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TV : La Lucarne Rose

La bande annonce de la saison 2 sur Pinktv :


HOT CAST 2 :

Le casting de la saison 2 d'Hot Cast

Mohamed n'ayant pas eu son heure de gloire dans Le Royaume (TF1), seule émission de télé-réalité interrompue avant la fin de sa diffusion en France, revient sur le petit écran en qualité non plus de candidat mais d'animateur à mission : il doit caster parmi six jeunes hommes « recto /verso » celui qui deviendra  la nouvelle star des films pornographiques gay. Pour l'aider dans son jugement, il aura à ses côtés François SAGAT, une des stars en la matière.
Pour ce « divertissement érotique », ces graines de star X sont réunies dans une superbe villa marseillaise pour passer des bouts d'essais « devant la caméra experte de Stéphane CHIBIKH, le réalisateur des films X cultes "Wesh Cousin"/"Citébeur". » Parmi les défis qu'ils devront réaliser en dehors de leurs talents d'acteurs, sont prévus des séances intensives de pompes et d?abdos, des concours de caleçons mouillés ou encore un strip-quiz !
Extraits de la présentation pleine d'humour de PINK TV :
« Six canons qui en ont dans le pantalon et qui sont prêts à relever les défis les plus torrides pour devenir la porno star gay de l'année, enlèvent le bas et révèlent enfin leurs vrais visages. S'ils ne savent ni danser ni chanter, ils ont un autre atout : un organe hors du commun qui se mesure en dizaines de centimètres et qu'ils n'hésitent pas à montrer. »
« Hot Cast, c'est encore meilleur au second degré surtout quand les candidats se montrent 100 % naturels. En effet, tout au long de la journée, ils pourront passer à confesse dans la "backroom" et se décharger, avec une spontanéité totale, de leurs pensées du jour. Et quand des apprentis porn stars font travailler leur Q.I., on peut être sûrs qu'ils ne tourneront pas sept fois la langue dans leur bouche. Répliques culs et cultes en perspective pour fous rires garantis ! »
« Enfin, nos jeunes adeptes de l'effeuillage auront la chance de rencontrer la superstar internationale du porno gay, François SAGAT, pour une masterclass qui restera dans les annales ! »
4 épisodes de 26 minutes
Déconseillé aux moins de 16 ans

Hot Cast 2, à partir de vendredi 10 novembre, 22:40, sur Pinktv.
Hot Cast 1 :

Le casting de la saison 1 d'Hot Cast

On n'arrête plus la télé-réalité. À partir du dimanche 13 novembre 2005, PinkTV diffusera Hot Cast, le premier programme de télé-réalité gay très, très hot, inédit TV France.
Ils sont six jeunes et beaux garçons. À la fin, il n'en restera qu'un !
Leur rêve ultime ? Devenir la nouvelle star du X gay !
PinkTV vous invite, en exclusivité, à faire connaissance avec ces six apprentis porno stars qui ne tarderont pas à hanter vos rêves les plus torrides.
Pour obtenir ce titre tant convoité, ces jeunes adeptes de l'effeuillage vont devoir cohabiter pendant une semaine.
Sous la caméra experte de Stéphane Chibikh, le réalisateur des films X cultes les candidats s'affrontent dans des défis de plus en plus sexy. Un jury composé d'experts et de professionnels du X évalue leurs performances au travers d'épreuves sportives pour entretenir leurs corps sublimes, d'épreuves de séduction et de travaux pratiques de plus en plus chauds au fil des épisodes...

Hot cast 1 (bis) la version X « après » la version TV :
Feuilleton du réel à succès sur Pink TV, Hot cast, sorte de Star Academy du X, nous montrait comment six candidats, apprentis acteurs de porno, s'affrontaient dans des épreuves destinées à faire d'eux de grandes vedettes. Le résultat, un peu canaille et un peu cul-cul, a fait les belles nuits de Pinktv.
Aujourd'hui, le producteur de cette série (le patron de Citébeur) nous propose la version X non censurée. C'est-à-dire tout ce que vous n'avez pas pu voir à la télé. Car derrière les jeux un peu convenus (mettre une capote sur un gode), les chicaneries très télé-réalité, les impétrants ont tout de même beaucoup baisé pour montrer qu'ils avaient du coeur à l'ouvrage. C'est ce que nous montrent les plans à deux, à trois, à quatre et la partouze finale avant le départ des concurrents. Ces scènes montrent les qualités physiques de la plupart des modèles (les 25 centimètres de Souan, la bouche experte de Jeremy, les coups de bassin de Brice...), et la patte du réalisateur sert au mieux les modèles. En tout logique, c'est Brice, le grand vainqueur du jeu, qui tire le mieux son épingle du jeu. Cela étant, c'est loin d'être un débutant comme on le prétend dans l'émission.

