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Mon ami Abdellah Taïa est un écrivain fabuleux, un poète du mot et du sentiment, mais aussi un homme courageux et vrai parce qu’il ose parler de son homosexualité au Maroc et dans les pays arabes (comme le montre la couverture de TEL QUEL, une des grandes revues marocaines) afin d’aider des milliers de jeunes (ou moins jeunes) gays de ces pays à ne pas se sentir seuls, souffrir ou mourir et malgré les menaces et les insultes des islamistes, parce qu’il est un héros ordinaire attachant… Je suis fier de toi mon ami et je t'embrasse très fort.

Daniel C. Hall

 

 


ABDELLAH TAÏA, FOU ET CORSAIRE…

Par Daniel C. Hall


À l’occasion de la sortie de son nouveau roman L’armée du salut au Seuil, un nouveau petit bijou dans l’œuvre étincelante de l’auteur, j’ai eu l’immense bonheur de pouvoir interviewer Abdellah Taïa. Son énergie, sa chaleur humaine, sa gentillesse n’ont d’égal que son talent. Si ses livres m’avaient envoûté, l’homme m’a réchauffé l’âme et le cœur. Retenez bien le nom de cet écrivain, il marquera l’histoire de la littérature. Parole de critique conquis par ce corsaire venu du Maroc.

Abdellah, le premier paragraphe d’un de tes futurs romans doit décrire l’être humain qui se cache derrière les mots, comment l’écrirais-tu ?

« J’ai pris ma retraite sexuelle à l’âge de 12 ans. » Je suis sûr que je vais écrire un jour un livre qui commence par cette phrase. Il dira toute cette immense liberté amoureuse, sensuelle et sexuelle dans laquelle j’ai baigné, pauvre, chétif, heureux et parfois malheureux, durant mon enfance, au milieu des autres, en contact permanent avec les corps des autres. Jusqu’à présent je n’ai pas encore écrit des choses très profondes sur cette période. L’écriture, pour moi, interpelle directement l’inconscient, l’enfance. L’écriture est synonyme de sommeil. C’est pour cela qu’il est hors de question de m’autocensurer.

Tu fais partie de cette jeune génération (brillante !) d'écrivains marocains comme Rachid O. et Karim Nasseri. Quelles sont les différences entre leur œuvre et la tienne ?

Rachid O. et Karim Nasseri sont comme des frères pour moi. Rachid vient de Rabat, Karim de la région d’Oujda et moi de Salé. J’ai découvert les livres de Rachid au Maroc, et cela a été un grand moment pour moi, il me parlait directement, écrivait pour moi. Rachid O. est un écrivain important dans mon histoire personnelle. Karim Nasseri est un ami, et j’adore son premier livre Chroniques d’un enfant du hammam. Tous les trois, nous parlons franchement de ce que certains voudraient taire, l’homosexualité. Tous les trois, nous affirmons notre individualité sans renier nos racines marocaines. Mais nos livres ne se limitent pas seulement à l’évocation de l’homosexualité.

Pourquoi as-tu décidé d'écrire, de mettre sur papier ta vie et, surtout, d'accepter de te laisser publier par des maisons d'édition qui allaient te médiatiser ? As-tu eu peur ?

Quand j’écris, je n’ai jamais peur. Dans la vie quotidienne par contre, ce sentiment m’habite, me hante. Écrire, c’est suivre ce qui s’impose à soi, à moi. Ma vie, à travers un double regard, s’offre à moi sous forme de textes, courts, clos, des histoires qui me poursuivent et qu’il me faut coucher sur papier dès que je le peux. J’écris à partir de ma vie. J’écris pour dire mon intériorité mais pas de façon nombriliste, je pars de moi pour investir le monde. Je donne à Abdellah une voix, celle qu’il n’avait pas au Maroc, pour dire son amour et son malheur face au monde, face au Maroc, face à Paris, de loin. Je donne à Abdellah une identité libre.

Plus que des romans, Mon Maroc, Le rouge du tarbouche et L'armée du salut sont des auto-fictions. Pourtant le personnage principal, c'est ton pays, ses us et coutumes, et ses habitants. Parler de toi, c'est parler de ton pays à ce point… vraiment ?

On ne peut pas oublier les origines. Elles sont inscrites en nous à jamais. Je vis à Paris, dans le bonheur et la désillusion, je me construis en tant qu’adulte à travers aussi la culture française au quotidien, mais je suis pour toujours un petit Slaoui (de Salé) du quartier de Hay Salam qui rêve de cinéma, le cinéma comme religion, sa déesse éternelle étant Isabelle Adjani. Je parle dans mes livres de ce monde, à travers mon regard enfantin : je sais que je vais le perdre un jour... un jour... En attendant, j’essaie de laisser des traces de cette voix à travers la littérature.

