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de  Nico Bally

 

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L'ENROBEUSE MÉTALLIQUE

 

Nico Bally a publié une multitude d'histoires étranges sur divers supports, du webzine à l'anthologie, en passant par le livre photo-musical.

Après avoir sillonné les villes les plus exotiques et palpitantes du globe (Dunkerque, Manchester), il vit aujourd'hui à Lille où il fête tous les jours son non-anniversaire (trente ans tout rond) avec un lapin gay, une chatte blanche déguisée en chatte noire, et la fée Clochette.

En marge de l'écriture, il travaille comme contrôleur de contenu pour Recisio Music malgré de longues études en sciences, informatique et philosophie. Il respecte les lois du TATBAR (Touche À Tout, Bon À Rien) en s'adonnant à la photographie naïve, la musique noise-ambiant expérimentale, les courts-métrages DIY, l'auto-pornographie, le rot tonal et la peinture sur vélo.

Pour Les Toiles Roses, il élargit ses univers fantastiques-oniriques en développant les thèmes LGBT qu'il avait trop souvent mis de côté.

 

 

L'Enrobeuse Métallique était installée dans un coin de mon loft.

On aurait pu la prendre pour une énorme cabine de chiottes publiques. Les cadeaux de Gigi ont toujours été d'une laideur sans nom.

Mais je dois reconnaître que malgré son allure, l'Enrobeuse m'avait rapporté un peu d'argent. Pas assez, évidemment, pour combler le gouffre financier dans lequel j’avais sombré et me vautrais. Après tous les coups de main de Gigi, après le loft loué à moitié prix, même l'Enrobeuse ne m'aurait pas permis de me redresser avant des années.

« Ma petite Daphné, m'avait lancé Gigi, vu que tu refuses de prostituer ton corps de princesse, je suis bien obligé de te trouver d'autres moyens de te nourrir. »

Gigi était toujours plein de bonnes intentions, cachées derrière son cynisme de dandy.

Pourtant ils passaient, les clients. Quelques collectionneurs, des artistes. Ils venaient avec leurs statues, leurs reliques, pour les faire recouvrir d'une couche de métal inoxydable, chromé, à l'abri du temps.

L'Enrobeuse fonctionnait comme une cabine de douche balançant un alliage en fusion aussitôt refroidi à l'azote. Du lourd, prévu à la base pour rendre inopérantes d'anciennes torpilles, ce genre de conneries. L'armée s'est débarrassée du seul prototype existant, la pellicule d'alliage n'étant pas assez efficace. À la place de missiles pacifiés, ils se retrouvaient avec de jolis missiles chromés, et toujours dangereux. Ils ont finalement se décider à les enterrer. Et la machine a été revendue à un excentrique, Jean-Jacques Pellevier, mon Gigi, mon protecteur, le seul mec que je laisse m'approcher.

La seule personne que je laisse m'approcher, en fait, depuis Laetitia. Mais c'est une autre histoire, cœur brisé, premier amour, blablabla, vous connaissez la chanson. Certains recollent les morceaux, retentent même le coup. J'étais plutôt le genre de fille à laisser la plaie béante pour mieux la lécher dans mon trou.

Gigi disait que ma mélancolie m'apporterait peut-être l'inspiration. Mais je sculptais de moins en moins, et vendais encore moins mes œuvres. Trop tristes, trop classiques. Ou trop modernes, et toujours trop tristes.

C'est encore pour me titiller l'inspiration, et aussi pour dégoter quelques clients pour l'Enrobeuse, que Gigi m'a traînée jusqu'à l'exposition des œuvres orphelines. Des sculptures, mais aussi des tableaux, même quelques photos, dont on ne connaissait pas les auteurs. Un beau concept d'exposition bien déprimante.

On échangeait nos commentaires aigris sur la pauvreté artistique de ces œuvres abandonnées lorsque mes yeux sont tombés sur elle.

Des cheveux en cascade, comme une déesse grecque. Une bouche qui semblait sucrée. Une poitrine parfaite, un grain de peau incroyable.

« Oh la bonasse ! » s'écria Gigi.