Saison 1 : L'avis de Ma vie de patate :
Ça y est, j'ai enfin vu le pire du pire en matière de télé-réalité.
Vous qui passez par là, vous pensez que le fond de la bêtise humaine avait été atteint avec L'île de la tentation, Mon incroyable fiancé ou Le pensionnat de Chavagnes, que le Bachelor c'est de la grosse merdouille (et encore, M6 n'a pas osé faire d'adaptation de Playing it straight, formidable émission de télé-réalité ricaine, dans laquelle Jackie, une gourdasse du Wisconsin, venue trouver l'amûûûûûûr auprès de 15 bombasses, tombe des nues quand elle apprend que le jeu est truqué, puisque la moitié des candidats sont gays, et qu'elle va devoir faire la chasse aux pédés.
Là, c'est les présentations, et Jackie est déjà en train de glousser ?
D'ailleurs, les ricains ont récidivé avec Boy meets boy, dans lequel un pédé venu trouver l'amûûûûûûr, doit faire la chasse à l'hétéro parmi ses prétendants. Je préférais largement la gourdasse du Wisconsin (Fin de la parenthèse). Je pensais que d'ailleurs on avait touché le fond dès le premier Loft story (oh non, là vous êtes vraiment dur, c'était bien le Loft, et encore mieux le Loft 2).
Donc on a touché le fond, et c'est Pink TV qui gagne le gros lot (à savoir mon futur désabonnement, parce que même les films de boules sont à chier sur Pink TV). Ca s'appelle Hot cast et voici ce qu'en dit le site de Pink TV :
« Faites tomber les chemises !
PinkTV annonce une vague de grosse chaleur avec Hot Cast, programme de télé-réalité très très hot où les candidats ne rêvent que d'une chose : être la nouvelle star du X gay.
Dès le premier rendez-vous, vous ferez connaissance avec les six apprentis porn stars qui ne vont pas tarder à hanter vos rêves les plus torrides. Ces beaux jeunes hommes adeptes de l'effeuillage vont relever les défis les plus sexy, sous le regard d'un jury composé d'experts et de professionnels du X.
Attention : ce programme très coquin n'est pas réservé aux yeux effarouchés des téléspectateurs non avertis. On vous aura prévenus ! »
Alors j'ai pas tout compris à la dernière phrase, mais ça doit signifier que, bien que diffusé après minuit le dimanche soir, le programme est seulement interdit aux moins de 16 ans. Donc en gros, on a droit à de la soupe de langues, du touche-zizi à travers le pantalon et quelques bouts de zigounettes entr'aperçus (mais j'ai pas été très perceptif à ce moment-là, je n'ai pas bien vu, c'est dire si c'est furtif). Alors là, croyez-moi, c'est très très chaud, houlà oui, c'est super hot comme émission ! J'étais tout excité sur mon canapé moi, tellement c'était trop hot. Bon j'ai un peu raté le début, vu que j'étais en train de tripatouiller mon ordinateur dans la chambre (et comme la télé se trouve à l'autre bout de l'appart', j'ai pas entendu de quelle émission il s'agissait) (oui bon d'accord en vrai, j'étais en train de dragouiller sous dialh, mais ça ne veut pas dire que je me tripatouillais). Je suis arrivé au moment où les six candidats, en train de se dorer la pilule au bord d'une piscine, reçoivent la visite de leur coach.
Alors le coach, il s'appelle Brahms, il est coach de stars, même qu'il a pas le droit de dire de quelles stars il s'agit parce que c'est secret professionnel tu comprends. Et d'ailleurs, moi je vous l'avais pas dit, mais je suis manager de Madonna en vrai, et pas informaticien à la Poste, c'est pour ça qu'en ce moment, j'ai un taf terrible, et j'ai pas trop le temps de bloguer. Oui Louise (je l'appelle Louise en private), elle a une petite actualité en ce moment, oh trois fois rien, mais du coup on fait un peu la tournée des popottes en ce moment. Mais revenons à Brahms, avec son look de caillera (jusqu'à la fausse cicatrice au sourcil). Brahms avertit de sa voix virile (oui, parce qu'il a des muscles et une grosse voix virile, ça compense son prénom ridicule) les candidats qu'il est là pour leur faire passer des épreuves sportives très très dures, qu'ils vont en chier parce que la sélection est très très dure et la récompense très très prestigieuse, mais que s'ils sont sages il viendra les border le soir. Et plus si affinités. Ensuite on a droit à un magnéto Serge sur le quotidien de Brahms, où on apprend ses mensurations mais pas la longueur de sa queue, et où on le voit dans sa salle de muscu en train de s'exercer, parce que Brahms adore faire fonctionner les muscles de ses cuisses puissantes, dixit le commentateur. Et effectivement, on le voit pousser un peu de fonte avec les jambes, mais faudrait que tu exerces un peu les mollets, Brahms chéri, parce que là t'es un peu ridicule avec tes mollets de crevette. Oh puis pendant le magnéto, t'as un peu oublié ta voix de sergent instructeur de FULL METAL JACKET (sans jeu de mots), t'es pas très crédible du coup. Et puis va à la muscu un peu plus souvent, on voit bien que t'es un peu gras sous ton T-shirt que tu veux pas enlever. Et les biceps c'est pas trop ça non plus, j'ai un peu les mêmes, c'est pour dire.
Donc première épreuve. Oulala, j'en frémis d'avance, qu'est-ce que ça va être comme épreuve très difficile ? Une épreuve de fellation, où celui qui suce le moins bien Brahms est éliminé ? Ou on passe direct à la double pénétration ? Non, il s'agit d'une épreuve de prévention, les candidats doivent courir d'un bout à l'autre du jardin, afin d'enfiler le plus rapidement possible un préservatif sur un gode. Tellement dure que sur les six candidats, un seul réussira à enfiler correctement le (trop petit) préservatif sur le (trop gros) gode. Il y a même un abandon : « Non mais là je peux pas, ça glisse trop ! » (tant pis pour les clichés, mais pour la prononciation de la phrase, il faut imaginer la voix d'une coiffeuse fan de Mylène Farmer).
Et les candidats alors ? Ben le peu que j'en ai vu, c'est quand même des dindes que la grippe aviaire a épargné (malheureusement pour nous), mais qui se la joue caillera et djeuns de téci, bonjour le cliché, mais ceci est sans doute dû au fait que l'émission est produite (ou co-produite) par Citébeur, à qui l'on doit l'inénarrable série de pornos WESH COUSIN, qui ferait passer Jean-Noël René Clair pour Stanley Kubrick, c'est dire la qualité (et JNRC à la base, c'est quand même de la grosse merde). On a aussi un régional de l'étape, Brice de Bordeaux, 20 ans, 20 cm, gymnaste, oui gymnaste : on le voit faire la roue puis une rondade pendant le magnéto Serge. D'ailleurs ami lecteur, en plus d'être manager de Madonna, je suis aussi champion de natation. Bon, j'ai un peu loupé les qualif? pour les JO, mais c'est parce que ce jour-là, j'avais un championnat de Sudoku...
Ouais, si je veux !
I wanna be a pornstar too
On a même droit à un aperçu de l'émission de la semaine prochaine : les candidats se roulent des pelles dans la piscine (ouh, c'est chaud c'est chaud), puis participent à une épreuve très très dure, qui m'a tout l'air d'une séance d'abdos. À moins que ce ne soit une tentative d'auto-fellation.
Vous pensez que c'était du n'importe quoi ce billet ? Si vous êtes sages, dans la semaine je vous fais un billet où un zombie encule une vache (ça c'est du teasing !)

