[Ajout de nos amis de GayClic.com, 11/02/2007] :
« Bonjour,
je suis Frédérick Carles-Font, j'ai participé à la première de "J'ai une question à vous poser" sur TF1, lundi 5 février à 20h50, dont l'invité était Nicolas Sarkozy. Je suis "le gay habillé en noir" comme le résume un des commentaires de votre blog.
Hier, dans un train entre Metz et Luxembourg, un de vos fidèles lecteurs m'a reconnu et m'a parlé de votre site (que je ne connaissais pas) en me disant que vous recherchiez mon témoignage. Je l'en remercie encore. Me voilà donc!
Je tiens à vous faire part de mon ressenti et de ce que je retiens de cette expérience. J'éprouve ce besoin parce que je perçois un grand contraste entre ce que j'ai vécu d'une part et la manière dont les médias ainsi que les téléspectateurs ont perçu et commenté cette émission d'autre part.
Certains commentaires sont assez sévères à notre égard (je parle de Guillaume Coquet, "l'autre gay" qui m'a précédé, et de moi même). Et je trouve cela un peu injuste car les conditions étaient très difficiles et nous n'étions pas en position de force...
Je voudrais donc éclairer vos lecteurs sur quelques points précis et de manière très concrète afin de refléter une image plus proche de la réalité, telle que je l'ai vécue.
Pour commencer, il faut savoir que lorsque nous nous sommes installés sur le plateau, nous autres "panélistes" étions déjà épuisés. Mobilisés depuis 7h du matin, nous avons passé toute la journée à être trimballés de briefings en répétitions et de déplacements en assignations à résidence.
Il faisait très chaud sur le plateau. Nous avons attendu le début de l'émission près d'une heure avant qu'elle ne débute, tout en restant assis à nos places, sans pouvoir en bouger. Cela s'est déroulé comme si tout avait été fait pour nous "assommer" avant que monsieur Sarkozy n'entre en scène.
Par ailleurs, les téléspectateurs confortablement assis devant leur écran ne soupçonnent pas à quel point la pression et le stress sont énormes sur le plateau. L'émission était en direct (pas droit à l'erreur donc!), devant des millions de téléspectateurs (nous savions que l'audience serait forte), face à l'un des hommes les plus puissants et les plus médiatisés de France.
Contrairement à nous, le candidat UMP n'était pas limité dans son temps de parole. Nous n'étions donc pas sur un pied d'égalité. En ce qui me concerne, par exemple, j'avais de nombreux contre-arguments à opposer à sa réponse mais je devais le laisser étaler son discours bien huilé sans pouvoir riposter! Sans aucun droit de réponse. C'est terriblement frustrant...
Je pense que le fait de choisir 100 panélistes n'est pas innocent : comme tout le monde ne peut pas s'exprimer (nous sommes trop nombreux), on doit faire très court! C'est un excellent moyen de nous faire vite taire et de ne pas trop déranger le candidat. J'en ai fait les frais.
Avec le recul, j'ai réellement le sentiment d'avoir été instrumentalisé. Nous servions de faire-valoir au candidat, ce dernier ayant brillamment utilisé nos questions pour présenter et illustrer son programme.
Je tiens surtout à féliciter monsieur Sarkozy pour son époustouflante aptitude à la manipulation. Il est vraiment un grand professionnel de la communication. En effet, il a réussi à me décrédibiliser d'entrée en dénaturant mes propos et tout le monde est tombé dans le panneau! J'en veux pour preuve les réactions, tant dans les médias que dans mon propre entourage (même si tous ne sont pas dupes). J'en suis tout autant admiratif qu'âmer... Comment s'y est-il pris? Il a tout simplement transformé une de mes phrases de sorte que l'on a cru que je l'avais insulté. Ma phrase exacte était : "Vous êtes en faveur d'une législation ouvertement homophobe" et monsieur Sarkozy a réussi à faire croire au public que je l'avais directement traité d'homophobe. Il a pour cela adopté une posture de vierge effarouchée en montant sur ses grands chevaux : "Je ne permettrai à personne de me traîter d'homophobe!". Cela lui a permis de passer d'emblée pour une victime... et de s'attirer la sympathie et le soutien d'une large partie du public et des téléspectateurs. Pour beaucoup, je suis donc apparu comme un intervenant "agressif" voire intolérant qui a "insulté" le candidat UMP. Quel formidable retournement de situation! Magnifique pirouette qui, si elle manque d'honnêteté, excelle par son efficacité...
Finalement, je dirais que je suis satisfait de mon intervention. Car malgré son aspect un peu brouillon - face au maître du genre - elle a atteint son but : interpeller monsieur Sarkozy publiquement sur l'une de ses contradictions les plus flagrantes et les plus injustes et ce, devant des millions de Français. On ne peut pas prétendre lutter contre les discriminations homophobes et maintenir une législation totalement discriminatoire envers les citoyens homosexuels!
De plus, mon passage a été largement médiatisé et repris en boucle dans la plupart des J.T. de toutes les chaînes (et même au ZAPPING de Canal +), dans la presse, sur le web et même à la radio. C'est donc pour moi une franche réussite. PPDA n'avait pas prévu de laisser autant de place au thème des droits des homos... on a réussi à s'imposer malgré tout!
Suite à l'émission, un cocktail nous a été offert et, après le démaquillage, monsieur Sarkozy est venu nous serrer la main (très rapidement!). J'en ai profité pour lui dire que je n'avais pas terminé ce que je voulais lui dire et que je voulais le revoir, en face à face. Il a donc pris mes coordonnées et m'a promis de m'accorder un entretien personnel... Je vous tiens au courant, promis!
Mes amitiés ;-)
Frédérick Carles-Font »
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