Fiche technique :
Avec Adam Chubbuck, James Ransome, Tiffany Limos, Stephen Jasso, James Bullard, Shanie Calahan, Eddie Daniels, Bill Fagerbakke et Patricia Place. Réalisé par Larry Clark et Edward Lachman. Scénario de Harmony Korine. Directeurs de la photographie : Larry Clark et Edward Lachman. Compositeur : Matt Clark.
Durée : 95 mn. Disponible en VO, VOST et VF.
Résumé :
Un tableau provocant d'adolescents américains de classe moyenne qui trompent leur ennui avec du sexe, de la violence et de la perversion à Visalia, une petite ville de Californie. Leurs parents sont pour la plupart médiocres, aveugles, méprisants et alcooliques.
L'avis de Jean Yves :
La solitude ne se mesure pas à l'étalon des kilomètres de l'éloignement. La communion se nourrit parfois d'une distance vivante, alors qu'une immense solitude est sécrétée par une proximité étouffante... Ken Park, le film de Larry Clark, évoque en des termes très crus la trajectoire perdue d'adolescents cherchant leur chemin en emmêlant leurs corps. Leurs parents eux-mêmes sont dans la confusion, et n'ont de plus pressé que d'abolir la distance avec les jeunes en se mélangeant à eux en sexualité, car ils sont dans l'impossibilité d'accepter le décalage temporel entre les générations. L'un de ces adolescents - Ken Park - en arrive à se suicider, mettant ainsi en acte le vœu de mort dirigé inconsciemment envers lui par ses géniteurs qui ne l'ont pas vraiment voulu vivant. Autant alors terminer le « travail » qui n'a pas été jusqu'au bout effectué. Extrêmement seuls, désolés, oubliés, ces adolescents prisonniers du corps des adultes nous donnent l'image du désert de l'abandon. La distance n'a rien à voir avec la géographie, et le désert s'impose parfois dans la bousculade de l'indifférenciation, comme une prison intérieure sans remise de peine.
L'avis de G.F. :
Comment filmer la morosité, la bêtise, la laideur, l’ennui, l’alcoolisme, la monotonie, les rues à angles droit, bref, une certaine Californie, sans intrigue et sans histoire, juste comme ça, par tableaux et motifs ?
En filmant comme Larry Clark.
La Californie dépeinte ici est loin des utopies d’Edgar Morin en 1969 ou, plus prosaïquement, de Julien Clerc dans sa jeunesse. La Californie, ce n’est rien d’autre qu’une banlieue gigantesque couverte de ce que l’on nomme ici des lotissements et nourrie de ce que l’on appelle là-bas (à tout bout de champs) des « communautés ». On y ajoute du soleil et des palmiers, des seins en silicones et puis voilà.
A travers les vies de gamins paumés, on découvre l’envers du décor, le revers de la médaille. Larry Clark nous conte l’histoire de plusieurs adolescents, déjà trop adultes mais encore bien trop jeunes pour leurs petites vies ratées. Quant aux adultes, leurs portraits en ratés dérangent perpétuellement. Leur incapacité à agir, l’inceste qui rôde, toutes ces images tendent à montrer leur incapacité à être adulte, tout comme les adolescents semblent incapables de le devenir, navigant constamment entre l’enfance et un âge d’irresponsable...
Si Larry Clark souligne parfois trop le trait, en particulier à travers quelques scènes porno dont on se passerait volontiers de détails, si ce n’est pour les malaises provoqués, on se retrouve face à des images (la photographie est magnifique), des acteurs (tellement eux-mêmes qu’on frôle le reportage) et une réflexion en filigrane : l’ennui, quand on a tout, c’est sans doute l’absence réelle de désir. Ça va de soi, mais ça va mieux en le disant.
Si le film a fait scandale pourtant, c’est sans doute plus par hyper-réalisme que par pornographie avérée. Il fait partie de ces films qu’on oublie mal, peut-être aussi parce qu’il dépeint ce qui risque de nous arriver aussi....
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