De Mon Maroc à L'armée du salut, il existe presque une suite logique (autobiographique ?) de ta vie ou, pour être plus littéraire, de ton passé « réel ou fantasmé ». L'écrivain Taïa retranscrit-il TOUT ce que l'homme a vécu OU l'homme Taïa réinvente-t-il ou fantasme-t-il ce qu'a vécu l'enfant, puis l'adolescent, puis…

L’écriture n’est pas une photocopie de la réalité. L’écriture révèle la réalité dans ce qu’elle a de plus intéressant, de plus intense, de plus vrai, de plus triste... ou bien magique. Écrire à partir de soi n’est pas une facilité pour moi. Je reconstruis tout, mais je ne fantasme presque jamais. L’écriture est de la manipulation. La fiction est là, comme une ombre, elle m’aide de temps en temps. Contrairement à ce qu’on croit, l’écriture autobiographique n’est pas une chose aisée. On se donne à voir, on se cache moins... Il faut du courage et de l’inconscience pour s’y adonner complètement.

Ce qui transpire de tes ouvrages, c'est l'amour profond des gens, de la vie du petit peuple (et ce n'est pas péjoratif...) – de la vraie vie, quoi), des traditions, du folklore, de la magie du Maroc… On devine, même derrière les drames, un profond optimisme… C'est la magie de ce pays ?

Je viens d’une famille pauvre, vraiment pauvre. On était 11 personnes à la maison, les uns sur les autres, les uns dans les autres. Ce groupe humain, familial, m’a donné un grand amour, m’a appris l’Amour, et a conditionné mon regard tendre sur le monde, les autres, les choses. Ce groupe m’a aussi étouffé, m’a fait pleuré, m’a traité de fou, de « pédé », mais je ne garde aucune rancune, aucune haine. Je garde les sensations que j’éprouvais au contact des corps des autres, mes sœurs, ma mère, mon grand frère qui longtemps était comme Dieu pour moi. Mon style, ma littérature viennent de là. De cette façon d’être dans la vie, les heures... Encore une fois l’enfance. Toujours l’enfance.  

Qui plus est, tu es un amoureux de la langue française. Jean Genet, un génie littéraire encore ignoré par bien des gens ici, est presque au centre de ton œuvre. Peux-tu nous expliquer cette fascination ?

Jean Genet est un « écrivain marocain ». Comme Juan Goytisolo, je pense qu’il deviendra un jour un saint au Maroc. Les amoureux viendront honorer sa tombe musulmane à Larache. J’aime évidemment ses livres. J’aime sa poésie. Je l’aime même traître, voleur, moral, immoral, sexuel, cruel et tendre. Je suis fasciné par lui. Un jour j’écrirai quelque chose sur son funambule, Abdallah, avec « a » et non « e » comme pour moi. Mon rêve fou est devenir le Jean Genet slaoui... mais ce n’est qu’un rêve.

Comment as-tu pris conscience de ton orientation sexuelle au Maroc, à une époque où l'on peut dire que le régime d'Hassan II était bien moins « libéral » que celui de M6 ?

J’ai toujours su que j’étais différent, dès l’enfance. Au début cela ne m’a pas fait souffrir. Après, dans l’adolescence, j’ai pensé que j’étais le seul homosexuel du Maroc (!!!). J’ai pleuré. J’ai aimé certains garçons, de loin, follement. Aujourd’hui, être homosexuel n’est pas un problème pour moi. C’est une façon d’être décalé, rebelle, « révolutionnaire »... Être vraiment DIFFÉRENT des autres et en tirer une force pour créer quelque chose. Être homosexuel, ce n’est pas se laisser enfermer, tout en étant en fusion avec le monde, chercher à l’être en tout cas.

Franchement, ce besoin d'écrire, d'être publié, d'être LU, c'est un besoin de défendre ton orientation sexuelle ?

Non. Je n’écris pas pour dire : je suis homosexuel. J’écris parce que cela s’impose à moi. Par contre, si le fait de parler de mon homosexualité peut aider quelques uns (au Maroc), tant mieux...

Tu as accepté un petit rôle dans Tarik el hob de Rémi Lange. Raconte-nous cette aventure…

J’ai participé à Tarik el hob parce que j’avais énormément aimé le premier film de Rémi Lange, Omelette, qui est aussi une sorte d’écriture autobiographique. Mais je n’apparais que deux minutes dans ce film pour parler des mariages qui étaient célébrés entre hommes à Siwa. Voilà.

Être gay et musulman, c'est conciliable ?

Je me sens, je suis musulman et j’arrive à conjuguer cela avec mon homosexualité. Je n’ai aucun problème à marier les deux. Vraiment. Sincèrement.

Tu aimes la France et sa culture. Même malgré Le Pen, malgré l’homophobie, malgré le racisme, malgré Sarkozy, malgré Vanneste… ?

Ma vie est en France. C’est en France que je vis pleinement ma liberté en tant qu’individu, que je peux me battre, dans la souffrance parfois... C’est ici que je voudrais vivre, malgré tout... Mais le Maroc n’est jamais loin. La France est mon territoire intellectuel, adulte, mon champ d’expériences. La France est à la fois un bonheur et une souffrance.

Abdellah, merci de tout cœur, et dernière question : quels seraient tes derniers mots sur ton lit de mort ?

Il était marocain. Il était de Salé. Il était fou et corsaire. Il a dit et écrit son « je ».


Première parution : PREF
© Daniel C. Hall

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