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Fiche technique :
Avec Michel Blanc, Emmanuelle Béart, Sami Bouajila, Julie Depardieu, Johan Libéreau, Constance Dollé, Lorenzo Balducci, Alain Cauchi, Raphaëline Goupilleau, Jacques Nolot, Xavier Beauvois et Maïa Simon. Réalisation : André Téchiné. Scénario : Laurent Guyot, André Téchiné et Viviane Zingg, d’après le roman de Jamil Rahmani et Michel Canesi. Directeur de la photographie : Julien Hirsch. Musique : Philippe Sarde. Montage : Martine Giordano. Décor : Michèle Abbe. Costumes : Radija Zeggai.
Durée : 115 mn. Disponible en VF.


Résumé :

Été 1984, Manu (Johan Libéreau), un jeune homosexuel insouciant de vingt ans débarque à Paris de son Ariège natale. Il vient chercher du travail. Le garçon squatte provisoirement la chambre d’hôtel borgne de sa sœur Julie (Julie Depardieu), une fondue de chant. Elle suit une formation de chanteuse lyrique. La cohabitation est difficile ; Julie s'efforce de maintenir une distance avec son frère envahissant. Manu sort beaucoup la nuit... Un soir de drague dans les jardins du Trocadéro où les mecs tournent, se frôlent, se sucent dans une noria incessante, il rencontre Adrien (Michel Blanc), un médecin gay quinquagénaire, extraverti et cultivé qui s’éprend de lui et avec lequel il sympathise. Il ne se passera rien de sexuel entre eux mais Adrien fait  découvrir au garçon le style de vie de son milieu.
Invité par un couple d’amis dans une belle villa au bord de la Méditerranée, Adrien emmène Manu avec lui et le présente à ce couple atypique de jeunes mariés, composé de Mehdi (Sami Bouajila), inspecteur principal de la Mondaine, et de Sarah (Emmanuelle Béart) qui écrit des livres pour enfants.
Ils vivent une grande liberté sexuelle, mais l’équilibre du couple est perturbé par la récente naissance de leur enfant. Manu et Mehdi vont être irrésistiblement attirés l’un par l’autre et vivre clandestinement leur liaison. Le jeune homme s’éloigne d’Adrien...

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Dans le même temps, Sarah refuse une maternité qui, croit-elle, menace sa féminité. Elle ne parvient pas à aimer son enfant, « livré sans mode d’emploi » dit-elle, et traverse une panne d’inspiration littéraire.
L’irruption de Manu dans la vie des autres protagonistes est un tremblement de terre qui va bouleverser leur paysage relationnel. Sans le vouloir, sans le savoir, Manu révèle les désirs de chacun.
Puis un jour, il chope une drôle de maladie, pour laquelle la médecine va bientôt confesser son impuissance. « Les gens ne le savent pas, mais c'est la guerre » affirme Adrien. Médecin des Hôpitaux de Paris, il est en première ligne pour savoir qu'une nouvelle maladie est apparue et se répand, notamment chez les homosexuels. Il va récupérer Manu ; le soigner et l’aider à combattre le mal.
L'arrivée de l'épidémie du sida, maladie perçue alors dans les médias et l'imaginaire collectif comme une peste moderne et honteuse, puisqu’elle n’atteindrait que les homosexuels, va chambouler ces tranquilles destins particuliers. Chacun va devenir acteur et témoin d'un drame contemporain, où ceux qui ne mourront pas en ressortiront peut-être plus forts, mais en tout cas marqués pour le reste de leur vie.
Toute l’histoire est racontée par Sarah, qui fait de Manu le sujet de son premier roman pour adultes qui se déroule entre l’été 1984 et l’été 1985 à Paris et sur les rives de la Méditerranée.