Je fus presque gênée qu'il en parle comme ça.

« Arrête de rougir, Daphné, c'est une statue, elle ne nous entend pas.

— Statue ou pas, elle est trop belle pour qu'on en parle comme tu fais. »

Il leva les yeux au ciel quand je tournai autour d'elle, osant à peine venir contempler ses fesses qui s'annonçaient aussi sublimes que le reste.

Mais je retins un cri en voyant ce que le sculpteur avait créé.

Elle, qui était si belle de face, se transformait en monstre dès qu'on la contournait. De son dos semblait s'extraire une horreur dégoulinante, un démon dépecé, hurlant et tendant ses bras, comme pour s'extraire du corps de la déesse.

« Voilà qui est intéressant ! jubila Gigi. Un siamois démoniaque ?

— Je dirais plutôt que c'est la masculinité s'échappant de la féminité pour la rendre parfaite, répondis-je platement.

— Charmant. Ou alors la personnalité hideuse se concrétisant en un double maléfique ? Genre Mr. Hyde s'extirpant du Dr. Jekyll ? »

Je ne répondis pas aux théories de Gigi, qu'il continuait malgré tout d'égrener au fur et à mesure de son délire interprétatif. J'étais subjuguée, à la fois attirée et repoussée par le charisme de la statue. Son côté hideux au moins aussi repoussant qu'était sublime son côté féminin.

Et comme toujours, Gigi lut mes pensées. Comme toujours, il dégaina son chéquier pour me faire une faveur que je ne méritais pas, et dont je ne saurais pas tirer profit intelligemment.

Il m'offrit la statue.

Elle n'avait pas plus de nom que de créateur. Je me contentai de l'appeler « Elle » ou « ma statue » en attendant de trouver mieux, et la fis installer au centre du loft, le visage tourné vers mon lit.

« Tu vas l'enrober ? me demanda Gigi.

— Non, elle a une peau superbe. La pierre blanche lui donne des airs de chair pâle.

— Justement, c'est flippant. Un peu de chrome et elle deviendra un super Terminator.

— Elle n'est pas un robot tueur, Gigi, mais une déesse, une allégorie... »

Comme à chaque fois que je parlais d'elle, je la regardais, par respect. Et comme à chaque fois que je la regardais, je perdais pied.

« Attention, Pygmalionette, tu tombes amoureuse d'une œuvre d'art ! Ce qui n'est pas étonnant de la part d'une artiste, mais quand même... Celle-ci a un cœur de pierre.

— J'aime ta poésie, Gigi. Mais tu n’irais pas te coucher, par hasard ?

— OK, je te laisse avec ta nouvelle copine… »

 

Je rêvai, évidemment.

J'étais dans mon lit, et je voyais la statue respirer. Très lentement, comme une illusion d'optique, quelque chose qu'on fixe trop longtemps et qui semble se mouvoir.

Sa poitrine se soulevait puis se rabaissait, au ralenti, au rythme d'une pierre qui respire.

Puis ses yeux semblaient bouger, lentement, toujours très lentement, pendant que ses pieds la portaient vers moi.

Étendue dans mon lit, je restais immobile. Par peur de la surprendre, peut-être. Ou parce que ça n'était qu'un rêve.

Elle approchait sa tête de la mienne, le regard plein de questions, les lèvres entrouvertes, l'haleine froide et poudreuse.

À quelques millimètres de ma peau, elle descendit sur ma nuque, comme pour m'embrasser, me goûter, me sentir.

Sa main caressa doucement mon sein, le regard émerveillé, la respiration s'accélérant.

Je me décidais à bouger, à la toucher, pour voir si tout cela était réel.

Je caressais ses cheveux, d'une douceur de craie, tandis que sa main glissait vers ma cuisse.

Nos caresses descendaient, elle vers mon ventre, moi dans sa nuque. Je sentais nos corps s'ouvrir comme deux fleurs amoureuses lorsque ma main rencontra quelque chose de gluant. Je jetais un œil puis poussai un cri. J'avais oublié son dos, le monstre aussi avait pris vie, il hurla soudainement plus fort que moi.