Pour plus d'infos :

Site officiel
Pour commander le dvd soft de la saison 1, cliquer sur le logo

 

Épisode 2 : Des clones et des Individus

Par Sullivan LePostec
Front de Libération Télévisuelle
- juin 2005


Si les gays et lesbiennes abondent dans les séries télés d’aujourd’hui, il n’en a pas toujours été ainsi... Retour sur trente ans de représentation de l’homosexualité dans les séries.

La bête médiatique a ceci d’étrange qu’elle est autant capable de s’emballer sans aucune retenue pour un événement de moyenne importance que de passer sous silence un autre d’importance plus grande. Nous avions conclu la première partie de cet article sur le coming-out double d’Ellen de Generes et de son personnage dans la sitcom Ellen à la fin de la saison 1996-1997. Un événement qui allait profondément changer la manière dont les séries télévisées aborderaient la question de l’homosexualité. Mais revenons quelques mois plus tôt...

Première fois

Au début de cette saison, une nouvelle série a fait son apparition, une création de Jason Katims, produite par Edward Zwick et Marshall Herskovitz. Cette équipe créative avait déjà été à l’origine, deux saisons plus tôt, de la formidable My so-called life (Angela 15 ans, 1994-1995). Cette série avait elle-même brisé un tabou majeur en mettant en scène un personnage homosexuel adolescent, avec en plus toute la richesse psychologique, la rigueur d’écriture, le réalisme et la qualité d’interprétation dont cette série ne se départait jamais. Angela avait connu une annulation abrupte au terme de 19 petits épisodes, mais connaîtrait une vie majeure en rediffusion, la reprise en boucle de la série par MTV la faisant connaître et la transformant en véritable série culte.

L’équipe arrive donc sur ABC (une chaîne qui, vous l’aurez remarqué, revient très souvent...) avec Relativity (1996-1997). La série est centrée sur Isabel et Leo, un jeune couple qui s’est rencontré lors de vacances en Italie, et sur leur famille et amis. Parmi eux, la sœur de Leo, Rhonda, présentée comme lesbienne ; ce personnage est le premier personnage de lesbienne récurrente à faire partie de la distribution principale d’une série.
Mimant un peu le parcours d’Angela, cette série très bien écrite ne rencontre pas le public et déroulera ses épisodes dans une relative indifférence. C’est ainsi presque en toute discrétion qu’elle mettra en scène le premier baiser homosexuel « romantique » de l’histoire de la télévision, qui sera donc lesbien. The Day the Earth Moved [1.13, janv. 1997] qui contient le baiser entre Rhonda et sa petite amie Suzanne est, à l’image de la série elle-même, remarquable en cela qu’il montre la relation de ce couple ainsi que ses interactions avec les autres personnages de manière naturelle et non sensationnaliste. Et s’ils se garderont de trop attirer l’attention sur le programme à l’audience faible, l’occasion servira tout même à justifier quelques belles sorties des fondamentalistes. Ambiance : « L’industrie télévisuelle continue de promouvoir les intérêts homosexuels avec une ferveur ascendante, au travers de personnages homosexuels réguliers, de mariages homosexuels et maintenant des scènes d’embrassades lesbiennes passionnées. Et ils n’arrêteront pas leur assaut sur la moralité avant que la société américaine ne plie et accepte totalement le mode de vie homosexuel comme légitime. »
On peut s’interroger sur le fait que cet événement marquant provoquera moins de remous et de changements que le coming-out d’Ellen cinq mois plus tard. Si la petitesse de l’audience de Relativity en est une raison, c’est la structure de cette audience elle-même qui est aussi en cause. Dans une certaine mesure, il peut être mentionné que la série, drama sensible dépeignant de façon réaliste la vie de personnages modernes, prêchait pour une large part de convaincus. A contrario, Ellen est une sitcom, genre qui plus que tout autre va rassembler la famille et tendre à toucher l’Amérique profonde. La nature de célébrité d’Ellen de Generes et l’intelligence du coup médiatique (le double coming-out personnage/actrice) achèveront de fournir à la presse et au reste des médias de quoi alimenter leur moulin.