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L’avis de Bernard Alapetite :
On sort de la salle remué et, pour les rescapés de cette époque, avec tout un tas de mauvais souvenirs qui remontent à la surface du gouffre de la mémoire dans lequel on les avait cru ensevelis pour toujours. Mais surtout on est en colère contre le cinéaste qui par manque de rigueur et, osons le dire, de travail est passé à côté du grand film sur le sida, mot jamais prononcé durant tout le métrage, que l’on attendait et qu’il nous laisse parfois entrevoir.
Manque de travail d’abord sur le scénario qui nous apparaît presque comme un premier jet avant l’indispensable émondage du superfétatoire. Pourtant, non seulement il est inspiré d’un roman de Jamil Rahmani et Michel Canesi, Le Syndrome de Lazare, aux éditions du Rocher, mais ils se sont mis à trois, Laurent Guyot, André Téchiné et Viviane Zingg pour le concocter. Ce qui n’empêche pas nombre de scènes inutiles comme celles attachées au folklore désuet de l’hôtel de passe et du bar à putes, pas toujours les plus mal réalisées, à l’instar de celle de la danse de l’inévitable prostitué au grand cœur sur un tube des Rita Mitsouko de l'époque : Marcia Baïla, un titre sans doute pas choisi au hasard car ce morceau évoque une autre maladie grave, le cancer, qui emporta la jeune chorégraphe Marcia Moretto dont il est question dans cette chanson. Ce sous texte est typique de la méthode Téchiné qui consiste à toujours plus alourdir la barque de détails, parfois incongrus, si bien qu’à la fin son film prend l’eau de toutes parts. Autre fâcheux exemple, le procédé éculé qui consiste à faire raconter une partie de l’intrigue par un auteur qui écrit l’histoire de ce que l’on voit sur l’écran et dont la lourdeur est aggravée par la platitude du texte, lu en voix off par celle bien peu mélodieuse d’Emmanuelle Béart.

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Alors qu’il faut au contraire resserrer un scénario pour le concentrer sur l’intrigue principale et sur quelques personnages que l’on aura soin de faire intervenir tout au long du récit, Téchiné fait tout l’inverse en multipliant des apparitions anecdotiques qui n’ont pas le temps de s’imposer, comme le patron du camping (Alain Cauchi) dont on ne comprend pas la nature de la relation qu’il entretient avec Manu, ou celui de la mère de Sarah (Maia Simon) qui parait n’être amenée que pour énoncer sa phrase définitive sur l’existence.
Certaines séquences frôlent le ridicule, en particulier celle du sauvetage de Manu de la noyade par Medhi (grosse ficelle scénaristique) ; ceci malgré les belles images sous-marines de Julien Hirsch, excellent chef opérateur du Lady Chatterley de Pascale Ferran, que Téchiné retrouve après Les Temps qui changent. Hirsch propose souvent des décadrages audacieux dans des images où l’orange est la couleur dominante, couleur solaire omniprésente dans la première partie, « Les jours heureux », qui malheureusement, « bénéficie » d’un montage haletant, si bien que le regard n’a pas le temps de se poser (heureusement, cela évite que l’on s’attarde sur les nombreux anachronismes, j’y reviendrai). Le spectateur est submergé par la masse d’informations qu’assène cette suite de scénettes hétérogènes d’une qualité très inégale, montées bout à bout sans aucune fluidité, à la hache comme s’il fallait dévorer la vie à toute vitesse, puis le film s’installe progressivement, se pose, dans un climat et une construction rappelant Les Innocents et Les Voleurs. On a connu Martine Giordano, pourtant monteuse habituelle du cinéaste, mieux inspirée.

