Fiche technique :
Avec Lior Ashkénazi, Knut Berger, Caroline Peters, Gideon Shemer, Hanns Zischler, Carola Regnier, Eyal Rozales et Sivan Sasson. Réalisé par Eytan Fox. Scénario de Gal Uchovsky. Directeur de la photographie : Tobias Hochstein. Compositeur : Ivri Lider.
Durée : 1O4 mn. Disponible en VO, VOST et VF.
Résumé :
Eyal est un agent du Mossad. Sa mission est de retrouver la trace d'un ancien officier nazi, Alfred Himmelman. Pour mener son enquête, il va servir de guide touristique au petit-fils d'Himmelman, Axel, venu en Israël rendre visite à sa soeur. Celle-ci vit en effet dans un kibboutz depuis qu'elle s'est brouillée avec sa famille. Axel veut essayer de la convaincre de revenir avec lui en Allemagne pour l'anniversaire de leur père. Malgré leurs personnalités contrastées, Eyal sympathise avec Axel. Même si parfois le machisme et le conservatisme d'Eyal se heurtent aux vues libérales d'Axel, en particulier quand ce dernier lui révèle qu'il est homosexuel. S'installent alors des relations tendues entre les deux hommes.
Alors qu'Axel rentre en Allemagne sans sa sœur, le Mossad suspecte l'ex-nazi Himmelman de vouloir refaire surface pour la fête d'anniversaire du père d'Axel.
L'avis de Paula :
Ces dernières années, la France a pu découvrir un cinéma israélien polymorphe, peu consensuel, une brèche ouverte par le cinéaste Amos Gitaï. Le cinéma d’Eytan Fox s’inscrit dans cette volonté d’innovation. Son nouveau film Tu marcheras sur l’eau navigue entre le policier, la comédie et le drame psychologique. Inclassable.
Quel point commun entre un agent du Mossad et un jeune allemand ouvertement homosexuel ? Le poids du génocide. La mère d’Eyal, juive d’origine allemande, a péri dans les camps. Le grand-père d’Axel en a été le bourreau. Les deux personnages appréhendent la tragédie de la même manière : ils n’en parlent jamais. L’émotion n’a pas cours. Eytan Fox, le réalisateur a été jusqu’à tarir les yeux d’Eyal, le pourvoyant d’une maladie lacrymale qui l’empêche de pleurer. La seule eau qui réunit Eyal et Axel, c’est celle de la mer Morte, où personne ne peut couler, dans une scène de baignade particulièrement émouvante.
Au-delà de l’aspect historique, Eytan Fox a également réussi un film sur la société israélienne telle qu’elle est aujourd’hui : moderne, plus ouverte. La population vit au rythme des attentats kamikazes mais continue d’aller danser la nuit. Axel entraîne Eyal dans une boite gay, lui qui n’a jamais côtoyé que des hommes de son milieu. Pia, horrifiée par le passé de sa famille, est partie en Israël dans l’espoir avoué d’une rédemption, elle qui sait tout de la fuite de son grand-père. Au terme de ce parcours : la libération. Eyal, hanté par les images de sa femme, n’arrive plus à tuer froidement, comme son métier l’exige. Axel prend conscience de son lourd héritage familial sur un air de Festen.
Le film mêle donc plusieurs thèmes sans jamais perdre le fil de l’eau. Plutôt rare. Rythmé, ponctué de dialogues sarcastiques, il révèle un duo d’acteurs épatants : Lior Ashkénazi et Knut Berger. Le dénouement pourra dérouter. Peu importe, vous aurez déjà été touché.
L'avis de Jean Yves :
Le cinéma israélien est en pleine effervescence, questionnant avec acuité ce pays né à la fois d'une utopie et de la Shoah ; terre promise pour les opprimés et puissance colonisatrice pour ses voisins. Le personnage de Eyal symbolise ces contradictions : agent du Mossad, il porte la mort au nom de la défense d'Israël, plus enclin à l'efficacité qu'au doute. Mais une enquête, d'apparence routinière, sur un ancien nazi ébranle ses certitudes. Voilà le dur obligé de jouer les faux guides touristiques auprès de deux jeunes Allemands, petits-enfants du criminel recherché. L'action cède la place au dialogue, la posture virile se fait plus humble, le passé occulté avec ses fantômes resurgit, et le droit de tuer devient tout relatif. Eytan Fox brasse là des questions essentielles et ose regarder droit dans les yeux son pays, mais sans nous assommer de grands discours. Son film court, efficace comme un thriller.
Un film captivant, quasi métaphysique, mais non dénué d'humour, où l'on apprend que marcher sur l'eau, c'est à la portée de chacun. Avec un peu de volonté.
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