Un autre paradoxe est intéressant à soulever. 15 ans séparent le premier personnage principal gay récurrent du premier personnage principal lesbien récurrent. Pourtant, c’est ce même personnage lesbien qui sera la première à embrasser une partenaire (et Ellen ne tardera pas à lui emboîter le pas).
L’apparent paradoxe met bien en évidence l’erreur qui consisterait à croire qu’Ellen et Relativity mettent en valeur une plus grande tolérance face au lesbianisme. Simplement, les mécanismes de rejet des lesbiennes et des gays sont très différents. Les lesbiennes sont confrontées à un déni d’existence qui veut induire que leurs relations ne sont pas véritablement sexuelles, en l’absence de pénétration. Et si on ajoute à cela les fantasmes graveleux du beauf de base qui aime à s’imaginer au milieu d’un couple de femmes... À cet égard, et en dépit de quelques merveilleux épisodes notamment de Picket Fences sur le sujet, la façon d’Ally McBeal de tourner autour du sujet des baisers féminins uniquement sous l’angle de l’érotisation hétéro manquera régulièrement de peu de sombrer dans le mauvais goût.
S’arrêtant au terme d’une cinquième saison qui aura accordé une très large part à la question gay, Ellen laisse donc derrière elle un paysage audiovisuel américain assez profondément marqué. Les personnages récurrents gays ou lesbiens se multiplient... Souvent, pourtant, ils sont encore généralement des personnages de second (voire troisième) plan. Surtout, on sent que si tout le monde a le désir d’avancer sur le sujet, encouragé par le buzz globalement positif et les frémissements d’audience souvent notés, on reste prudent. Les personnages restent généralement asexués et leurs histoires personnelles ne bénéficient pas d’une égalité de traitement avec celles de leurs camarades hétéros.

L’un des programmes les plus marquants à surfer sur la vague friendly de l’époque sera bien sûr Will & Grace (1998-~). Créée par un gay, Max Mutchnick, les intentions de la série ne sont donc pas à remettre en cause. Néanmoins, les limites de ce qu’on peut montrer à cette époque sont évidentes. Reste que la série a, tout comme Ellen, l’avantage d’être une comédie, ce qui lui permet une grande exposition ; et puis, tout comme Ellen, Will & Grace est très souvent drôle !..
En tout état de cause, la situation est parvenue à une sorte de nouveau point d’équilibre, et a besoin d’un nouvel élément provocateur pour aller à nouveau de l’avant. La nouvelle impulsion sera prodiguée par deux nouveaux acteurs du paysage audiovisuel américain.

To be or not to be consensuel

Mon premier est une chaîne pour ados qui se développe avec succès à la fin des années 90. La WB accueille sur son antenne Kevin Williamson, scénariste en odeur de sainteté puisqu’il vient, à lui tout seul, de relancer le genre du slasher movie au cinéma (il est l’auteur de Scream et de quelques succédanés tels I know what you did last summer). Williamson est aussi ouvertement gay.
Il livre à la WB une série d’évidence hautement autobiographique, Dawson’s Creek (1998-2003). Mais, il est impossible de faire de son personnage principal, son double (à ce titre, je crois que le final de la série est éloquent) un gay, à fortiori parce que la série est un teen show. Le sujet est donc évacué de la première saison de la série. Mais si Kevin Williamson n’est sans doute pas le meilleur écrivain du monde, il ne fait en revanche nul doute qu’il est extrêmement intelligent.
Dans la seconde saison de la série, il introduit ainsi le personnage de Jack McPhee. Dès l’origine, son intention est de lui faire faire son coming-out. Mais rien ne le laisse initialement supposer. Williamson intègre d’abord le personnage comme un élément d’un nouveau triangle amoureux avec Joey et Dawson. Pendant plusieurs mois, Jack est présenté, et tout est fait pour lui conférer la sympathie du public. C’est alors que Williamson place son point. On le voit, très, très consciemment, Williamson rejoue le coming-out d’Ellen en version abrégée.
C’est dans un épisode clef diffusé pendant les sweeps – période où les audiences sont scrutées au millimètre – que Jack va se révéler. Les épisodes To be or not to be... & That is the question (2.14 & 15, février 1999) seront par ailleurs la dernière occasion pour Williamson de signer un script avant le double épisode final de la série. Ces deux segments mettent en scène un coming-out forcé tout ce qu’il y a de plus artificiel, Jack étant « obligé » de se positionner comme gay alors qu’il est à peine au début de sa prise de conscience, mais qui met du coup en place une situation très représentative du Dawson original de Williamson, c’est-à-dire très (voire exagérément) analytique.
Le mauvais coté des choses est aussi facile à voir : le Dawson original est en train de vivre ses derniers jours puisque Williamson quitte la série à l’issue de la seconde saison, laissant à ses successeurs la gestion d’une story-line qu’ils auront bien du mal à laisser s’écouler naturellement.

