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chaudronpotter

 

10.

LE SILENCE EST LE FRÈRE DE LA HONTE ;

LA HONTE EST L'ENNEMIE DE TOUTES LES VISIBILITÉS.

Papy Potter



Papy Potter est né en pleine folie hippie de parents qui ne l'étaient pas. Depuis lors, il vit au milieu de ses arbres avec son adorable pirate des trains, tout au bord d'un marais nommé « du ru d'amour ». À quelques kilomètres de là, s'étend une vaste forêt où il travaille. Dans le chaudron rose, comme il est devenu vieux (il a presque 40 ans) et que Moudulard a fermé ses portes depuis longtemps, il glose sur le lien sulfureux et amoureux liant les gays aux diverses spiritualités du monde.


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Fin janvier, les pages du journal Métro (en Belgique) consacrèrent un article à une bande dessinée d’origine italienne : En Italie, il n’y a que de vrais hommes, parue aux éditions Dargaud. Luca de Santis et Sara Colaone y abordent un sujet encore très méconnu. En tout cas, personnellement, j’en ignorais tout. Pendant la période fasciste italienne, plusieurs centaines d’homosexuels furent arrêtés et exilés sur l’île de San Domino delle Tremiti. Cette bande dessinée relate la vie de ces homos déportés et confinés.


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L’Italie de l’époque ne disposait d’aucune loi réprimant l’homosexualité. Mussolini en avait d’ailleurs expressément repoussé l’idée arguant du fait qu’« en Italie, il n’y a que de vrais hommes ». Des rafles furent toutefois rapidement mises en place pour conforter cette opinion, d’une manière infamante. Afin d’éviter l’expansion de « la plaie de la pédérastie passive », les personnes soupçonnées de s’y adonner étaient purement et simplement condamnées à l’exil pour crime contre la race.  De sorte que, dans la péninsule italienne, il ne restât plus, du moins, en apparence, que ce que Mussolini appelait « les vrais hommes ».

L’Italie pratiqua donc le confinement et l’exil en conséquence de ses persécutions contre les homosexuels. Et non l’extermination. Ni même, semble-t-il, la soit-disant « rééducation ».

Les conditions de vie sur l’île de San Domino s’avéraient très précaires. Les « confinés » y couchaient par dortoirs, jouissant de 5 lires par jour insuffisantes pour les nourrir. Les attroupements y étaient interdits. Quelques rares privilégiés purent cependant y exercer leur métier, comme le héros de la BD. Tous, néanmoins, subissaient cet exil comme une condamnation injuste. Ils n’avaient, en effet, commis aucun délit, ni aucun crime. Ils étaient juste homos. Certains, d’ailleurs, ne l’étaient pas, l’exil pouvant être prononcé suite à une simple dénonciation.

Cette bande dessinée ne sombre pas dans le pathos au sein duquel une thématique pareille amènerait aisément à plonger. Les heures obscures sont bien sûr abordées : les arrestations arbitraires, la pauvreté, la solitude, les querelles intestines, la maladie, le manque de soins, la promiscuité, les injustices, l’emprisonnement, les violences, sans oublier la honte qui poursuivit les exilés même quand ils eurent quitté cette île.


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Toutefois, d’autres souffles, plus légers, imprègnent ce roman graphique remarquable. Les auteurs y présentent en effet, également, les heures de fêtes, les plaisanteries, voire les histoires d’amour qui tentent d’atténuer l’horreur de la situation.


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L’interview d’un ancien confiné, ainsi que la préface, complètent l’éclairage apporté par cette bande dessinée sur cet épisode méconnu de notre histoire. Je dis « de notre histoire », parlant bien sûr de celle des homosexuels. Car je suis de ceux qui pensent sincèrement que les homos ont un passé, une histoire, que l’on tente, encore aujourd’hui, de leur faire oublier, en la passant sous silence. Cet oubli a d’ailleurs, j’en suis convaincu, également une fonction. Car il est plus facile de dominer un groupe dont on a tout bonnement gommé la mémoire. Il est donc de notre devoir de rappeler les fragments oubliés de notre passé. C’est aussi à cela que servent Les Toiles Roses.

Les exilés de San Domino ont vécu doublement ce silence. D’abord parce que leur mise à l’écart n’avait pas d’autre but que de laisser croire qu’en Italie, « il n’y a que de vrais hommes », et d’empêcher aussi l’homosexualité de se répandre (comme si elle était contagieuse). Ensuite, parce que jamais, apparemment, les autorités italiennes n’ont admis leur erreur ni leurs abus dans cette affaire. Et que l’on s’est très vite efforcé de l’oublier, de la taire. Ce n’est qu’à la fin des années 80 qu’un ancien confiné raconta son histoire, révélant à la population italienne ce qu’il avait subi. Berlusconi aurait même dit que « sous la période fasciste, on envoyait les homosexuels en vacances ». Ce qui, au vu des conditions déplorables dans lesquelles ils étaient détenus est parfaitement insultant.

Cette BD a donc le mérite d’aborder ce sujet. Et de le faire en abordant à la fois ces heures obscures et celles, parfois également, plus légères qui ont constitué la trame de l’existence des exilés. S’il fallait exprimer un bémol, cela serait, à mon avis, que le graphisme très simple n’est peut-être pas suffisant pour exprimer toute la palette des émotions qu’une thématique pareille permet.

