Fiche technique :
Avec Bernard Campan, Charles Berling, Léa Drucker, Jacqueline Jehanneuf, Eric Prat, Niels Lexcellent, Anna Chalon, Antonin
Chalon, Léocadia Rodriguez-Henocq, Caroline Gonce, Aurélie Guichard et Philippe Lefebvre. Réalisation : Zabou Breitman.
Scénario : Zabou Breitman et Agnes de Sacy. Image : Michel Amathieu. Son : Lucien Balibar. Montage : Richard Marizy. Décor : Pierre Quefféléan. Musique : Laurent Korcia.
Durée : 114 mn. Disponible en VF.
Résumé :
Frédéric, avec famille et amis, passe ses vacances dans une belle maison près d’un non moins beau village drômois. La tribu décide, le
premier soir de leur installation, d’organiser un barbecue pour fêter leurs retrouvailles. Au débotté Frédéric propose d’inviter leur nouveau et énigmatique voisin que la smala a déjà aperçu se
baigner nu dans sa piscine. Après un repas bien arrosé pendant lequel Hugo n’a pas fait mystère de son homosexualité, Hugo et Frédéric prolongent leurs agapes, seuls sur la terrasse de la
propriété qui domine la campagne, sirotant du vin, confortablement installés dans leurs fauteuils. Durant cette longue conversation, qui ne se terminera qu’au petit matin, les deux hommes se
dévoilent en se livrant à une sorte de jeu de la vérité sous les étoiles de cette nuit estivale. Leurs échanges nous seront distillés petits morceaux par petits morceaux tout au long du film.
Au fur et à mesure que cette longue conversation infusera lentement dans le cerveau de Frédéric, attiré par Hugo, par sa culture, par sa liberté d’esprit, par son charme et son élégance, il va
remettre en question sa vie de couple bourgeois avec enfant et... son hétérosexualité.
L’avis de Bernard Alapetite :
Il est incontestable que cela fait plaisir de voir un film français aussi bien filmé de la première à la dernière image. Mais
parfois une trop belle photo peut aller à l’encontre d’un film, étouffant l’émotion sous la virtuosité technique. C’est le cas ici. La réalisatrice n’a semble-t-il pas pu empêcher son chef
opérateur de prendre le pouvoir d’où un grand nombre d’images gratuites. Les acteurs, tous parfaits, sont contraints de défendre leur personnage dans les interstices de tableaux au cadrage
extrêmement étudié dans lesquels on sent que le plus petit détail, le moindre rayon de lumière ont été pensés et repensés. Ce volontarisme exacerbé bride la création artistique.
Pour certains cinéastes, le montage est une deuxième écriture. À voir L'Homme de sa vie, Zabou Breitman est de
ceux-là. Si souvent ce montage et ce filmage sophistiqués servent et sont même la matrice du film, comme le procédé consistant à découper la conversation, génératrice de l’intrigue, et à en
disséminer des fragments tout au long du film comme autant de petits cailloux blancs balisant le chemin qui mènera Frédéric à se découvrir, parfois ils laissent perplexe quant à leur bien fondé
narratif. Telle cette propension à ne filmer que les pieds des acteurs lors d’une scène ; même si, comme c’est le cas assez souvent, le film joue alors à merveille sur le hors champ, laissant
la bande-son nous informer sur l’action. Plutôt que L’Homme de sa vie, jeu de mots un peu plat, le film aurait du s’appeler « la signifiance des pieds », ce qui aurait été
plus en accord avec son très appuyé freudisme, surtout dans sa dernière partie. On a alors l’impression que la cinéaste, ayant peur que le spectateur ne comprenne pas ses intentions qui sont
pourtant assez limpides dès le début, se croit obligée d’ajouter des scènes, toujours belles formellement mais lourdement explicatives. Une frôle le ridicule : Hugo adulte devant la porte rouge
de la maison de son enfance dont l’adolescent a été chassé lorsque son père découvrit son homosexualité, à une échelle si grande qu’elle semble écraser Hugo qui tente, trop petit, d’en
atteindre la poignée. Porte qui lui donnerait accès à l’hôpital où il finit par rendre visite à son père qu’il n’a pas vu depuis vingt-cinq ans et qui meurt d’un sida contracté lors d’une
transfusion. On le voit, tout cela n’est pas particulièrement léger. Ce qui sauve ces séquences du pathos c’est que l’on ne sait jamais si ce que l’on voit est du domaine du songe ou du
réel.
Pourtant, la réalisatrice sait aussi être légère quand, mine de rien, par petites notations, elle nous parle d’un homosexuel répudié adolescent par son père, d’un gay cherchant sa propre place
de père d’une adolescente, d’un révolté contre la norme, d’un homme heureux dans sa sexualité compulsive, d’un hédoniste que la mort angoisse, d’un solitaire défendant pied à pied une liberté
que l’on suppute acquise de haute lutte, d’un créateur entre rêve et devoir...
