se
mélangent, sur un lit ou dans une douche, sont crues et sensuelles. On n’avait pas vu ça dans le cinéma chinois depuis East
Palace, West Palace, en 1997.
Un autre cinéaste asiatique, Tsai Ming-liang, ouvertement gay, n’a pas hésité dans son film commandé par le
Musée du Louvre, Visage, à insérer une séquence homo. En l’occurrence, il a pris le soin de mettre en lumière les buissons du parc des Tuileries, où son acteur fétiche (et
« mari »), l’éternellement jeune Lee Kang-sheng s’offre manuellement et oralement à Mathieu Amalric. On ne voit rien, on
devine tout. Le moment est sensuellement exquis.
À Tokyo, l’Argentin Gaspar Noé continue de considérer les homos comme lâches et soumis. Rappelez-vous
Irréversible : l’homo était un dégénéré uniquement bon à se faire fister ou tabasser. Ici le pédé est dealer (donc cause tous les malheurs du monde), ou balance (donc conduit le
héros à son destin, fatal). Cette homophobie permanente chez Noé, digne de son esprit réac, se traduit par cette fiotte de délateur qui se retrouve, vers la fin de ce film interminable, dans une
chambre du Love Hotel, à pomper une grosse queue de cadre sup’ japonais, un second attendant son tour.
Heureusement, le sensible Ang Lee, à qui l’on doit Garçon d’honneur et Brokeback Mountain,
est revenu avec une chronique douce, drôle et un zest amère, dont le personnage principal est un jeune juif, gay, n’arrivant pas à couper le cordon ombilical avec sa dragonne de mère (radine) et
aspirant à migrer à San Francisco. Dans Taking Woodstock, il va d’abord assumer son homosexualité. Sur la piste de
danse, sous les hourras des filles, en embrassant langoureusement un maçon beau comme un camion. Et puis dans un van Wolkswagen, hallucinés par quelques pilules, en se tapant un couple hippie
« peace and love ». N’oublions pas le personnage de Liev Schreiber, travesti incroyable et blonde, sachant concilier force et humanisme.
Si l’esprit Woodstock a disparu, les progressistes américains ont survécu notamment du côté de Seattle. Dans
Humpday, les deux meilleurs potes du monde, encouragés par un groupe de lesbiennes, font le pari de faire l’ultime film porno amateur : deux hétéros en train de niquer dans une
chambre d’hôtel. Deux gars lambda prêts à virer leur cuti pour une nuit. L’un d’entre eux est marié, et, bizarrement, c’est le soutien de son épouse que l’on retient. Très joli message d’amour,
très belle philosophie de couple. On signale juste aux lecteurs hétéros égarés ici que si l’idée vous prend, n’omettez pas quelques règles : les préliminaires c’est important, les caresses
et les baisers c’est essentiel, et un peu d’alcool pour se « lancer » n’a jamais fait de mal à personne. Sinon c’est la débandade assurée.
Du côté du Texas, c’est difficile d’être homo aussi. Jim Carrey aime le charmant Ewan McGregor (I Love you, Phillip Morris) mais aussi le très très beau Rodrigo Santoro. Production plus aseptisée, nous n’aurons le droit qu’à
quelques étreintes et baisers. Almodovar a aussi effleuré le sujet. Seul le personnage de l’héritier voyeur, Ray X, pervers mal dans sa peau devenu homo cynique et sexy, renoue avec la
« mâlitude » du cinéaste. Mais rien de bien bandant sous le soleil madrilène.
Sous le ciel pluvieux de Jérusalem, il y a eut la plus belle histoire d’amour du Festival. La plus tragique
aussi. Deux hommes pieux, l’un boucher et père de famille, endeuillé par la mort de son père, l’autre, étudiant errant, perdu, bousculé par ses désirs, vont s’apprivoiser, s’attirer, s’embrasser.
Tout est pudique, suggéré, compris. Tu ne m’aimeras point, de Haim Tabakman, n’est pas très gai. Mais il prouve, plus que tous les autres, que l’Amour n’a pas de frontières, n’a besoin
d’aucun mur, ne souffre d’aucun diktat, n’a pas besoin de dogmes pour exister, de règles pour s’épanouir.
Que le seul mot qui lui convient, de la Chine communiste à la communauté ultra-orthodoxe israélienne, c’est
la liberté. C’est aussi pour ça qu’on aime tant le cinéma : il nous évade de nos prisons dorées.
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