Cela dit, la thématique de l’exil suscite en moi un questionnement qui va un pont plus loin. Dans l’interview cité tout à la fin du livre, il est écrit : « au fond, on vivait mieux sur l’île que chez nous. À mon époque, quand on était homo, on ne pouvait même pas sortir de chez soi, il fallait rester discret, sinon on risquait de se faire arrêter. » Terrible, non ? Cette phrase m’a, d’abord, terrifié. Car, comment peut-on vivre mieux dans l’exil (et dans de telles conditions de précarité) qu’en étant libre ? Sans doute parce que cette liberté, justement, n’existait pas vraiment. Il fallait éviter de se montrer. Il était impossible de vivre tel qu’on était. Ce qui, d’ailleurs, demeure vrai de nos jours à certains égards. Les homos d’aujourd’hui cherchent à tout prix à s’intégrer dans notre société moderne et à être acceptés pour ce qu’ils sont. C’est vrai… Toutefois, cela se fait parfois en tentant, tout d’abord, de gommer les parcelles les plus dérangeantes de notre identité, afin de nous rendre nous-mêmes plus acceptables, plus fréquentables. Trouvez-vous sincèrement que ce soit cela, s’intégrer ? Combien de fois ai-je entendu que la présence des travestis dans les Gay Pride constituait un obstacle « à la progression de la cause » ? Assassiner en soi la part de follitude, le geste léger, la part « par trop visible » de la gaytitude, n’est pas, selon moi, la manière la plus adéquate de s’intégrer. J’ai assisté à des mariages gays où les mariés n’ont pas une seule fois dansé ensemble. Pardonnez-moi mais cela provoque en moi un malaise. Malgré toutes les avances que l’on accorde aux gays dans mon pays, je ne vois toujours pas d’homos se promener main dans la main au travers de mes rues tournaisiennes (une ville quasiment campagnarde), dans l’ombre protectrice des maisons espagnoles ou flamandes. L’intégration se conquiert, à mon goût, trop souvent au prix du sacrifice d’une certaine visibilité.

Mais revenons-en à la problématique de l’exil. L’Italie n’est, bien sûr, pas la seule à l’avoir pratiquée. Les nazis ont déporté les homos dans des camps de concentration. Pareil pour l’Union Soviétique stalinienne ou le régime cubain des années soixante. Rééduqués, violentés, exterminés parfois. Telles furent les horreurs de ces exils.


 

Cependant, l’exil prend d’autres formes, parfois. Comment nommez-vous par exemple ces quartiers où les gays se rassemblent pour y vivre ? On m’objectera qu’ils sont libres de le faire, que personne ne les y déporte, que le contexte est différent, qu’ils ne sont pas en situation de précarité, je suis d’accord. Mais tout de même… Est-il faux de penser qu’il demeure plus aisé d’y être « visible », d’y être « soi » que dans les villages provinciaux ? N’est-ce pas aussi une forme d’exil au fond ? Une île incrustée dans la capitale où l’on peut se permettre certaines libertés plus difficiles à vivre ailleurs.

Vivre à l’écart des autres est loin d’être un détail, une exception dans l’histoire des homosexuels. Nombre de déesses protectrices des homosexuels ont, elles-mêmes, fait l’objet de bannissement. Ainsi en est-il de l’Anukite des sioux, condamnée à vivre seule dans la forêt pour avoir tenté de désunir le soleil et la lune. Il en est de même, également, de Yellamma, chez les indous, bannie de son mari pour une infidélité qui, d’ailleurs, n’avait même pas eu lieu. Les clans homosexuels qui vivent sous la protection de telles déesses reproduisent eux-même, bien souvent, l’exil de ces déesses en s’installant à part des autres. En dehors du campement par exemple. Ou dans un quartier bien précis de la ville. Une manière de reproduire le bannissement de leur divinité tutélaire. Mais pas seulement ! C’est aussi une façon de se retrouver entre soi, de manifester un mode de vie différent, de conserver certains mystères qui ne doivent pas être accessibles à tous. Cette vie à l’écart n’y est pas forcément la conséquence d’une exclusion. Ce peut être également la revendication d’une différence, d’un mode de vie particulier, qu’ils n’ont absolument pas envie de partager avec d’autres.

Il est, somme toute, une différence entre une vie en marge, consentie et choisie, et un exil forcé résultant d’une condamnation. Toutefois, les frontières entre les deux ne sont pas forcément toujours très claires.

Pour en revenir à la bande dessinée qui est à l’origine de ce billet, je ne peux que vous la conseiller, au moins pour votre culture personnelle. Et si, comme moi, vous êtes convaincu que se souvenir de notre histoire nous permet de mieux être nous-même dans le monde, alors, achetez-la. Pareil à moi, vous serez sans doute étonné de découvrir les heures festives parsemant les jours sombres de ces hommes. Voyons-y la preuve indéniable qu’au plus noir de l’horreur, l’humain parvient à être libre et à aimer.

Mais la raison la plus claire que vous pourriez avoir d’acheter cette BD est qu’elle sort ces hommes du silence. Je n’oublie pas que le silence est le frère de la honte. Et la honte est l’ennemie de toutes les visibilités.


Plongez dans les précédents « Chaudrons roses »

 

TO BE CONTINUED...
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