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(c) Zanzi


Au moment de refermer un chapitre de ma vie, ce n’est pas sans émotion que j’en écris les dernières lignes. Bientôt, un nouveau tome s’ouvrira, si possible avec de nombreuses pages blanches qui se rempliront peu à peu. Je conterai mes passions à l’encre de mon sang, narrerai mes voyages à l’encre de mes yeux, et noircirai mes pages en rouge et en bleu. Mais nous n’en sommes pas encore là.

Flash-back, juillet-août 1999. Je débarque à Paris, petit provincial à la poursuite de rêves que, pour lors, il doit ranger dans son coffre aux secrets. Je viens de décrocher un emploi dans la capitale. L’urgence est de trouver un logement. Pas question de gaspiller le tiers ou la moitié de mon petit salaire en loyer. Je vais acheter. Je me souviens avoir visité des appartements dans les 10e et 18e arrondissements, certains à la distribution improbable. Finalement, l’affaire s’est conclue dans le 17e, dans la maison où vécut Paul Verlaine de 1851 à 1865. Une plaque commémorative le signale au-dessus de la porte d’entrée de la copropriété. J’y vins donc, comme si je répondais à travers les siècles à un appel entre poètes amateurs de garçons.

J’ai pu faire l’acquisition d’un studio de 28 m2 (loi Carrez) grâce à l’aide de mes parents, et je les en remercie. Leur soutien et leur clairvoyance m’ont permis de démarrer dans la vie active avec un avantage qui n’est pas donné à tout le monde. N’allez pas vous imaginer que je viens d’une famille aisée (Révolutions et guerres nous ont ruinés… signé, la grande-duchesse). Mes parents connaissaient leurs années de vaches maigres au moment de ma naissance. C’est à force de travail, de sacrifices et de persévérance qu’ils ont remonté la pente, ayant à l’esprit le seul souci d’assurer à leurs enfants du bien-être et une vie meilleure.

Je n’ai qu’un seul regret concernant cet appartement : celui de n’avoir pas été plus ambitieux alors qu’en 1998 le marché de l’immobilier était au plus bas. Un deux pièces m’aurait rendu encore plus riche aujourd’hui. Le fait est que l’achat a été effectué pour un célibataire, sans envisager qu’il pourrait, un jour, ne plus être seul et avoir besoin de davantage d’espace. Neuf années se sont écoulées et il se trouve que je suis toujours seul. Bien des raisons peuvent expliquer cet état. Cela va de « il n’a pas trouvé la bonne personne » à « il est trop difficile », sans oublier qu’il m’arrive d’être ombrageux et de me cloîtrer dans ma thébaïde pendant de longues périodes. Il est possible que, de façon tout à fait inconsciente, j’ai intégré le fait que je ne pouvais de toutes façons que vivre seul dans ma garçonnière. C’est une excuse un peu bancale dans la mesure où, si j’avais rencontré quelqu’un avec qui partager ma vie, nous aurions pu nous installer ailleurs. Que voulez-vous, je suis doué pour me compliquer la vie.

Hormis deux années à Bruxelles (2002-2004), j’ai donc vécu 7 ans dans ma garçonnière. Un ancien bail présidentiel. J’y ai connu des moments de tristesse et des moments de joie, des moments de solitude et des moments de complétude. C’est entre ces murs que j’ai connu la volupté avec Patrice, puis avec d’autres. Au final, peu de nuits ont été marquantes. La première, bien sûr, à la fin du siècle dernier, et la plus récente, au début du printemps passé. Entre les deux, quelques souvenirs fugaces s’entremêlent dans ma mémoire, et la plupart, déjà, s’estompent derrière les brumes du temps. Heureusement, je n’ai pas vécu toutes mes heures amoureuses chez moi.

Au retour de Bruxelles, j’ai fait rajeunir la salle de bains. Nouvelle baignoire, système de douche massante, sèche-serviettes, nouveau lavabo et son meuble, nouveau carrelage (et n’oublie pas le nouveau trône ! – signé, la grande-duchesse). Compte tenu de l’espace, je tenais à retrouver le confort que j’avais connu en Belgique. J’ai aussi repeint les murs (avec de la peinture) à mes couleurs solaires, et parqueté le sol qui avait une moquette. Je voulais aussi refaire la cuisine, mais j’ai procrastiné et laisserait donc ce soin au prochain propriétaire.

Je regretterai mon adorable gardienne Lucinda qui veillait sur moi, et sait si bien s’occuper de la copropriété et de ses résidents. Je crois que le quartier va me manquer aussi. Si des bobos sont intéressés, ils vont certainement l’adorer. Les Batignolles, la place de Clichy, les boutiques colorées du haut de la rue des Dames, le Pathé Wepler pour les séances de ciné. Tout est inclus dans le prix (me contacter). Tout, sauf les meubles.

Le clic-clac de mes premières amours (1998), l’ensemble lit-armoire qui me vient de Belgique (2002), vous ne les aurez pas. Ils ne me suivront pas non plus au Canada, où je me ferai de nouveaux souvenirs avec un nouveau mobilier, mais ils m’attendront en province, comme Pénélope attendait Ulysse, dans une nouvelle garçonnière que ma famille va mettre à ma disposition lorsque, de temps en temps, je reviendrai en France.

Adieu, mon premier chez-moi. Je t’ai habité, un peu, mais tu ne m’habitais pas. Pour moi, tu étais tel une chambre d’hôtel, un relais, une étape en attendant mieux. Ne m’en veux pas, car je m’en veux assez pour deux. J’ai besoin d’espace ; j’ai besoin de voir le soleil, de me retrouver près de la nature, de voir le ciel déployer ses atours et de vibrer de toute mon âme de poète au rythme de ses contrastes. J’ai besoin de respirer un air plus pur que celui de la cité lumière. Besoin de tourner la page, de passer à autre chose. De vivre vraiment, enfin.

[Les lecteurs/trices qui recherchent un appartement peuvent prendre rendez-vous pour le visiter à lestoilesroses@hotmail.fr. Habiter l’appartement de Zanzi, qui n’en veut ?]

 
Note de Daniel : Cette andouille de Zanzi a oublié de signaler que j’ai dormi dans cet appartement, que j’ai mangé des endives sur le lit en regardant le porno sur Pink et que j’ai prouté dans le clic-clac. Ce qui doit faire grimper en flèche la valeur de cet appartement, non ?

 

Pour lire le précédent épisode de Zanzi and the City, cliquez ici.

 
 
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