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Fiche technique :

Avec Bruno Todeschini, Eric Caravaca, Maurice Garrel, Antoinette Moya, Robin son Stévenin, Catherine Ferran et Nathalie Boutefeu. Réalisé par Patrice Chéreau. Scénario de Patrice Chéreau, Philippe Besson et Anne-Louise Trividic, d’après le roman de Philippe Besson. Directeur de la photographie : Eric Gautier. Musiques de Marianne Faithfull.
Durée : 95 mn. Disponible en VF.



Résumé :
À Paris, Thomas est atteint d'une maladie incurable qui détruit ses plaquettes sanguines. Celle-ci astreint le patient à un régime sévère. Un soir, il passe affolé chez son frère Luc, qu'il a perdu de vue, pour lui confier la gravité des symptômes. Poussés à bout par la progression de la maladie, les deux hommes vont enfin se livrer à eux-mêmes. Pour la première fois, Thomas semble éprouver de l'intérêt pour la vie privée de Luc, homosexuel. Claire, la petite amie de Thomas, prend progressivement ses distances vis-à-vis de ce dernier. Les deux frères finissent par passer l'essentiel de leur temps ensemble et se remémorent des souvenirs de leur enfance, alors que la maladie ronge.

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L’avis de
Boris Bastide :

Deux acteurs formidables (Bruno Todeschini et Eric Caravaca), un réalisateur de très grand talent (Patrice Chéreau) et un scénario d’une incroyable justesse sur un sujet difficile, deux frères confrontés à la maladie. Voilà les éléments qui font de Son Frère, Ours d’argent au Festival du Film de Berlin, un très grand film. Produit pour le petit écran (Arte), ce long-métrage mérite très largement de jouer dans la cour des grands.

Couché sur un lit d’hôpital, un corps est pris en charge par deux infirmières. Celles-ci s’activent autour de lui, le rasent pour le préparer à l’opération du lendemain. Les gestes sont minutieux. Les deux infirmières prennent soin de ne rien brusquer. Il fait nuit. Sur le lit, Thomas ne bouge pas. Depuis sa rechute et son retour à l’hôpital trois mois plus tôt, son corps n’est plus tout à fait à lui. Le problème de Thomas, c’est les plaquettes. Elles ont décidé de le quitter un jour, on ne sait pas trop pourquoi. On ne sait jamais vraiment pourquoi. Les médecins cherchent. Les maladies ont beau avoir un nom, elles n’en restent pas moins mystérieuses. Du coup, Thomas est en danger. Le moindre coup, le moindre petit accroc et c’est l’hémorragie. La vie vous quitte comme ça, pour rien. Sur son lit d’hôpital, Thomas ne bouge donc pas. Son regard se perd dans le vide. Que peut-il bien se passer dans sa tête ?

Cette question-là, Luc n’en finit pas de se la poser. Luc, c’est le petit frère de Thomas. Il est présent lui aussi ce soir là dans cette chambre d’hôpital. Assis dans un coin de la pièce, il ne dit rien. Il regarde. Un soir de février, Thomas a décidé de lui faire une demande qu’il est difficile de refuser surtout entre frères. Alors qu’ils ne s’étaient pas vus depuis des mois, sûrement des années, l’aîné débarque chez son cadet pour tout lui raconter, la maladie, ce corps qui se détraque sous ses yeux sans qu’il ne puisse rien y faire. Thomas demande ensuite à Luc de l’accompagner à l’hôpital, de vivre les mois à venir auprès de lui. Sent-il que ce sont peut-être les derniers ?

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Luc est donc là à ses côtés. Son Frère existe d’abord par et autour de ce regard. Luc, homosexuel en pleine santé, qui avait construit sa vie loin de sa famille, se voit offrir d’assister à la déchéance du corps de son frère. Autour de ce premier regard d’autres viennent se mêler, ceux des parents maladroits et désemparés, ne sachant plus que dire sinon des banalités ou des mots qui blessent, ceux du personnel médical plein d’attention mais aussi du détachement de ceux qui se sont résignés, habitués à côtoyer la maladie, celui enfin des compagnons des deux frères compréhensifs et déboussolés. Le regard c’est aussi celui de Chéreau qui a décidé de regarder cette souffrance en face. On suit avec précision toutes les étapes du traitement de Thomas. Comme pour Luc, rien ne doit nous être épargné. Chéreau montre des êtres entiers pris dans leurs contradictions, leurs faiblesses qui surpassent par moment leur capacité à aimer. Pour Luc, cette épreuve est à la fois un cadeau et un fardeau. Qu’est-ce qu’un homme peut offrir de plus important à un autre que de partager ses derniers instants ? Qu’y a t’il de plus dur que de voir souffrir ou de devoir se séparer de ceux qui nous sont le plus cher ? Ce regard en tout cas est là. Il permet à Thomas de traverser cette bataille contre le mal qui le travaille de l’intérieur en étant autre chose qu’un simple malade parmi d’autre. Face à Luc, il est beaucoup plus que ça. Un frère.