Dans L'Homme de sa vie, Zabou Breitman ne donne que de rares éléments sur ses personnages. Elle s’en explique :
« On sait vaguement que l'un est chimiste et l'autre est graphiste, mais on pourrait les intervertir. Au casting, je me suis attachée à ce que les personnages de Frédéric et Hugo
soient absolument interchangeables. Frédéric et Frédérique (Léa Drucker) portent d'ailleurs le même nom. En parlant des trois, je parle de la même personne. Chacun porte en lui un tiers de
l'autre. Lorsque Frédéric est à côté d'un homme, il a l'air plus féminin et lorsqu'il est à côté d'une femme, plus masculin... Frédéric n’a jamais vu quelqu’un comme Hugo et Hugo n’a jamais vu
quelqu’un comme Frédéric. » Cette dernière allégation n’est pas évidente. On peut même en douter au vu de leur statut social. Comme souvent dans le cinéma français, on ne peut
s’empêcher de penser que le scénario aurait eu plus de pertinence si les personnages avaient appartenu à une classe sociale moins privilégiée.
Un des grands atouts du film est l’excellence des comédiens. Charles Berling retrouve un rôle d’une subtilité équivalente à
celui de Petits arrangements avec les morts qui nous l’a fait découvrir au cinéma en 1993. Il commente la relation entre Hugo et Frédéric de la façon suivante : « J’ai le
sentiment que ces deux hommes s’aiment parce qu’ils sont parvenus à un point de vérité, que leur rencontre se fait sur la révélation et l’acceptation de leurs faiblesses. » La grande
confirmation reste Bernard Campan que l’on ne verra plus jamais comme un « Inconnu ». Il y a quelques années, le magazine Première contenait une rubrique intitulée, « On
ne sait jamais comment ils s’appellent ». Pour qu’il n’en soit jamais plus ainsi, je signale que l’acteur remarquable dans le rôle du beauf et qui était déjà parfait en flic pourri dans
93 rue Lauriston a pour nom, Éric Prat.
Si belles soient-elles dans leur photographie, plusieurs scènes paraissent aussi inutiles qu’absconses en particulier celle
d’un quatuor de musiciens jouant dans une masure avec fougue et sérieux comme s’ils étaient à Pleyel ! Il reste à espérer que la réalisatrice éclairera nos lanternes dans un commentaire sur le
futur dvd.
Rien ne doit être gratuit dans un film, tout doit être au service des émotions, des sensations, des idées... que le cinéaste
veut faire passer par l’image. Mais que nous apporte le décor raffiné à l’extrême de l’intérieur de la maison d’Hugo (en complet divorce avec son extérieur) avec le sol transparent de la
mezzanine ? Sinon le plaisir d’admirer l’ange blond d’une nuit qu’Hugo a levé dans la boîte locale, un beau garçon nu en « vue de dessous », ce qui n’est pas banal mais très
cucul.
Paradoxalement pour un film qui se veut aussi « cinématographique », on a le sentiment que cette histoire, si bien
dialoguée, même si l’on pense un peu à Un petit jeu sans conséquences de Bernard Rapp, aurait plus sa place sur les planches que sur un écran de cinéma. C’est plus le théâtre de
Bernstein qu’elle nous rappelle que tout autre souvenir cinématographique et comme spectacle récent la pièce de Besset Les Grecs qui, elle aussi, mettait en scène l’homosexualité, dans
un milieu similaire à celui de L’Homme de sa vie.
Le premier film de Zabou Breitman avait pour titre Se souvenir des belles choses, ne nous souvenons que de celles-ci
dans ce deuxième film où il y en a beaucoup.
L’avis de Niklas :
Frédéric et Frédérique passent leurs vacances en famille dans un petit hameau. Un soir, ils invitent leur nouveau voisin, Hugo, à dîner en
compagnie de toute la petite tribu. Hugo leur apprend avec amusement qu'il est homosexuel. Et après que les deux hommes aient passé la soirée à discuter tardivement (ou plutôt matinalement), le
trouble va naître dans le cœur et dans la tête de Frédéric...
L'homme d'à côté par Zabou Breitman.
Le film à caractère homosexuel français est assez rare pour qu'on le note, surtout quand il n'est pas réalisé par Ozon ou Chéreau et qui plus
est, quand il l'est par une femme qui a tout de même décroché un petit César de réalisatrice pour Se souvenir des belles choses. Je précise au passage que je ne l'ai pas vu.
Ici, elle nous propose donc de suivre le bouleversement qui intervient dans la vie d'un homme après sa rencontre avec un autre qui mène une
vie à l'opposée de la sienne. Ce face à face hétéro en couple/homo célibataire est interprété par un Bernard Campan assez touchant et un Charles Berling parfait dans son rôle (comme toujours,
serais-je tenté de dire). À plusieurs moments, la réalisatrice fait preuve de subtilité là où je craignais qu'elle se vautre platement. Elle filme ce rapport ambigu avec beaucoup d'émotion,
mais développe trop en effets de style et pousse très loin ses personnages jusqu'à nous faire attendre et nous essouffler comme après un footing.
J'ai attendu, à tort peut-être, le moment où tout prendrait feu et exploserait alors que Zabou se contente de peindre des personnages (certes
elle le fait très bien) se perdant dans la confusion des sentiments. Elle, se reposant probablement sur le talent des comédiens (surtout Berling), n'offre rien d'autre qu'une histoire dont je
ne retiens au final que la beauté de quelques plans et la longueur d'un scénario qu'elle brode à force de répétitions sans grand intérêt. Dommage, mais pour moi si elle voulait raconter une
histoire d'amour, elle est passée à côté de son film.
Les seuls moments palpitants sont les discours de Berling sur le couple, mais probablement parce que je suis PD et que je pense globalement
comme lui.
Pour plus d’informations :
—
Commentaires