En rangeant mon bureau qui, je vous rassure, est aussi bordélique que mon appartement (preuve que je ne suis pas schizophrène !), j’ai
retrouvé un poème que j’ai écrit le 23 mai dernier, en souvenir de la soirée que, la veille, B. et moi avions passée ensemble.
There is a secret place
Where I wish to belong.
It's not on earth, nor space,
But alive in a song.
When I felt your embrace
The feeling was so strong,
Kind of endless romance
I've waited for so long...
Comme l’écrivait Shakespeare dans le troisième acte de Comme il vous plaira : « Quiconque doit aimer aime à première
vue », et aussi insensé que cela puisse paraître, je l’ai aimé dès l’instant où mes yeux se sont posés sur lui. C’est le genre d’éclair qui m’est arrivé peu de fois dans ma vie, cette
fulgurance dans l’instant qui vous transporte dans un autre monde entre le rêve et la réalité. Le problème dans ce cas précis, c’est que le rêve et la réalité ne se rejoignent pas. Il n’y a
pas de concomitance. De fait, tout comme Jésus a mis trois jours pour ressusciter, B. a mis trois jours pour me briser le cœur.
Je n’ai pas vu arriver le coup de massue, qui fut aussi percutant que le coup de foudre. Après avoir fait bonne figure en arrivant à prendre un air fataliste et presque détaché, je suis
rentré chez moi pour rejouer la grande scène de Niagara, sauf qu’il n’y avait ni Marilyn, ni Joseph Cotten, ni Jean Peters, mais seulement moi dans le rôle des célèbres chutes. C’est
quasi en morceaux qu’une amie m’a ramassé une heure plus tard et a fait de son mieux pour me remonter. Sa main tendue fut un réconfort dans ce moment de détresse amoureuse.
Cette histoire qui, dans le poème ci-dessus se voulait éternelle, n’aura pas duré le temps suffisant pour que je puisse lui associer une
chanson. Chaque amour qui a compté dans ma vie contient des mots et des sons, une chanson romantique lui est spécialement dédiée. C’est ainsi que je ne peux écouter « I believe in you
and me » de Whitney Houston sans penser à Esteban, et que « My all » de Mariah Carey me ramène à Kamil. Il me suffit d’écouter la chanson qui correspond à chacun pour éveiller
dans ma mémoire un flot de souvenirs, ceux que nous eûmes ensemble comme ceux que nous n’aurons jamais, et en même temps, les sentiments que j’éprouvais pour eux refont surface et font battre
mon cœur de la même manière qu’aux plus belles de nos heures.
B. n’a pas de chanson. Une fois de plus, mon poème s’est égaré dans la précipitation. De quelle façon puis-je me souvenir des moments trop brefs que nous avons partagés et, à nouveau,
ressentir cette passion brûlante et dévastatrice ?
— T’es maso, Zanzi !
Oui, je crois que je le suis. Il faut l’être un tantinet pour regarder ainsi derrière soi et non devant. Mais voilà, je ne sais pas si je serais un jour aimé une fois encore. Dans les
tréfonds de ma mémoire et les tiroirs de mes armoires, il n’y a pas que des chansons de divas de la pop, il y a aussi des lettres, des poèmes qui prouvent que moi aussi, un jour, je fus aimé
vraiment. Je les conserve comme des trésors. Ils sont un peu les éléments d’un puzzle, les indices de la quête du Graal de mon cœur. Ce n’est pas moi qui les ai écrits. Ils n’en ont que plus
de valeur. J’ai parfois besoin d’eux pour tenir debout, et paradoxalement, ces retours en arrière sont des sources d’espérance et d’optimisme qui me font croire que tout est possible et que
demain, peut-être, enfin… tu seras là.
S’il m’arrive de m’apitoyer sur moi-même et de sembler me complaire dans la souffrance, c’est aussi parce que je sais qu’elle peut être
muse. La souffrance est comme le cholestérol et le stress, il y a du bon et du mauvais. La mauvaise souffrance n’apporte rien, la bonne souffrance est un puits de créativité. Et dans ces
moments-là, à cœur ouvert je livre mon âme…
Puissé-je un jour changer de voie, et transcender le chagrin par la joie !
Pour lire le précedent épisode de Zanzi and the City, cliquez ici.
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