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Manque de travail aussi sur les personnages, les adversaires du naturalisme vont être ravis, car Téchiné ne s’est pas embarrassé de psychologie, pas plus que de vérité sociologique, ni même parfois géographique. Si bien que l’on a beaucoup de mal à croire à certains caractères, trop romanesques, au mauvais sens du terme. Il faut admettre, pour adhérer un minimum au film, que nous sommes devant un conte, habité par des êtres dont beaucoup n’ont ni épaisseur, ni vérité. Ils n’existent pas hors la temporalité du film. On ne sait pas par exemple si Medhi a couché avec d’autres garçons que Manu... On ne peut pas savoir s’il en connaîtra d’autres après lui, tant sa personnalité est floue. Toutefois Téchiné est cohérent avec lui-même puisqu’il déclare à Têtu : « Je ne voulais pas que le projet prenne la forme classique d’un documentaire objectif, réaliste. Je voulais que le film puisse s’apparenter à un conte, un conte pour adulte averti avec des moments d’enchantement mais aussi de violence... J'ai fait le film par devoir de mémoire envers des amis qui ont disparu dans ces années-là, et parce que comme beaucoup de gens de ma génération j’ai eu le sentiment, en passant entre les mailles du filet, en échappant au sida, qui apparaissait dans ces années-là, d’avoir en quelque sorte échappé à mon destin. Cela a fondé la nécessité d’en parler et de raconter cette histoire. C’est peut-être disproportionné de comparer ce drame au sort des hommes et des femmes qui ont pu éviter la déportation, mais il y avait à ce moment-là, également, une question de vie ou de mort en jeu, un effet de destin partagé... » Ces mots font immédiatement naître en moi deux questions : A-t-on envie de voir un conte sur la shoah ou sur le sida et a-t-on même le droit de traiter ces tragédies par ce biais ? Ma réponse, qui me semble nourrie par une éthique élémentaire, à ces deux questions est non. Il n’en reste pas moins qu’il était courageux et noble de s’embarquer dans l’aventure des Témoins.

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Il n’est pas nécessaire d’être un grand scénariste pour savoir que l’exceptionnel est à introduire dans une histoire à dose homéopathique si l’on veut qu’elle reste crédible. Et que voit-on dans Les Témoins ? Que des personnages sortant du commun : en 1984, un inspecteur de police d’origine maghrébine, de surcroît bisexuel, est bien improbable. Il faut tout l’immense talent de Bouajila pour que l’on puisse y croire un peu. Que cet homme épouse une écrivaine, voilà qui est encore plus problématique ; que cette dernière, alors qu’elle écrit pour les enfants, ne parvienne pas à aimer son nourrisson est un cas bien extraordinaire, sujet qui aurait à lui seul mérité tout un film. Autant d’extravagances que Téchiné introduit dans son scénario comme autant de faux-semblants qui lui évitent de se colleter d’emblée avec son vrai sujet : l’émergence du sida, trop douloureux pour lui comme il l’explique (voir ci-dessus sa déclaration à Têtu).
Le cinéaste, en reprenant son personnage récurrent de jeune paumé monté du sud-ouest à Paris dont on ne voit pas à quel brillant avenir il pourrait prétendre, affaiblit la charge émotionnelle de son film, laissant penser que seuls les marginaux étaient touchés par le fléau, alors que la plupart des victimes étaient des garçons bien intégrés dans la société dont on pouvait espérer qu’un fécond demain les attendait.

