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Fiche technique :

Avec François Sagat, Chiara Mastroianni, Dustin Segura-Suarez, Rabah Zahi, Kate Moran, Lahcen El Mazouzi, Andreas Leflamand, Ronald Piwele, Sebastian D’Azeglio et Sébastien Pouderoux. Réalisation : Christophe Honoré. Scénario : Christophe Honoré. Monteuse : Chantal Hymans.

Durée : 72 mn. Sortie en salles le 22 septembre.

 


Résumé :

Entre Gennevilliers et New-York, Omar et Emmanuel ne s’épargnent rien pour apporter à l’autre la preuve qu’ils ne s’aiment plus.

 

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L’avis de Frédéric Mignard : 

Christophe Honoré s’interroge sur le langage du corps au masculin. Entre expérimentation et improvisation, l’exercice personnel déroute.

Emmanuel est un corps aux yeux des autres. Dans ses galères, il en est dépendant, faisant profiter les plus démunis (vieux et malingres) de ses courbes harmonieuses, de ses muscles travaillés individuellement. Son corps ne respire pas le naturel, mais un entretien intensif. Il incarne une forme de virilité. Celle des œuvres d’art, des héros de mythologie ou des dieux qui la peuplaient. Mais aussi celle moins innocente de l’iconographie pornographique qui le rend un peu vulgaire, notamment aux yeux d’un quinquagénaire qui monnaie ses apparitions dénudées sans être dupe de ce qui se cache derrière la marchandise.

Dans le rôle sexué d’Emmanuel, Christophe Honoré a casté un hardeur gay, François Sagat, qui compose pour la première fois et récite des dialogues, même s’il en a peu. Le comédien montre des limites dramatiques, mais c’est sa fragilité qui nourrit un personnage dans le jeu constant. Pour exister hors du ghetto, Emmanuel, sans le sou et sans le verbe, doit exacerber un rôle ‒ celui d’une brute, d’un actif dominateur, d’un fantasme sexuel. Mais avec le risque de lasser et avec la certitude de vieillir et d’être dépassé par d’autres plus jeunes que lui. Au détour d’un regard peu sûr, le comédien manifeste toutes les contradictions de son personnage qui a tout à prouver dans un milieu qui n’est pas le sien. Sagat joue à l’acteur de fiction comme Emmanuel essaie d’incarner le mâle dominant, dissimulant dans ses silences les conflits internes qui le rembrunissent et sa sensibilité exacerbée.

 

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Emmanuel est le personnage central de l’expérimentation sur le corps que mène Christophe Honoré entre Gennevilliers et New-York. Sans budget, mais avec des caméras numériques peu contrariantes, il suit l’homme musclé dans la ville française où vécut le peintre Gustave Caillebotte dont la toile, Homme au bain, a servi d’inspiration au projet. Aux USA, dans un montage parallèle et dans l’improvisation proche du film de vacances, Honoré déambule, caméscope à la main, pour suivre Chiara Mastroianni (visiblement en promo de Non ma fille tu n’iras pas danser) dans le rôle d’une actrice et l’amant estudiantin d’Emmanuel. La première apparaît comme une extra-terrestre amusée dans cette œuvre en quête du langage corporel (aussi bien visuel qu’olfactif). Le second, interprété par Omar Ben Sellem, est un jeune homme en parfaite opposition avec la carrure imposante de Sagat/Emmanuel. Que ce soit physique (il est chétif), culturel (il est cosmopolite et érudit) ‒ et sûrement affective (cherchent-ils tous deux la même chose dans leur couple insolite ?).

Dans son exploration du corps au masculin, le réalisateur de 17 fois cécile Cassard s’égare. Il se livre à une observation strictement personnelle dans laquelle on ressent ses interrogations, son émoustillement et sa fascination. Son approche est crue, comme l’image de sa caméra, mais sans être impudique. Naturelle sans être poseuse. Toutefois le concept très Nouvelle vague, entre improvisation et expérimentation, laisse peu de place aux spectateurs qui risquent bien de se sentir en marge de cet exercice cinématographique voulu comme mineur par son propre auteur.

 

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L’avis de Voisin blogueur :

Emmanuel (François Sagat) et Omar vivent ensemble à Gennevilliers. Un jour, Omar part en voyages et, las du comportement de son petit ami, lui demande de ne plus être là à son retour. Séparation. Pour une fois, Omar compte faire un voyage sans penser à celui qu’il aime, se laisser porter par les évènements et les rencontres. Destination New York, où il va présenter un film en compagnie de son amie et actrice (Chiara Mastroianni). Il y tient une sorte de journal de bord avec sa caméra DV et nous suivons sa rencontre avec un jeune homme (Dustin Segura-Suarez) dont on devine qu’il tombe doucement amoureux. Pendant ce temps, à Gennevilliers, Emmanuel est confronté à une solitude dont il n’avait plus l’habitude. Il traine, couche avec des amis ou des inconnus, revoit une amie comédienne (Kate Moran) et peine à tourner la page…

