Fiche technique :
Avec Paul Franklin Dano, Bruce Altman, Billy Kay, James Costa et Brian Cox. Réalisé par Michael Cuesta. Scénario
de Michael Cuesta, Gerald Cuesta et Stephen M. Ryder. Directeur de la photographie : Romeo Tirone. Compositeur : Pierre Foldes.
Durée : 97 mn. Disponible en VO et VOST.
Résumé :
À quinze ans, Howie est bien seul. Sa mère vient de mourir d’un accident de voiture sur la Long Island
Expressway, son père est un architecte véreux sans égards pour lui. Howie n’a pas d’autres distractions à Long Island que de cambrioler des maisons avec sa bande de copains, tous aussi désabusés
que lui. Lors d’un vol avec son meilleur ami Gary, sa route va croiser celle de Big John, un homme étrange d’une cinquantaine d’années, qui semble entretenir avec Gary une relation des plus
intimes. Howie, intrigué, va développer des rapports complexes et dérangeants avec Big John.
L'avis de Jean Yves :
Un film cerné au départ par l’idée de mort mais qui développe rapidement un autre thème, l’initiation à la vie.
Portraits d’adolescences à la dérive, sans lois ni marques, L.I.E. est finalement un bouleversant récit initiatique qui nous dit aussi que rien n’est jamais perdu. La force du film tient
en cette relation ambiguë, jamais foncièrement malsaine, entre Big John (Brian Cox aussi subtil qu’émouvant, et la chose ne s’avérait pas aisée) et son « élève ». Tous deux sont conscients
réciproquement de leurs propres faiblesses et l’on a la sensation de voir évoluer un duo intelligent et sensible qui joue cependant avec le feu. Le spectateur est aussi tendu que l’atmosphère
faussement calme qui règne dans le film. Touchés par ces destins fragiles, on a en tous cas la sensation d’avoir affaire à un réalisateur réellement indépendant et réellement
intelligent.
Libre à chacun d’interpréter la relation entre le pédophile et le jeune adolescent. Vu la tournure onirique que
prennent les dernières scènes, on est singulièrement tenté de comparer Big John à un ogre moderne. Alors qu’en société, l’homme est aimable et semble accordé avec le monde, il se révèle être en
fait une personne différente dans le privé. Certains pourront voir en cet homme une image parfaite de ce que prétend dénoncer Michael Cuesta : une Amérique a priori policée, sage en apparence,
mais qui cache en profondeur des secrets immondes. Or le cinéaste ne semble pas condamner la pédophilie, de la même manière qu’il ne juge pas ses personnages. Au contraire, il essaye de les
comprendre et de rendre les choses moins simples qu’elles ne le sont.
Père de substitution pour Howie, Big John offrira autant au jeune homme la vérité sur la vie (acte pédophile
auquel il le confronte via une cassette vidéo) que celle sur l’âme (vers poétiques qu’ils déclament ensemble).
Indiscutablement, Michael Cuesta déteste le politiquement correct et semble aimer court-circuiter les
conventions du genre. Il annihile les archétypes et met l’accent sur la complexité des rapports humains. En sortant de là, de cet univers sombre et glauque, l’expérience peut indisposer les âmes
les plus sensibles. De la même manière qu’on peut se demander où le cinéaste veut en venir. Mais cela fait partie de l’ambiguïté de ce film qui ne révèle pas sa richesse immédiatement. Dépourvu
de racolage, L.I.E. sait être impressionnant en évitant constamment les pièges du concentré voyeuriste.
L’avis de Yannick
Vély :
À quinze ans, Howie traîne son mal-être au bord de l'autoroute qui mène de Manhattan à Long Island. Avec son ami Gary, il cambriole la maison
d'un mystérieux retraité de l'armée américaine surnommé Big John.
Michael Cuesta, l’un des réalisateurs de la série culte Six Feet Under, s’attaque à un sujet difficile pour son premier film, la
pédophilie. Il suit les pas hésitants d’un ado au sein de la middle class américaine. Sa mère est morte, son père ne lui adresse plus la parole et baise une bimbo californienne. Sentimentalement
au bord du gouffre, Howie cherche un peu d’affection. Il sèche les cours, leur préfère l’école buissonnière et fait les quatre cents coups avec Gary, petite frappe irrésistible qui vend son corps
contre une poignée de dollars le long de la fameuse autoroute, menant de Manhattan à Long Island. Attirés l’un vers l’autre, les deux ados se rapprochent peu à peu.
Malgré les allégations des autres jeunes qui composent la bande, Howie n’ose cependant franchir le pas. Filmée avec pudeur, cette première
partie est très réussie. Michael Cuesta perçoit les doutes de l’adolescence, accompagne le désarroi de son personnage principal, joué avec un naturel confondant par Paul Franklin Dano.
Hélas, l’arrivée du troisième homme, Big John le vieux pédophile pervers, incarné avec force par l’excellent Brian Cox, brise la magie. Le
récit s’essouffle et s’embourbe dans les clichés habituels: l’ex-Marines homosexuel, le jeune poète mal dans sa peau et le père absent mais qui aime son fils plus que tout. La tension retombe et
le film perd de sa puissance dramatique. Le premier plan, magnifique au demeurant, annonçait une lente descente aux enfers. Par manque d’ambition, Michael Cuesta évite soigneusement de choquer, à
l’exception d’une ou deux allusions graveleuses. Big John s’autoproclame roi de la pipe, Brian Cox joue de l’œillade prononcée pour séduire le gosse mais le réalisateur s’abstient de filmer la
relation amoureuse qui devait logiquement se nouer. Il explique l’attirance réciproque entre Howie, quinze ans et Big John, soixante ans par le besoin de l’ado de se trouver un père de
substitution.
Au final, le film s’avère donc très politiquement correct. Michael Cuesta possède un vrai talent d’écriture mais passe à côté du grand film
dérangeant que promettait son sujet.
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