Toujours est-il qu’au terme d’une « quête » d’une saison, Jack embrassera à la fin de la troisième année de la série son romantic interest d’alors (la formulation « petit ami » étant véritablement abusive). True Love (3.23, mai 2000) marque donc le premier baiser entre hommes de la télévision US. Si on est loin des embrassades passionnées des couples hétéros, il n’est pas anodin de noter qu’il a lieu entre deux adolescents. Ni de tempérer immédiatement cette remarque en ajoutant que les acteurs n’ont pas loin de dix ans de plus que leurs personnages... Par la suite, la série continuera longtemps sur ce mode mi-figue, mi-raisin. On pourra en rejeter la cause alternativement sur plusieurs responsables. Les scénaristes enfoncent le personnage de Jack dans une démarche, disons-le, assez cul-cul et elle-même plutôt normative. Kerr Smith, l’acteur qui interprète Jack, fait inclure dans son contrat que le nombre de baisers homos possible est limité à 1 par saison (soit 22 épisodes) – il se relâchera sur ce point vers la fin de la série. Par ailleurs, il semble relativement certain que la WB elle-même n’est pas prête à laisser ses séries aller « trop » loin.
Quoiqu’il en soit, une nouvelle étape a été franchie, une fois de plus avec plus de retours positifs que négatifs. L’intérêt économique – nous sommes en Amérique et c’est un peu tout ce qui compte – de traiter de la question gay dans les fictions est démontré.

Toujours sur la WB, un autre personnage depuis longtemps établi (et jusque là parfaitement hétérosexuel) entame sa marche vers le coming-out. C’est dans Hush (4.10, décembre 1999) que le personnage de Tara entre pour la première fois dans la vie de Willow, la meilleure amie de Buffy, the vampire slayer (1997-2003). Dans la suite de la saison, la relation entre les deux jeunes femmes se développe, sans que pratiquement rien ne soit montré. Willow et Tara sont toutes deux des sorcières, et leur relation est mise en scène au travers de métaphores magiques et de formules orgasmiques. Ce n’est qu’à l’occasion de The Body (5.16, février 2001) qu’elles échangeront leur premier baiser. Le déménagement de la série sur UPN à partir de la sixième saison entraînera des changements visibles dans la manière dont les relations sentimentales de Willow seront abordées. Les baisers deviendront aussi fréquents que pour les couples hétéros, et plus largement, c’est tout leur traitement qui sera mis sur un pied d’égalité, au point que la perte de son amour rendra Willow folle de colère lorsque Tara sera assassinée à la fin de la sixième saison. Autre témoignage de cet état d’esprit, le montage final de Touched (7.20, mai 2003) où plusieurs couples sont montrés faisant l’amour, dont Willow et Kennedy dans une scène très hot avec piercing sur la langue inclus...

Vous avez dit clonés ?

Terminons enfin de signaler les « franchissements de limites » en évoquant deux autres séries. Once & Again, dans son épisode The Gay/Straight Alliance (3.16, mars 2002) met en scène un baiser entre les deux adolescentes Jesse et Katie, interprétées par Evan Rachel Wood et Mischa Barton, 15 et 16 ans, soit deux adolescentes elles-mêmes.
Enfin, le baiser lesbien du personnage de Bianca en avril 2003 dans All my children – après trois ans de présence en tant que lesbienne affirmée dans la série – marque une autre date importante puisque All my children n’est pas une série de prime-time mais un daytime soap qui touche l’Amérique profonde en plein cœur de l’après-midi.
Du point de vue de ce qu’il est possible de montrer, la situation a considérablement progressé. Si le baiser homosexuel, en particulier gay, n’est pas encore véritablement une habitude, il est devenu suffisamment fréquent pour ne plus constituer en lui-même un réel événement médiatique.
Mais, en dépit des progrès évidents, la multiplication de gays et lesbiennes un peu clonés sur le même modèle – ils sont, il faut bien l’avouer, régulièrement imprégnés de clichés ; ils partagent presque tous une tendance à l’asexuation ; leurs histoires personnelles et leurs relations ne sont souvent pas mises sur le même plan que celles des autres personnages – pourra souvent être vue comme l’institution d’une politique de quotas non officielle relativement agaçante. Je ne suis pas loin de penser que la gestion du sujet par la franchise Law & Order (1990-~ pour la série originale, trois séries dérivées existent. Elle est diffusée en France sous le titre ‘New York... District / Unité Spéciale / Section Criminelle) en aura été le parfait contre-pied et signe l’intelligence des gestionnaires de la franchise. Depuis longtemps, les séries Law & Order ont abordé la question de l’homosexualité. Soulevant de vrais débats, adressant des questions intéressantes, elles auront très certainement été plus bénéfiques que plus d’une série avec son homo de service crédité au générique. Reste que pour certains rabat-joie, l’absence de personnage principal gay dans l’une des séries de la franchise restait un « problème ». L’équipe répondra avec roublardise en mettant en valeur le caractère injuste et vain du débat en faisant faire son coming-out à un personnage lors de la dernière scène de son dernier épisode durant la 2004-2005. (Diffusion à venir en France.)

