Fiche technique :
Avec Kai Schuhmann, Friedel von Wangenheim, Ben Becker, Wolfgang Völz, Otto Sander, Meret Becker, Gerd Lukas Storzer, Olaf Drauschke, Monika Hansen et Tima die Göttliche. Réalisation : Rosa von Praunheims. Scénario : Chris Kraus & Valentin Passoni. Images : Elfi Mikesch. Musique : Karl-Ernst Sasse. Montage : Michael E. Shephard.
Durée : 100 mn. Disponible en VF et VO.
Résumé :
Fils d’un médecin juif, Magnus Hirschfeld (1868-1935) (Friedel von Wangenheim) entreprend des études de médecine en 1888. Il est révolté que la science tienne l’homosexualité pour une maladie et une perversité. Son diplôme obtenu, il ouvre son cabinet. Une expérience traumatisante, le suicide de l’un de ses patients, incapable de révéler son homosexualité à ses parents, le pousse à agir.
Hirschfeld écrit Sapho et Socrate et fonde en 1897 un comité scientifique militant pour la dépénalisation de l’homosexualité, l’abrogation du fameux paragraphe 175. La pétition en faveur de la révision du Code pénal est signée par de nombreuses personnalités, mais le projet de loi présenté au Parlement est rejeté.
Il fonde un institut de recherche sur la sexualité. C'était alors un champ de recherche encore inexploré. Des personnes de toute l'Europe le consulte au sujet de leurs propres problèmes sexuels, dont un jeune aristocrate autrichien, le baron Hermann von Teschenberg (Gerd Lukas Storzer), qui devient son ami et son principal soutien financier. De son côté, le préfet de police de Berlin (Wolfgang Völz) s’intéresse aux travaux de Hirschfeld. En sa compagnie, il découvre incognito les milieux homosexuels de la capitale. Cette évolution inquiète von Teschenberg : craignant de devenir l’objet d’un chantage, il fuit à l’étranger…
L’avis de Bernard Alapetite (Eklipse) :
Sous ce titre imbécile, même si « Einstein du sexe » est le surnom que donnèrent à Magnus Hirscheld des journalistes américains durant son séjour à Los Angeles, se cache une biopic d’un des pères de la sexologie et le grand-père de tous les activistes gays de par le monde. Mais ce film est un bien mauvais coup porté au grand homme et à tout le mouvement gay, tant il n’échappe que rarement au grotesque.
La vie d’Hirscheld, plus sa vie privée que son combat pour la reconnaissance des amours homosexuels, est débitée en une série de vignettes sensées être « kolossalement » signifiantes, jouées façon patronage ou cabaret teuton. On y découvre ainsi son amour non consommé avec le Baron von Teschenberg, les longues et heureuses années passées en compagnie de Karl Giese (Olaf Drauschke), la controverse qu’il entretient avec cet autre figure de la défense des homosexuels qu’est Adolf Brand (Ben Becker) chantre de la beauté physique de la jeunesse allemande ou encore la présence de son ami et ange gardien, le travesti Dorchen.
Les acteurs surjouent chaque scène et font des mimiques que l’on aurait déjà trouvées outrées au temps du cinéma muet. Seul Olaf Drauschke, qui interprète l’ami d’Hirsheld, apporte à la fin du film émotion et vérité qui empêchent un naufrage artistique complet. Cela est d’autant plus regrettable que le film se base sur une recherche historique sérieuse et complète, bien illustrée par les inserts judicieux d’images d’archives qui ponctuent le film et nous restituent cinquante ans d’histoire allemande qui servent de décor à cette tragédie. Car la vie d’Hirscheld, comme l’histoire de son pays, est une tragédie. Ainsi, on ne comprend pas du tout le parti pris choisi par Rosa von Prauheim de faire jouer les acteurs sur un ton primesautier et égrillard en complète contradiction avec ce qu’ils nous racontent. Il est curieux de voir combien une certaine Allemagne, terrifiée par un retour possible du nationalisme, éprouve une sorte d’extase à cracher sur son pays car l’Einstein du sexe nous montre un pays qui, de 1880 à 1935, n’est peuplé que de veules abrutis toutes sexualités confondues. Même le kitsch ne peut pas cautionner une scène franchement antisémite, bien sûr involontaire, lorsque l’oncle et la tante du jeune Magnus rechignent à lui payer ses études, une séquence qui n’aurait pas déparé dans les pires films de propagande nazie. Le spectateur attentif pourra se distraire la rétine grâce à de très fugitifs beaux garçons nus dans des galipettes champêtres assez croquignolesques.
Rosa von Praunheim, de son vrai nom Holger Mischwitzky (c’est au milieu des années 60 qu’il a adopté le nom d'artiste Rosa von Praunheim), est né à Riga (Lettonie) en 1942. Il a commencé à tourner au début des années 70 des courts métrages expérimentaux. Il a réalisé en trente ans plus de cinquante films et téléfilms, surtout des documentaires, dont presque tous ont un rapport plus ou moins lointain avec l’homosexualité, dont les récents Rosa, tu crains ! (2002), Fassbinder et les femmes (2000). Toute son œuvre reste marquée par l’underground et l’esthétique des années 70, ce qui la rend difficilement regardable aujourd’hui.
Der Einstein des sex est tout de même instructif mais artistiquement bien triste.
Pour plus d’informations :
Site du réalisateur
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