Lille, juillet 2009. Tandis que je trompe mon ennui sur
Facebook, Scarlett O’Hara se met à me raconter son weekend en Suisse. Elle a de la chance de pouvoir faire du ski nautique sur le Léman, de siroter des whiskys le soir à Cologny, et de
respirer le bon air frais de Genève. De mon côté, je savoure du mieux que je peux le caractère primesautier du climat qui, en ce début de mois, semble contredire les promesses estivales de la
fin de juin.
Scarlett est Irlandaise et fière de l’être. Les cheveux
bruns presque noirs, les yeux verts, le caractère bien trempé et indomptable de son clan d’extraction immémoriale, la libido insatiable, c’est une femme aussi déterminée que l’héroïne
homonyme du roman de Margaret Mitchell. Elle sait ce qu’elle veut. Aujourd’hui, je découvre qu’elle me veut…
San Francisco, mars 2009. Ma collègue Laurence de Miami
m’emmène au Westin St. Francis, hôtel fabuleux qui offre, au dernier étage de son ascenseur extérieur, une vue imprenable sur la ville et la baie. C’est la nuit, tout scintille comme dans la
vitrine d’une bijouterie. En bas, les lumières ne sont plus que diamants, rubis, émeraudes, saphirs, ors jaune et blanc. Je m’enivre de beauté et de luxe. De retour dans le lobby, encore
éblouis par les feux de la nuit, nous manquons nous cogner à une lady en robe de cocktail. Je viens de rencontrer Scarlett. Elle nous invite au bar lounge et nous faisons connaissance autour
d’une bouteille de Cardhu.
Moncton, juillet 2009. Je suis épuisé par le voyage de
retour. Six heures d’attente à Montréal ont puisé ce qui me restait d’énergie pour retourner au travail dès le lundi 13. Mardi 14, il faudra assurer pour la réception de la fête nationale.
J’assure, et vais me coucher de très bonne heure. Je m’effondre comme une masse sur le lit, après avoir pris la peine d’ôter ma veste. Au réveil, mon pantalon est froissé. En fin de journée
il faut que je sois à Halifax pour la réception à bord des voiliers de l’Ecole Navale. Les obligations se succèdent les unes aux autres, je n’ai pas le temps de souffler, de m’arrêter et de
penser. Penser… mais à quoi ? Mon téléphone carillonne. J’ai un message.
De Scarlett, le 15 juillet à 8h18 : « Arrive
ce soir à Las Vegas pour trip Nevada jusqu’à dimanche. Envie de te voir. Rejoins-moi dès que tu peux. SO’H. »
Las Vegas, jeudi 16 juillet 2009. C’est la onzième fois
que je prends l’avion depuis le début de l’année, et le cinquième vol en moins d’un mois. J’adore m’envoyer en l’air à 10.000 pieds. Scarlett est descendue au Tuscany. Le style est chic et sans prétention, il respire un parfum d’Italie et je soupçonne l’endroit d’appartenir à un parrain de la mafia, mais n’en dis
rien. Je découvrirai le Bellagio et le Caesars Palace une autre fois. Il y a des casinos partout et nous décidons d’aller tenter notre chance au Venetian, histoire de rester dans le trip italien. Je perds 600 dollars au bandit manchot et commence à grogner.
— Changeons de spot, me dit-elle.
Comme elle me sait fou de cinéma hollywoodien, elle
m’emmène au MGM Grand. Mais je suis dans une déveine complète : je perds 500 dollars de plus. Les machines mangent mes pièces et n’en recrachent
aucune, et je ne me sens pas encore assez confiant pour passer du poker virtuel au poker réel. Ce n’est pas mon soir et si je me laisse tenter par les sirènes du tapis vert, je vais y laisser
ma chemise. Scarlett me prend par la main et m’entraîne au Rouge Bar.
— Malheureux au jeu, heureux en amour. A la
nôtre !
En bonne Irlandaise, elle a commandé un double whisky
sec ; de mon côté, j’ai choisi un mojito. Tout est rouge dans ce bar, on se croirait dans un appartement psychédélique des années 60. Le décor est propice à l’étourdissement, je risque
d’y perdre l’esprit. Ma raison commence déjà à chanceler et je laisse Scarlett m’entraîner dans les rues de Vegas, la reine du désert, comme si je ne m’appartenais plus. L’aurore est
magnifique, quasi irréelle, autant que l’anneau d’or que je porte à l’annulaire gauche. Ai-je rêvé, ou est-ce qu’une heure avant l’aube, j’ai prononcé des vœux devant le sosie d’Elvis Presley ?
Scarlett m’embrasse tendrement et me caresse les
cheveux de sa main gauche où brille une alliance flambant neuve. Le vent du désert nous enveloppe de son souffle chaud et sauvage. La journée s’annonce torride, caniculaire. De retour à
l’hôtel, nous changeons de décor. Nos valises ont été déplacées sur un simple coup de fil. Vendredi 17 juillet, en pénétrant dans la suite nuptiale au bras de mon épouse, je n’ai pas
l’impression de vivre la vie normale des gens normaux, mais plutôt la vie extraordinaire des gens extravagants.
Ainsi s'achève la saison 5 de Zanzi and the
City
To be continued… or not.
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