Un autre modèle

En ce début des années 2000, les gays et lesbiennes sont devenus visibles à la télévision. Mais, trop souvent, les séries tendent à se limiter à la problématique du coming-out et à ne pas, ou pas bien, gérer la suite des choses. C’est en ce sens que va agir l’autre élément provocateur, nouvel élément du paysage audiovisuel US., que j’évoquais plus haut.
Au delà des quatre networks de base accessibles à travers tous les États-Unis, au delà même des acteurs tels que les chaînes WB ou UPN, le développement du câble va donner naissance à de nouvelles plates-formes d’ampleur nationale, et donc capables de proposer une production novatrice et courageuse. Surtout, ces chaînes sont payantes ; elles s’adressent donc à un public spécifique, plus CSP+ que couch potatoes. En conséquence, elles ont des possibilités que les networks n’ont pas en terme de nudité, de langage, de contenus. Cela aurait pu en rester là. Oui, mais voilà, ces chaînes, et en premier parmi elles, HBO, vont recueillir un succès phénoménal. À titre d’exemple, il peut y avoir autant de monde devant un épisode des Sopranos sur HBO que devant un 24 Heures sur Fox. La seconde est accessible partout gratuitement quand la première requiert un abonnement spécifique (sur le modèle de Canal+ en France) !

Deux séries du câble vont faire évoluer les choses. D’un coté, je passerai rapidement sur Queer as Folk US. (2000-2005). L’adaptation décérébrée de la formidable mini-série anglaise se transforme en effet bien vite en série-ghetto, par des gays pour des gays, et surtout en véhicule à clichés, en premier lieu duquel la glorification du gay-viril-actif-dominant, tout droit sorti d’une imagerie porno mal assimilée sur laquelle aucun recul n’a été pris. Si on ajoute à cela une écriture faible, des acteurs aussi photogéniques que fadasses, et une réalisation clinquante dénuée d’intelligence, je n’ai pas vu de raison de m’y intéresser passé une dizaine d’épisodes de la saison 2.
En face, si je puis dire, HBO et Alan Ball proposent Six Feet Under (2001-2005). Si elle aussi commencera par aborder la question du coming-out – l’homosexualité du personnage de David étant secrète au début de la série – le moins que l’on puisse dire est que peu l’auront traité avec autant de richesse, en creusant autant le sujet et ses enjeux psychologiques : pression sociale, estime de soi, rêves d’enfant à enterrer (les siens et ceux de sa famille). Par ailleurs, elle abordera très vite d’autres questions. Rien que dans la première saison, sa confrontation très directe avec le drame de Matthew Sheppard (un jeune gay américain tabassé et que ses agresseurs ont laissé mourir accroché à une barrière) marque. Dans la série comme dans la réalité, la mort violente est l’occasion d’un déferlement de haine, des manifestants anti-homo encadrant la cérémonie d’enterrement de leurs pancartes, type « God hates fags » (Dieu hait les pédés). La fiction place très directement l’Amérique face à ses démons.

S’appliquant à tenter de concurrencer les séries « payantes » sur leur terrain, les grandes séries de luxe des Networks, celles que toute l’Amérique a la possibilité de regarder, vont peu à peu entamer de s’affranchir du thème unique du coming-out et de la difficulté à s’assumer en tant qu’homosexuel pour commencer à s’intéresser au spectre des questions soulevées par le sujet.
Ainsi de Urgences (1994-~) qui aura quelque part racheté le caractère quota très marqué de l’homosexualité de Kerry Weaver au fil des saisons, en abordant un certain nombre de questions. Parfois avec peu de bonheur : l’homoparentalité laissera un goût de sujet un peu survolé marqué essentiellement par du sensationnel (la fausse couche de Kerry, l’accouchement sorti de nulle part de Sandy qui refusait pourtant catégoriquement de porter l’enfant du couple, sa mort, puis la bataille juridique entre Kerry et les parents de Sandy pour la garde de l’enfant, résolue en un coup de baguette magique paresseuse par les scénaristes). Parfois avec une grande justesse : un épisode de la saison à venir de la série confronte avec une dignité bouleversante Kerry à son passé et aborde également le « conflit » religion – homosexualité.
Cet ensemble d’éléments me laisse à penser que nous nous trouvons, en 2005, après près de trente ans de traitement positif régulier du sujet à la télévision américaine, au bord d’une représentation juste et diversifiée de l’homosexualité dans les séries. La majeure partie des tabous me semblent levés ou en train de se lever.
À cet égard, il ne me semble pas anodin de signaler que le principal succès de la saison 2004-2005, Desperate Housewives, (2005-~), créée et produite par un gay, Marc Cherry, se permette de mettre en scène un personnage d’homosexuel maléfique. Si le temps du traitement 100 % politiquement correct est derrière nous, c’est qu’un grand pas a été franchi...

Pendant ce temps en Europe...