Je me suis réveillée en sursaut. La statue trônait au centre du loft, le téléphone gueulait. Je l'ai laissé s'égosiller. C'était sûrement Gigi ou un client pour l'Enrobeuse. Je n'avais envie de parler à aucun des deux.

Je m'approchais d'Elle.

« Il te fait souffrir, ce monstre qui sort de ton dos ? »

Lui semblait souffrir, en tout cas, comme noyé dans la lave.

Je pris une grande respiration, et empoignai mes outils.

L'une de mes règles est de ne jamais sculpter au réveil. Les quelques fois où j'avais tenté le coup, j'avais ruiné un travail excellent. Je sculptais la nuit, avant de dormir, jamais le matin.

Mais pour Elle, je fis une exception. Il fallait La soulager.

Je ne sais pas combien de temps je mis à détruire le monstre, mais le téléphone sonna plusieurs fois. Gigi devait avoir un truc à me dire. Il finirait par passer, je le savais, et je ne pourrai pas me permettre de ne pas lui ouvrir, puisque de toute façon il avait les clefs.

Mais quand il la verrait, il comprendrait que je devais rester concentrée pour ne pas l‘abîmer.

Les coups de burin, associés aux hurlements du téléphone, me vrillaient les oreilles.

Une fois le monstre détruit, je commençai à sculpter le dos, un beau dos classique et lisse, un dos de nymphe.

Je ne pouvais pas me défaire du bruit, comme si l'écho du burin résonnait sans s'arrêter. Je tentais malgré tout de rester concentrée.

Ayant presque terminé, je décidai de prendre un peu de repos. De laisser mes oreilles se calmer, plus de burin, téléphone débranché.

Mais le bruit continuait, comme un acouphène. Il ressemblait au cri de mon rêve, un hurlement de pierre.

« Souffres-tu ? » demandai-je à ma statue.

Ma retouche l'avait sûrement torturée. Mais il était trop tard. Le cri devenait de plus en plus lourd, à la fois plus grave et plus perçant.

Je pensais alors à l'Enrobeuse. Refermer la plaie, cautérisée par l'alliage brûlant, puis soignée par la crème de l'azote liquide.

Ma statue serait chromée, mais guérie.

Je l'emportai vers l'Enrobeuse, vacillant sous l'horreur du cri qui ne cessait pas. Je démarrai le système, vérifiai les paramètres ; il fallait une couche très fine.

Au moment de refermer la machine, je voulus dire un dernier mot à ma statue, lui dire que tout se passerait bien, simplement une petite douche, et ensuite elle se sentirait mieux.

Mais elle me tournait le dos, ce dos qui la faisait tant souffrir, encore brûlant de l'extraction opérée trop brutalement.

Je vins la retourner, le visage vers moi, je lui murmurai mon amour à l'oreille, lui embrassai la joue. L'Enrobeuse était prête, la porte se scella automatiquement.

Idiote.

La machine ne pouvait s'ouvrir que de l'extérieur, évidemment.

« On va prendre une petite douche à deux, et tout ira mieux. »

Je me suis mise à pleurer, submergée, le cri était insoutenable.

J'ai voulu serrer la statue dans mes bras, j'ai trébuché, l'alliage en fusion m'a déchiré la chair. J'ai joint mes hurlements aux siens pendant que je me débattais sous cette pluie de métal bouillant.

 

Puis tout fut calme.

Plus de cri, plus rien.

Lorsque l'Enrobeuse eut finit son travail, la porte se ré-ouvrit. Gigi était devant, il me cherchait, criait mon nom.

Il vit la porte s'ouvrir, les gaz s'évacuer.

Il plissa les yeux.

« Ah, tu as finalement enrobé ta statue ! »

Puis il s'est retourné et a crié « Daphné, où es-tu ? »

 

J'étais là, pourtant, devant lui, figée dans ma statue, les bras décharnés tendus vers le ciel, comme pour m'en extraire.


© Nico Bally – 2010.

Tous droits réservés.

Direction littéraire de la série : Daniel Conrad & Pascal Françaix,

avec l'aide de Gérard Coudougnan.


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