C’était hier, il y a deux mille ans. C’était il y a deux ans. J’avais encore les yeux éblouis par les mirages de Zanzibar, ce carrefour
unique de l’Afrique, de l’Arabie et des Indes. Mon cœur était resté sur l’île d’Ujunga, tout imprégné des senteurs épicées des ruelles multicolores de Stone Town dont les accents bariolés
me rappellent ceux de La Havane.
C’est alors que je t’ai croisé dans la réalité virtuelle de l’univers internautique. Comment oublier ce matin printanier où le temps
s’est arrêté ? À travers les gigaoctets et le flux de la Toile, tout me conduisait vers toi, et tout te conduisait vers moi. Quelques mots échangés en swahili initièrent la magie
qui, instantanément, s’opéra entre nous. Tu m’appris que ta mère était native de Zanzibar, que tes parents avaient vécu en Tanzanie et que toi, mon prince du désert, avait vu le jour en
Oman, ce sultanat des sables aux confins de l’Arabie et des Émirats. Là-bas, il y a une ville qui porte ton nom : Al Kâmil. Kamil, ce printemps-là, fut pour moi le plus doux des
prénoms. Comment expliquer cet amour qui naquit entre nous au fil de ces jours ? Tu disais que c’était le destin, le mektoub maghrébin, le kismet ottoman, une heureuse fatalité qui
nous réunissait, et que les flèches de Cupidon avaient frappé ton cœur en voyant mon image.
Modèle : Kamil Al-Hinai - © Anthony Giorgio for
Mondella
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Et moi, je me suis mis à rêver à l’impossible. J’essayai de percer le mystère des signes que les dieux nous envoyaient. Il ne pouvait y
avoir de hasard. Un tel faisceau de concordances ne pouvait avoir qu’une seule signification : nous étions promis l’un à l’autre depuis la nuit des temps. Le sable brûlant qui
s’écoule dans la clepsydre des âges ne tendait qu’à cette finalité : nous réunir pour l’éternité.
Pourtant, ce n’est pas sous le soleil de Mascate que nous nous sommes rencontrés, mais sous les brumes de Londres. Un parfum d’Empire
dans une ville cosmopolite, l’ombre de Kipling sous le manteau de la reine Victoria, les multiples visages du Commonwealth et soudain, le tien comme une apparition céleste. Tes traits
réguliers, la douceur de ton regard, la perfection de ta bouche, le hâle de ta peau… je n’avais jamais rien vu de plus beau. Lorsque tu m’as embrassé, j’ai fermé les yeux et me suis
laissé embarquer pour Cythère.
Dans ton appartement éclairé par des bougies parfumées, l’Orient a déployé ses fastes pour recréer les charmes du désert. Une oasis
sortie des sables, une tente de nomade plantée au pied de la dune sous les reflets argentés de la lune… tel était le décor féerique de notre amour naissant. La nuit tombée, ton doux
visage s’est nimbé d’un rayonnement surnaturel. À cet instant, je n’ai plus respiré que par ton souffle. Je me suis désaltéré au ruisseau de ta bouche, nourri de ton corps, vêtu de ta
peau.
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Mais les mauvaises fées et les djinns sont jaloux du bonheur des mortels. Usant de leurs funestes sortilèges, ils se sont acharnés sur
le nôtre, brouillant nos esprits et nos cœurs. Le ciel de notre amour s’est obscurci à la faveur d’un éloignement qui devait n’être que temporaire. Toi à Londres et moi à Paris, là
résidait notre faiblesse. Si vite, je t’ai perdu. Il n’a suffit que d’une lune aux démons du passé pour transformer un au revoir en adieu.
Longtemps, très longtemps après ton départ, j’ai humé les précieuses essences de ton parfum d’orient. Prisonnier de ton charme, je
m’enivrais inlassablement de leur odeur magique. Car tu étais l’Amour, et je t’appartenais. Et puis, un beau matin, je me suis aperçu que le flacon était vide. Il n’y avait plus de
parfum, il n’y avait plus de larmes, n’était-ce une senteur résiduelle au fond de ma mémoire. Enfin, je pouvais contempler ton souvenir avec sérénité et me tourner vers l’avenir.
L’amour, pour toujours, est mon maître, et je suis son esclave. Mais un esclave libre. Le captif indocile des élans de mon cœur,
l’amoureux insoumis et rebelle aux infortunes de la carte du tendre, partagé entre l’envie de rester et de partir, mais animé du profond désir d’aimer et d’être aimé. Un chapitre se
referme, une nouvelle page s’ouvre que j’aimerais écrire à l’encre verte et bleue de Dina Margabim. Je vogue sur un frêle esquif en partance pour la banquise alors que je rêve de
la chaleur bienfaisante de l’Océan Indien. Je m’éloignerai, peut-être, mais mon cœur demeurera à jamais là où réside mon amour. Désormais, où que j’aille, je me coucherai toujours là où
se lève le soleil…
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