Homme au bain est une œuvre à part dans la filmographie de Christophe Honoré. À l’origine, une commande, une carte blanche donnée au réalisateur par le Théâtre de Gennevilliers pour un court-métrage. Mais finalement avec tout ce qu’il avait filmé, le cinéaste a transformé le projet en long-métrage. Le titre fait référence à la toile « Homme au bain » de Gustave Caillebotte, où l’on voyait un homme de dos, s’essuyant après un bain. Une activité qui à l’époque (années 1880) paraissait comme efféminée. L’affiche du film est une sorte de détournement de la toile, une image empruntée à une scène à priori banale durant laquelle Emmanuel s’essuie alors que son copain s’apprête à partir. Avant que les choses ne basculent, qu’ils se séparent. Finalement, un des derniers moments d’intimité du couple…

 

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Pourquoi Homme au bain est-il à part ? Déjà pour son dispositif : le film s’articule autour de la séparation entre Emmanuel et Omar. Nous suivons par alternance l’un ou l’autre. D’un côté Emmanuel à Gennevilliers, avec une image, un format « classique ». De l’autre Omar à New York dans un style presque documentaire, tourné en DV. Ces derniers passages pourront paraître un peu décousus, abstraits. Des images prises à la volée, avec la caméra qui tremble, des scènes parfois inaudibles ou saturées… Il n’est pas toujours évident de trouver ses repères, de deviner où le réalisateur veut en venir. Pourquoi tel plan ? Pourquoi telle référence ou citation ? Pas de scénario qui prend par la main le spectateur. Pour apprécier ce qui se présente devant ses yeux, il faudra qu’il se laisse porter.

Nous sommes là devant une œuvre de séparation, de ruptures. Deux personnages éloignés l’un de l’autre, deux villes, deux façons de vivre la fin d’une histoire d’amour, la musique de Two door cinema club qui se coupe net, reprend un peu plus tard mais ne restera qu’une moitié. Christophe Honoré évite les clichés en esthétisant Gennevilliers (redonner à la banlieue au cinéma des couleurs, de la vie) et en désacralisant New York pour en faire un amas de sensations brèves, furieuses. Et contrairement à ce qu’on aurait pu imaginer, ce n’est pas le sculptural Emmanuel qui se remettra le plus vite. Pour ceux qui suivent la carrière du cinéaste, on a l’étrange sensation d’être perdu entre fiction et réalité. Le passage à New York sonne plus vrai que vrai et on croit y retrouver des passages promos de Chiara Mastroianni pour Non ma fille tu n’iras pas danser. Et il y a cette rencontre intense, presque sans mots, avec le jeune Dustin. Soit l’instauration, la création d’une intimité via l’objectif d’une caméra. On a la sensation de tomber nous-mêmes amoureux de ce garçon, de revoir notre propre carnet de bord de voyage. On peut aussi se mettre à la place d’Emmanuel qui ne peut s’empêcher de penser à son compagnon devenu subitement ex, seul à Gennevilliers. Les images de New-York sont alors destructrices, elles font mal. La page se tourne, Omar partage l’intimité d’un autre. La beauté de cette relation « sur la route », en construction, ressemblerait donc également au pire cauchemar d’un amoureux abandonné qui réalise que son ancienne moitié est passée à autre chose.

 

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Alors qu’à New York tout semble aller très vite, à Gennevilliers le temps apparait comme suspendu. Le massifEmmanuel apparaît comme perdu dans le décor. Très belle scène avec un de ses voisins amateur/collectionneur d’art qui le paie de temps en temps pour un strip ou du sexe. Le vieil homme fait remarquer à Emmanuel qu’il ne le désire plus. Il le voit désormais comme un objet planté dans son salon, une sculpture qu’on ne sait pas où placer. François Sagat, acteur porno gay, est une figure imposante et impressionnante. Nu dans la pièce, il ne semble en effet pas trouver sa place. Comment transformer l’icone porno, la bête de sexe, en un garçon comme les autres, amoché par une rupture ? Comment redonner de la vie, une âme, à un corps que nous n’avons vu qu’exploité dans ses fonctions les plus « basiques » ? Le corps de François Sagat envahit l’espace. Mais progressivement il va se fondre dans le décor, il va devenir un garçon comme les autres auquel on s’identifiera, dans lequel on se retrouvera. On suit Emmanuel dans ses tentatives pour avancer, oublier. Des étreintes chaudes, des confidences et un moment de légèreté avec l’amie Kate, puis enfin de la complicité avec un jeune garçon avec lequel il ne pensait pourtant avoir rien à partager…

Alors qu’Homme au bain pouvait dans un premier temps paraître un peu fermé, difficile d’accès, on finit par ressentir des choses très fortes, à se laisser gagner par la mélancolie ambiante provoquée par des images divergentes. La vie d’artiste, le quotidien en banlieue, l’amour qui nait ou qui se meurt, le mystère de l’intimité, des musiques qui enferment ou libèrent, des corps qui se révèlent et des silhouettes qui disparaissent… Christophe Honoré nous fait voyager à travers son histoire, à travers nous-mêmes. Et du fauteuil de cinéma à l’écran se tisse une complicité.

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