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À côté, les autres malades semblent terriblement seuls. Une femme appelle sans relâche un nom dans la nuit. Un adolescent de dix-neuf ans se promène dans les couloirs de l’hôpital une grande cicatrice remontant du bas de son ventre à sa poitrine. Lui souffre de l’intestin. Les ablations se multiplient sans apporter de solution. Luc écoute sa plainte désespérée, lui offre un peu de réconfort puis continue son chemin. Plus tôt, plus tard, c’est Camille, l’amie à bout de Thomas que Luc tente de réconforter. Ne supportant pas de contempler la lente détérioration de l’état de celui qu’elle a aimé, elle décide d’abandonner, complètement vidée. Ne lui reste plus que la colère.
On ne côtoie pas la déchéance sans s’abîmer. Luc aussi est affecté. Sans qu’il s’en rende forcément compte, l’état de son frère le contamine. La colère, la culpabilité commence à l’habiter. Il ne sait plus bien où il en est. Comment continuer à désirer, à aimer, à vivre quand son frère lui ne peut plus rien espérer ? Plus le film avance, plus les deux frères se rapprochent jusqu’à ce que Luc se rêve lui-même malade à la place de Thomas dans une des plus belles séquences du film. Cette vision vient comme un rappel à l’ordre. Elle souligne tout le mystère de la relation fraternelle. Le même sang coule dans leurs veines mais ils n’en restent pas moins deux êtres singuliers. L’un est homo, l’autre hétéro. L’un est malade, l’autre pas. Leur lien si singulier n’en garde pas moins quelque chose de secret même si Luc doit se résigner peu à peu à voir Thomas partir. Seules quelques très belles scènes où les deux frères se confient sur leur enfance nous font entrevoir la force de ce qui les unit. Même en présence de tiers, ils n’existent plus que l’un pour l’autre comme dans ses très belles scènes au bord de mer comme toute droit sortie de la chanson "Sleep" de Marianne Faithfull dont l’univers contamine peu à peu celui du film au point d’inspirer littéralement les dernières moments. Sans que les mots soient dits, Luc voit tout, il comprend.

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À quoi ça tient la vie ? Sans doute à pas grand chose. C’est pourtant ce pas grand chose qui fait tout le sel de la vie. La narration nous ballade en aller-retour entre février et l’été. Ce lien tenu, d’abord improbable se construit peu à peu sous nos yeux. Au-delà de la relation fraternelle et de la maladie, le film touche à l’essentiel. L’amour, la fraternité, le désir. La mise en scène de Chéreau ne fait que mettre cela en valeur, que célébrer la vie, le mouvement. Le cadre n’arrête jamais de bouger, les personnages ne cessent de se regarder, de se serrer les uns contre les autres. Il faut montrer aux gens qu’on les aime pendant qu’il est encore temps. Et si cette histoire d’un homme pouvant mourir à tout moment qui décide de dire à son prochain qui l’aime n’était qu’une simple métaphore de la voie que devrait emprunter chacun de nous ? Au final, Thomas et Luc ont réglé leurs différends et partagé un instant de belle et douloureuse fraternité. Tout le reste n’est que mystère.

It is safe to sleep alone In a place no one knows And to seek life under stones In a place water flows.
It is best to find in sleep The missing pieces that you lost Best that you refuse to weep Ash to ash, dust to dust.
It is strange to sleep alone In a place no one knows Strange to shelter under stones In a place water flows.
It is safe to walk with me Where you can read the sky and stars, Safe to walk upon the sea In my sleep we can go far.
It is safe to sleep alone In a place no one knows And to shelter under stones In a place water flows.
It is strange to sleep alone In a place no one goes, Strange to seek life under stones. In my sleep no one knows.
Sleep, Marianne Faithfull

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L'avis de
Jean Yves :
Dense, bouleversant, mais aussi apaisant, ce sont les mots qui me viennent à propos de ce film déjà diffusé sur ARTE. Cette chronique d'une mort annoncée, où deux frères tentent de se retrouver, creuse encore les thèmes chers à Patrice Chéreau : le corps, l'intime, et les liens... Certains critiques ont qualifié ce film de difficilement soutenable ou tout au moins de dur. Pour ma part, je ne partage pas ce sentiment : je suis sorti de ce film calme et apaisé. Sans doute que la dureté vue par certains dans ce film est due au sujet (la maladie) et aussi parce que cette maladie occupe une grande place dans le film. Il y a pourtant une douceur, une sérénité que j’ai ressenti dans cette histoire : j’ai été touché par la relation entre les deux frères. Un « programme » est donné au début du film : Thomas demande tout simplement de l’aide à son frère Luc et ce dernier accepte. À la fin du film, ce programme est réalisé. Luc permet à son frère de continuer à vivre... même si Thomas disparaît en choisissant de mourir. Le film parle certes de maladie mais aussi de fraternité. Chacun s’est acquitté de son programme. Personne ne s’est dédit. Chaque personne est allée jusqu’au bout, de son propre gré, comme cela avait été décidé. Dans la réalité, ce n’est pas toujours le cas, et c’est cela qui fait de ce film une histoire apaisée au sens où il y a une belle « transmission » entre les personnages.

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Il y une scène particulièrement violente et émouvante dans la chambre d’hôpital quand le père demande pourquoi ce n’est pas Luc, qui est tombé malade. Dans cette scène, on voit toute la réalité d’une famille : le père a sans doute un peu raison, même si l’expression est maladroite car il sent que le frère cadet aurait été plus fort face à cette maladie. Cela n’a rien à voir, pour moi, avec le fait que Luc soit homosexuel. Il y a aussi les histoires du vieil homme (Maurice Garrel) sur le banc… comme l'appel d'une conscience. « Parler peu mais parler bien », dit-on. Une expression qui convient à Son frère, dont le narrateur dans le roman de Philippe Besson affirme : « Je raconte la vérité pour la première fois, je suis dans le réel. J’ignorais que les mots pouvaient dire le réel. »

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