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Si Les Témoins ne parvient pas à imposer ses héros, en revanche le film montre bien la liberté des mœurs d’alors qui permettait d’expérimenter plusieurs relations, d’une façon harmonieuse, sans honte et sans mise au point. Cette diversité des expériences affectives et sexuelles pouvait se vivre sans culpabilité. On est loin de ce qui se passe aujourd’hui avec le règne du puritanisme et de la pornographie qui sont les deux faces de la même médaille. Pour les jeunes spectateurs, la scène de drague au Trocadéro, avec ses grappes d’hommes copulant dans les buissons, tout de même bien surpeuplés, dans la vision proposée par Téchiné, paraîtra surréaliste, et pourtant... Le film décrit avec justesse comment le virus du sida provoque, d’abord aux États-Unis, puis en France, un rejet de la communauté homosexuelle et combien le dépistage et la prévention auront du mal à se mettre en place face à la panique stigmatisante ambiante par des documents filmés d’époque qui, malheureusement s’intègrent mal à la trame romanesque du récit. Il illustre aussi ce qu’était l’état d’esprit du grand public face à l’épidémie à cette période, quand le jeune Américain venu à Paris pour faire la connaissance des parents de son ami décédé du sida, dit son désarroi à Adrien devant leur refus de le rencontrer. État d’esprit que résume bien Michel Blanc en une anecdote confiée au Nouvel observateur : « Je me rappelle avoir été bouleversé, au début de l'épidémie, par la réaction d'une femme de 45 ans qui faisait le ménage dans un club de sport où j'allais : cette femme, qui passait son temps à nettoyer les douches au milieu de mecs à poil, me disait qu'elle était malade, qu'elle devait se faire opérer, et que le sida, après tout, c'était bien fait pour ceux qui l'avaient. Les victimes de la société condamnant d'autres victimes, c'est quelque chose d'épouvantable. »
Téchiné n’a pas fait l’économie d’une réflexion sur l’histoire et la société comme le prouve cette déclaration : « Le film est comme tous les films, il pose des questions sur le bien et le mal. Et le bien et le mal, aujourd’hui, qui le décide ? La médecine et la justice. Je crois qu’à partir du sida justement, la médecine a capitulé par rapport à la morale, donc il ne reste que la justice, et son bras exécutif qu’est la police. C’est peut-être pour cela que les personnages du médecin et du policier se sont imposés avec évidence dans cette histoire. » Et sur la situation actuelle du cinéma : « Le sujet fait peur, il n'est pas commercial. C'est une des grandes différences entre Hollywood et la France : là-bas, les grands traumatismes nourrissent le cinéma, alors qu'ici la tendance est à les enfermer. C'est ainsi par exemple que je n'ai jamais réussi à monter mon film sur l'Algérie. » Malheureusement cette peinture juste d’une époque est mise à mal par le constant anachronisme sociologique des personnages. Le réalisateur a donné à ses créatures de 1984 la mentalité des bobos de 2006 d’où le hiatus permanent entre leurs agissements et le paysage social dans lequel ils évoluent.
Et puis comme souvent chez Téchiné, des erreurs de détail gênent la concentration du spectateur, erreurs imputables plus à l’équipe de tournage, assistants, scripte qu’au metteur en scène quoique bien s’entourer est aussi un grand talent... Par exemple, juste après le premier panneau « 1984 », on a un plan de rue, avec le gros logo bleu LCL... ou encore ces innombrables automobiles dans des paysages, censés être de 1984, de modèles sortis bien après cette date comme ces Twingos arrivées qu’en 1993 ! Autant d’impairs qui sont difficilement pardonnables de la part d’un cinéaste aussi chevronné. Bourdes qu’il était possible de corriger à la post-production. Pourquoi n’est-ce pas le cas ? Faut-il rappeler qu’un film ne se termine pas au dernier jour de tournage ?