J’en vois qui râlent à la lecture de cet intertitre : « enfin on quitte les États-Unis ! ». Il faut cependant bien reconnaître que la situation du marché audiovisuel mondial positionne de fait les productions américaines en premier référent dès qu’on aborde le sujet.
Néanmoins, un point de leur passage de l’Atlantique est intéressant à souligner. Les séries américaines sont depuis toujours diffusées en France dans la plus totale anarchie. C’est notamment particulièrement sensible en terme de cases horaires, de nombreuses productions n’étant pas diffusées de par chez nous dans la case pour laquelle elles ont été conçues. La structure de notre marché fait que, bien souvent, des séries de soirée atterrissent au beau milieu de l’après-midi.
Deux attitudes sont alors possibles et pratiquées par les chaînes. La première consiste à censurer. C’est le sort que connaîtront toutes les allusions verbales à l’homosexualité dans les premières saisons de Xéna lors de son passage sur TF1. (Ironiquement, la fin de la série où la relation d’amour entre Xéna et Gabrielle devient assumée n’a jamais été diffusée que sur le câble). L’autre revient au laisser faire. Si possible discrètement dans l’espoir que personne ne le remarque. C’est ainsi qu’en France Jack de Dawson embrassera ses petits copains à 16 heures le samedi après-midi, devant des écoliers et des collégiens plus que les lycéens et les jeunes adultes auxquels la série est plutôt destinée. En cela, le consensualisme souvent excessif dans son traitement du sujet aura clairement été un atout qui aura permis à la série d’atteindre la cible qui a peut-être le plus à profiter d’une exposition à l’existence de l’homosexualité.
Mais la possibilité d’une telle chose met aussi clairement en valeur la différence de libération en matière de mœurs qui séparent les États-Unis de la France, et d’une bonne partie de l’Europe occidentale d’une manière plus générale. C’est en cela que la production spécifique Européenne est importante.
C’est en cela, aussi, qu’il est véritablement triste que rien de notable puisse être signalé avant la deuxième moitié des années 90. Avant cela, l’homosexualité ne sera jamais que l’occasion pour un « héros récurrent citoyen » de résoudre un « douloureux problème ». Et encore, un épisode et puis basta ! La chaîne et les créatifs s’en contentent facilement pour se donner bonne conscience. Autre représentation : le Gérard des Filles d’à Coté (1993-1997). L’acteur s’en donnait visiblement à cœur joie et aura porté la « sitcom » sur ses épaules pendant toute son existence, mais on s’abstiendra de faire d’autres commentaires (évoquer l’épisode Le Trou de la balle ou Gérard, affolé, trouve un trou de balle dans sa salle de bain serait un peu bas de notre part, n’est-ce pas ?).

Premier fait notable à signaler, Une Famille Formidable. Dans la deuxième moitié des années 90, le fils aîné, incarné par Roméo Sarfati, de la famille au centre de la série régulière de téléfilms, fait son coming-out. Élément remarquable : cela se passe sur TF1, et en prime-time.
Quand, à la toute fin des années 90, les directeurs de fiction des chaînes se décident enfin à s’emparer un peu du sujet, la structure de la fiction française, séries à récurrents bâclées d’un côté, unitaires « auteurisants » de l’autre, fera qu’il sera traité au travers de téléfilms plus ou moins événementiels.
On saluera le courage de France 2 pour proposer Juste une question d’amour en 1999. On gardera aussi la tête froide : l’ambition presque affichée était de s’acheter une conscience, les créatifs travaillant sur le film s’entendront dire que leur travail se doit être aussi « définitif » que possible puisque « on ne reviendra pas tous les jours sur le sujet ». C’est toujours dans ces moments-là que l’histoire prend un malin plaisir à vous prendre à contre-pied. Contre toute attente, le film est un gros carton d’audience, mérité devant la justesse de l’intrigue et surtout de l’interprétation. Mieux, il devient culte et, fait inédit, se vent abondamment en DVD. Les réactions des téléspectateurs sont toutes positives, et nettoient les inquiétudes des exécutifs de la chaîne qui trouvaient qu’il y avait « trop de baisers » entre les deux garçons. Dans la foulée, M6 propose sa variation sur le thème, À cause d’un garçon (2001). Là encore, bien que de moindre importance, le succès est tant commercial que critique.

Dès lors, un traitement plus libéré et direct du sujet devient possible, particulièrement sur les chaînes publiques. Les délais assez affolants de la création française font qu’ils sont pour la plupart seulement ces derniers mois en train d’arriver à l’antenne.
Faisant figure d’éclaireur, puisqu’étant déjà un personnage installé dans une série en cours au moment où la bride des scénaristes a été lâchée sur le sujet, le personnage de Laurent Zelder mène son bonhomme de chemin dans Avocats & Associés (1998-~). Après une phase hétérosexuelle, les scénaristes reviendront en effet à leur idée d’origine et installeront un couple gay très exposé de manière permanente dans la série. Récemment, le personnage célébrait même son Pacs.
On évoquera aussi La Vie devant nous (2002). Mais peu auront pu profiter de cette tentative de TF1 de s’approprier le teen show post-dawsonien en l’épiçant à la sauce française (plus de nudité, plus de sexe) tant la chaîne se montrera incapable d’assumer la cinquantaine d’épisodes produits. Moins d’une dizaine passera sur TF1, les autres font les beaux jours du câble. Introduit au travers d’un épisode où il servira de tentateur homo à un des personnages principaux, la série intégrera rapidement ensuite, pour une grosse moitié de ses épisodes, le personnage de Gaël, jeune gay qui s’assume dans sa classe de Terminale. Mais autant les premiers épisodes seront souvent assez réussis, autant le départ de la série du personnage de Constant (le tenté) révèlera des scénaristes sans aucune maîtrise de leur idée. Gaël devient ainsi brusquement hétéro le temps de quelques épisodes avant de finalement se suicider sans que la trame ne convainque personne.

