Mercredi 8 novembre 2006 – 00h24
J’ai du mal à trouver le sommeil. La lecture de nouvelles (des histoires, pas des news) qui me parlent me renvoie, par leurs sujets, à la vacuité de mon existence. Qu’ai-je fait de ma vie jusqu’à présent ? Pas grand chose qui vaille la peine qu’on s’en souvienne. Si je disparaissais demain, je sombrerais dans l’oubli le plus complet en moins d’un an.
Que vais-je faire du reste de ma vie ? Continuer à la regarder défiler avec passivité, et à dire oui à des choix qui ne sont pas les miens ? Ou oser, enfin, devenir et être MOI.
J’ai peur de m’endormir. Je voudrais que le sommeil me quitte pour toujours. Je voudrais arrêter de rêver, mais vivre mes rêves.
Je n’ai pas envie de dormir seul. J’ai envie de poser ma tête contre ton épaule, de sentir la chaleur de ton corps contre le mien. Je veux sentir ta chevelure noire caresser mon front et mes tempes. J’ai envie de m’évanouir dans tes bras comme la nuit s’évapore lorsque point l’aurore.
Je ne veux pas vivre sans toi.
J’ai beau être fatigué et las, je sais que je ne dormirai pas. Pas tout de suite.
Il me tarde de quitter ce lit inconfortable qui est mon pré rectangulaire depuis cinq semaines. L’exil prendra fin dans trois jours.
— Et nous reprendrons une vie normale.
Toi, peut-être, Irène, si tu le dis.
Moi, je n’ai pas une vie normale.
C’est une survie, ou plutôt une sous-vie, une non existence, et une longue absence. C’est une errance que je traverse en solitaire, dans laquelle je me sens, souvent, comme étranger à moi-même.
— Qui es-tu, Zanzi ? Qui est ce petit garçon qui pleure derrière toi ?
Il n’est pas derrière moi. Il est en moi. Quelle étrange captivité que la sienne. Petit garçon, je te sens pleurer et soudain tes larmes sont miennes. Il y a si longtemps que je t’ai laissé derrière moi, mais tu ne m’as jamais quitté. Pourrons-nous un jour nous retrouver ? Si seulement quelqu’un venait te libérer…
Cet après-midi-là, tu m’as regardé avec tes beaux yeux verts et tu m’as dit que j’avais un beau sourire. Et dans la pénombre de cette pièce, j’ai cru voir le ciel s’entrouvrir. J’ai tant envie de te revoir, toi qui, à travers les brumes de mon spleen, a pu distinguer les yeux rieurs et le sourire enfantin du petit Damien…
Pour lire le précédent épisode de Zanzi and the City, cliquez ici.
Syl.
Spleen
Quand le ciel bas et lourd pèse comme un couvercle
Sur l'esprit gémissant en proie aux longs ennuis,
Et que de l'horizon embrassant tout le cercle
Il nous verse un jour noir plus triste que les nuits;
Quand la terre est changée en un cachot humide,
Où l'Espérance, comme une chauve-souris,
S'en va battant les murs de son aile timide
Et se cognant la tête à des plafonds pourris;
Quand la pluie étalant ses immenses traînées
D'une vaste prison imite les barreaux,
Et qu'un peuple muet d'infâmes araignées
Vient tendre ses filets au fond de nos cerveaux,
Des cloches tout à coup sautent avec furie
Et lancent vers le ciel un affreux hurlement,
Ainsi que des esprits errants et sans patrie
Qui se mettent à geindre opiniâtrement.
-Et de longs corbillards, sans tambours ni musique,
Défilent lentement dans mon âme; l'Espoir,
Vaincu, pleure, et l'Angoisse atroce, despotique,
Sur mon crâne incliné plante son drapeau noir.
Baudelaire, Les fleurs du mal LXXVIII.
@ Marco : je n'avais pas l'intention de créer des dommages collatéraux et de saper le moral des autres. Désolé...
@ Syl : quelle gentille pensée, merci. Je regarderai la vidéo après mon retour d'exil.
@ "Pour vous Zanzi" : de l'art d'en rajouter une couche... ;-) Dénoncez-vous sans tarder ici : zanzi.blog@gmail.com
PS : c'est curieux comme on ne parle jamais des trois premiers spleens baudelairiens, celui ci dessus étant le quatrième et le plus célèbre...