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La clé du titre est donnée par Sarah, jouée par Emmanuelle Béart, qui est la narratrice de cette histoire, lorsqu'elle affirme qu'ils sont « tous des témoins du passage de Manu », atteint du sida, parmi eux.
En ce qui concerne les comédiens disons, pour être gentil, qu’ils font des prestations inégales. On ne comprend pas bien pourquoi Emmanuelle Béart, horripilante comme souvent, avec un jeu se résumant à la crispation des maxillaires, se trimbale à poil durant la plupart de ses scènes, sinon pour que l’on constate que le temps a été plus aimable pour son cul et ses seins que pour son visage...
Je ne sais plus pour quel film un journaliste (je revendique le droit du chroniqueur à l’imprécision) constatait, à propos d’une saga mettant en scène les membre d’une famille juive, qu’aucun des acteurs les incarnant n’étaient juif ; il ajoutait que pourtant la profession ne manquait pas d’acteurs juifs talentueux. Je précise que le-dit journaliste était juif lui-même. Je me dis, mais peut-être que je rêve un peu, qu’il doit bien y avoir des jeunes acteurs gays qui auraient été fiers de jouer le rôle de Manu. Je sais bien qu’être acteur c’est justement interpréter ce que l’on n’est pas. Mais je suis exaspéré par ces jeunes acteurs qui jouent le rôle d’un gay et dont les premiers mots à toute interview sont : « Je ne suis pas gay ! » Ce que je peux confirmer à propos de Libéreau, pour être passé sur un tournage où il sévissait et où il semblait filer le parfait amour avec la scripte (pourquoi ne pourrais-je pas faire mon Voici, zut alors ! Il n’y a pas que Zanzi sur ce blog pour être mauvaise fille !). L’interview en question est insérée dans un article laudateur de Ciné live dans lequel Johan Libérau est qualifié d’inoubliable par Xavier Leherpeur qui ajoute que : « subitement l’écran est devenu bien étroit pour accueillir son élégance féline et son sourire lumineux. » Encore une pauvre fille qui se rend malheureuse et qui doit avoir un chien pour faire une comparaison entre Libéreau et un chat ! Je me souviens aussi, pour avoir discuté avec des directeurs de casting, dont celui de Téchiné, pour avoir assisté à plusieurs castings et enfin pour en avoir fait moi-même, que le regard chez un acteur est prépondérant et à voir celui de Johan Libéreau, on se doute bien que ce dernier n’a pas inventé la pelle à charbon...
Au-delà du choix de Johan Libéreau que j’estime malheureux, tout de même moins que celui naguère de Manuel Blanc dans J’embrasse pas, un détail a frappé mon tympan, plusieurs fois : au détour d’une réplique j’ai entendu l’accent « d’jeune » bien connu aujourd’hui mais inaudible en 1984, je ne dirais donc rien du fait que Manu débarque de l’Ariège... Je suis conscient ici de soulever un tabou, l’irruption dans la société française d’un accent qui n’est plus régional mais social, un accent de classe qui stigmatise les locuteurs d’un français qui le colore de cet accent. Triste nouveauté dans notre république de ce qui était une particularité peu enviable de la Grande-Bretagne.
Bouajila réussit le tour de force de faire croire à ce flic complètement improbable, à être juste, sauf dans les premières scènes avec Emmanuelle Béart, mais qui le pourrait tant elles sont mal écrites, dans des situations aussi variées qu’incongrues. On savait depuis longtemps qu’il était un des tout meilleurs acteurs de sa génération, il le confirme une fois de plus.
Adrien, joué par Michel Blanc, est le seul rôle vraiment crédible et fouillé du film, peut-être parce qu’il est en grande partie l’alter ego de Téchiné. L’acteur est parfait, faisant bien ressortir les contradictions de l’homme, comme les dénonce Medhi dans la très bonne scène de dispute dans la voiture.
Mais la vraie révélation des Témoins c’est Julie Depardieu qui en quelques apparitions fait que la sœur de Manu, pourtant bien artificielle, existe.

