par le Capitaine Martin Tremblay-Laflamme(*)
Jeudi dernier, j’ai reçu de Zanzi un bref courriel m’annonçant son retour au Nouveau-Monde : « arrive à Trudeau demain 12h15 LT, prépare équipement ». Je savais depuis quelques jours qu’il projetait de revenir en terre canadienne afin d’y planifier son installation dans le courant de l’été prochain. J’ignorais seulement qu’il l’aurait fait si vite. Il n’aurait pas dû.
J’ai connu Zanzi en juillet 2005, au cours de son premier séjour à Montréal. Pas tout à fait le premier, mais disons le premier de ce millénaire. Il était tout feu tout flamme et ne tremblait devant rien, ce qui nous amusait beaucoup par rapport à mon patronyme très « Nouvelle France ». Nous avons sympathisé tout de suite. Je le sentais très enthousiaste par rapport au Québec et aux québécois, il me répétait souvent que son rêve serait de s’installer ici.
Le mois dernier, il a obtenu de son employeur une mutation au Nouveau-Brunswick. Ce n’était pas tout à fait ce qu’il aurait voulu mais c’était le plus près de la destination envisagée. Je sais qu’il a hésité, mais une fois sa décision prise, il a voulu aller très vite. Trop vite.
Le vol Air Canada 871 s’est posé avec une minute d’avance. Ça ne pouvait que plaire à Zanzi, cette ponctualité légèrement devancée. Quand je l’ai récupéré après la douane, j’ai été frappé de le voir si blafard et les traits tirés, il n’avait pas l’air d’aller bien.
— Martin, c’est fini la France. Je suis quasi au bout du rouleau. J’espère au moins qu’ici je pourrais renaître.
Ainsi donc, ce que je lisais dans son spleen mcbealien n’était pas faux. Zanzi avait changé. Son visage s’était durci et ses yeux avaient perdu leur éclat fabuleux.
Au lieu de prendre la correspondance d’Air Canada pour Moncton, il a décidé de louer un Cessna 421 « pour survoler la nature ». « J’ai envie d’admirer la neige de près » m’a-t-il dit. Nous avons bavardé toute la soirée. Il n’avait pas jugé utile de prévenir ses cousins de son arrivée « pour ne pas les déranger ».
— Je repartirai déjà dimanche, je suis attendu à Paris lundi soir.
Le Cessna a décollé de Montréal samedi midi. Peu après treize heures, il a fait étape à Trois-Rivières. Il en est reparti à 14h30. À 15h15 il s’est posé à Québec. À 17h, Zanzi m’a téléphoné :
— Je repars dans dix minutes. Je passerai la soirée à Gaspé.
À 17h35, nouvel appel : « J’ai changé d’avis, je pousse jusqu’à l’île d’Anticosti. Je t’appellerai de là-bas ! »
Les écrans de contrôle ont perdu le signal de l’appareil entre les Monts Chic-Chocs et le détroit d’Honguedo. La neige tombait, le blizzard soufflait, la visibilité était réduite. Impossible de lancer des équipes de nuit sur les traces de Zanzi. La brève et fulgurante tempête qui s’est déclenchée hier vers 18h a cessé peu après minuit. Ce matin, les recherches ont commencé dans le paradis blanc…
Note :
(*) de la police montée canadienne de la MRC de Montcalm
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