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Le plus extravagant à propos de ces personnages dont la véracité est des plus problématique, est que Téchiné en donne les clefs : Manu serait inspiré par Michel Béna qui fut son assistant et surtout réalisa un très beau film, Le Ciel de Paris ; quant à Adrien, il serait nourri par Daniel Defert. J’ai eu (encore ! excusez-moi de mon parisianisme) l’occasion de croiser, il y a quelques années, ces deux personnes et je ne vois absolument pas le rapport entre elles et les êtres que l’on voit à l’écran, ce qui n’a aucune importance en soi, mais alors pourquoi donner des clés qui n’ouvrent aucune porte ?
Si vous êtes attentifs, vous repérerez quelques guest stars dans de petits rôles, le patron de l'hôtel : Jacques Nolot, l'éditeur : Xavier Beauvois, quelques plans leur suffisent à donner de l’épaisseur à ces silhouettes. On aperçoit aussi Jean-Marie Besset en  régisseur de théâtre.
Pendant longtemps la figure de l’homosexuel a hanté le cinéma de Téchiné sans pouvoir s’avancer dans la lumière, ce fut une drague sur un quai dans Hôtel des Amériques, la confession à demi-mot de l’homosexualité du héros à son frère dans La Matiouette, la passion d’un père de famille pour un bel arabe dans Les Innocents, la prostitution du héros de J’embrasse pas et son amitié avec un vieil animateur de télé gay... Puis en 1994, à la surprise générale, le timoré Téchiné fit son coming-out cinématographique avec Les Roseaux sauvages. Ensuite, on continuera de croiser des homos dans son œuvre : Catherine Deneuve et Laurence Côte dans Les Voleurs, Mathieu Amalric dans Alice et Martin, Gaël Morel dans Loin, Malek Zidi dans Les Temps qui changent. Dans Les Témoins comme dans Les Roseaux sauvages, les gays sont le sujet même du film mais alors qu’auparavant ils étaient relégués aux rôles d’accessoires décoratifs, ils semblent cette fois entravés par le romanesque.
On comprend bien qu’il était difficile à Téchiné d’aborder l’irruption du sida, lui-même comme tous les gays de sa génération se sentant comme injustes survivants. C’est un sentiment, ayant connu également cette période, que je partage et ressens presque chaque jour.
La gestation d’une telle œuvre est moralement compliquée et douloureuse. Quant à son financement, il est périlleux car il faut de la témérité pour entreprendre aujourd’hui un film sur ce sujet et cette époque à un moment où le cinéma est formaté en raison de son financement à 80 % par les télévisions qui sont toutes (plus ou moins) les parangons de la France moisie. Peut-être que le vrai scandale de ce film est qu’il soit courageux de le faire.
On attend toujours le grand film sur le sida, Les Témoins n’est pas celui-là. Mais malgré ses défauts, il est urgent que ceux qui ont aujourd’hui 16, 20 mais aussi 25 voire 30 ans et qui n'ont pas connu cette période (que nous, les rescapés, nommons les années enchantées) voient Les Témoins, témoignage sincère mais parfois maladroit d’une tragédie. À la fin du film, la mère de Sarah dit à sa fille : « c'est un miracle d'être vivant », ne l’oublions jamais.

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L’avis de Matoo :
Un film de Téchiné qui évoque les premières années Sida, avec un casting de rêve et une affiche closerienne assez mal venue, forcément ça donne envie d’aller se faire son idée. Histoire de se rendre compte du jeu des comédiens, mais aussi du traitement des événements, de la manière dont Téchiné rend cela avec sa sensibilité et son regard. Je ne suis pas déçu du résultat, j’ai bien aimé, même si je n’en ressors pas complètement convaincu et conquis.
Déjà, une chose est à saluer, le film n’est pas un docu-fiction sur le Sida en 1984. Il s’agit avant tout d’une histoire originale et à l’intrigue bien goupillée, et dont la maladie vient donner le prétexte à des « ruptures » intéressantes dans la narration. Je ne diminue pas non plus l’importance du film dans son rôle « témoin » (justement !), car il a aussi ce mérité de nous resituer en 1984-1985, et de rappeler cette période très étrange, entre chien et loup, où l’on commençait tout juste à réaliser ce qu’était le virus. Ensuite, j’ai vraiment trouvé les comédiens excellents et bien dirigés, avec un plus pour Michel Blanc et Emmanuelle Béart. Cette dernière est excellente, et très belle, malgré son bec de canard (nan mais vraiment elle ressemble à Daffy Duck avec ses lèvres collagènées) qui ne l’empêche presque pas de s’exprimer normalement.
Nous sommes en 1984, Sarah (Emmanuelle Béart) et Mehdi (Sami Bouajila) viennent d’avoir un bébé, et forment un beau couple libéré. Chacun peut aller voir ailleurs sans que l’autre n’en soit gêné. Le meilleur ami de Sarah, Adrien (Michel Blanc), un médecin d’une cinquantaine d’années, rencontre un jeune homme, Manu (Johan Libéreau, très charmant sans être d’une beauté fatale ou parfaite) dans un lieu de drague et s’en amourache. Manu vient de débarquer de province, et squatte la chambre d’hôtel (de putes), où sa sœur (excellente Julie Depardieu) vivote en attendant de gagner sa vie comme chanteuse lyrique. Adrien présente Manu à ses amis…

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Le film est en trois parties qui sont clairement intitulées, et sont trois périodes distinctes. Ainsi la toute première, qui dure un certain temps, n’évoque absolument pas la maladie. Il s’agit plus d’une préparation au drame, une mise en scène délicate et joliment orchestrée, aussi parcimonieuse que la rupture sera tranchante. Car le film démarre comme une histoire d’aujourd’hui, et sans l’intervention du Sida, on aurait une suite qui ne serait pas du tout la même. Ensuite c’est la maladie qui se déclare, et les relations qui volent en éclats, les personnalités qui se révèlent ou s’affirment, et des paradigmes qui changent, des morts prématurées à accepter. Étrangement, le film se passe plutôt en frange de l’épidémie, et il ne fait qu’évoquer cela dans l’engagement militant d’Adrien, le médecin pédé qui lutte tout de suite contre le fléau.
J’ai beaucoup aimé le personnage d’Adrien dans ce qu’il a de plus ambigu et réaliste. Car on devine sa personnalité en quelques traits et quelques minutes, lorsqu’il s’éprend ainsi du jeune Manu et se jette à corps perdu dans une relation vaine. Il s’investit pleinement dans la lutte, autant pour combattre la maladie, que pour y gagner une certaine reconnaissance, et oublier sa misère sexuelle et sentimentale (même si un retournement de situation change cela à la fin). Le film est très homo dans ses intrigues, et il ne manquera pas de toucher la communauté pédé.
Le film est plutôt bien ficelé, mais tout de même il manque quelque chose pour en faire une vraie réussite. J’ai été sans cesse gêné par des maladresses ou des petits agacements que je ne pensais pas avoir pour un réalisateur avec une telle expérience. Ok c’est un film français, et on peut du coup plus se concentrer sur un ressenti plutôt que sur un jugement totalement formel. Mais là, il y a aussi quelques moments qui battent de l’aile, et, comme le blogueur Orphéus le notait, faisaient penser à un premier (bon) film.
Ces points formels que j’évoque et qui m’ont un peu déçu, c’est sur l’évocation des années 80. À part quelques éléments vestimentaires ou de look, comme une coiffure, un blouson, ou la bagnole du héros, tout le reste n’est absolument pas dans le même ton. Alors je sais bien que ce n’est pas un blockbuster, et que l’objectif n’était pas de rendre l’époque à la perfection. Mais tout de même, les twingos garées dans les rues, les vues sur la tour Saint-Jacques avec ses échafaudages, ou les draps de l’hôpital avec « 2006 » inscrit, je pense que ça aurait pu facilement être évité. J’aurais été beaucoup plus « dans le truc » avec un film qui se donne beaucoup plus les moyens pour nous mettre dans l’époque (à part le clip des Rita qui déchire, évidemment !).
Le thème musical est extrêmement redondant, et j’en ai reconnu les premières notes (évidemment) puisqu’il s’agit d’un morceau de Philip Glass. J’ai été assez gêné comme je l’avais été dans The Hours puisque c’est encore une fois une reprise d’une œuvre existante (« Metamorphosis » pour The Hours), remaniée pour le film. Là, clairement c’était un extrait de Satyagraha : « The Protest », dont on entend que le début et avec des instruments différents. Cette réutilisation a été assez parasite pour moi car j’ai du mal à en entendre une version pareille, même si ce n’est pas mauvais, et mon oreille s’attend toujours à autre chose.
Donc vous voyez, j’ai aimé, mais ce n’est pas non plus l’extase…
Pour plus d’informations :

 

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