Ces dernières semaines, France 2 proposait Clara Sheller (2005-~). Si le ton général de la série emprunte beaucoup aux fictions centrées sur des femmes à l’Américaine, d’Ally à Sex & the City, le traitement de l’homosexualité du second personnage principal, JP, se veut, lui, réellement décomplexé et Européen. Dans les faits, la question du coming-out – s’assumer ou pas ? – reste l’alpha et l’oméga du traitement du sujet ; et certains regretteront le centrage autour du couple, même s’il fait partie intégrante du concept de la série – et qu’elle a le grand mérite de ne pas diaboliser son personnage d’ange baiseur, Ben.
Début 2006, la chaîne proposera une nouvelle (mini ?) série dont le thème central sera le coming-out. On peut espérer que le traitement continuera dans cette bonne voie...

Impossible de faire un véritable tour d’Europe des traitements du sujet, tant par manque d’espace que de connaissance du sujet. Il me semble néanmoins intéressant et important de traiter, ne serait-ce que brièvement du cas de l’Angleterre. Dans un pays où la loi sera longtemps restée très répressive vis-à-vis de l’homosexualité, la fiction se sera très vite montrée à la fois audacieuse et de très grande qualité. Nous évoquerons trois exemples.

1999, l’Angleterre coiffe le monde entier au poteau en produisant Queer as Folk (le seul, le vrai !) mini-série de 8x30 minutes de Russel T. Davies, suivie l’année suivante par deux épisodes finals d’une heure.
Clichés à la fois non niés, mais passés à la moulinette, richesse psychologique des personnages, subtilité sans faille de l’écriture et interprétation parfaite, QaF U.K. dispose de tout ce qui manque cruellement à sa copie US., ce qui lui permet, elle, d’être vue et appréciée de tous les publics et pas seulement des homos. Le coté phénomène vaguement culte mondial autour de la série ne doit rien au hasard mais tout à une qualité rare.
Encore plus révélateur d’une audace réelle au lieu d’être simplement revendiquée, Et alors ? est une série pour ados très moderne et « jeune » (jusqu’à certains excès). Un des personnages de la bande d’amis est homo et sa sexualité et ses rencontres sont mises en scènes avec un naturel peu fréquent, dans une absolue égalité de traitement avec les autres personnages. En France, France 2 passera la série à la trappe après la diffusion de quelques épisodes le samedi matin. Depuis, elle tourne en boucle sur MCM.
Enfin, le plus grand soap anglais (sur le modèle duquel Plus belle la vie est calqué), Coronation Street aura fait une place au sujet. Dans un épisode d’octobre 2003, les deux personnages gays de la série se retrouveront pour échanger un baiser à l’écran. La scène fera scandale : la chaîne devra s’excuser (!), mais l’autorité de régulation des médias locale, l’ITC, rejettera la plainte déposée...

Nouveaux défis

D’une manière générale, à travers le monde, la question de la représentation de l’homosexualité dans les programmes de journée reste en quelque sorte la nouvelle frontière, celle où la balance des intérêts économiques n’a pas encore été réellement testée, de peur, clairement, de résultats négatifs.
Aux États-Unis, le baiser lesbien d’All my children, qui date pourtant de 2003, continue de faire figure d’exception. Le sujet étant un peu moins sensible en France, comme on l’a vu dans le cas de Dawson, il sera intéressant de voir l’approche qu’empruntera Plus belle la vie, qui vient d’introduire un gay parmi ses personnages, à fortiori compte-tenu de sa diffusion sur France 3 dont la cible est globalement plutôt âgée. Je suis pour ma part convaincu qu’un baiser homo à 20h20 sur France 3 ne provoquerait pas grand remous. Mieux, il sera un pas décisif dans la marche constante vers une acceptation de l’homosexualité.

Sources :
After Ellen : Site sur la représentation des lesbiennes à la télé US.
Media G : Observatoire du traitement de l’homosexualité dans les médias
Epguides.com et TV Tome.

Note : Au moment de la publication de cet article, mi-juin 2005, Plus Belle la Vie avait déjà franchit le pas et programmé quelques chastes baisers gays. Par ailleurs, le soap quotidien de France 3 continuait au même instant sa progression vers un succès établi : courant juillet, la série battait son record d'audience et dépassait désormais les objectifs de part de marché fixés à son lancement. Depuis, un couple gay extrêmement populaire fait les beaux jours de la série.


Épisode 1 : La présence fantôme

Par Sullivan LePostec
Front de Libération Télévisuelle
- juin 2005


Si les gays et lesbiennes abondent dans les séries télés d’aujourd’hui, il n’en a pas toujours été ainsi... Retour sur trente ans de représentation de l’homosexualité dans les séries.
Comment s’est acquise la visibilité homosexuelle ? Quelles résistances a-t-elle rencontrée, et quels retours a-t-elle générée ? Quels en ont été les instigateurs, et qu’ont-ils voulu communiquer ? Voilà quelques unes des questions auxquelles nous avons voulu apporter des éléments de réponse.

L’ambiguïté difficile à lever

Il ne tardera pas à devenir évident que la question de la représentation positive des homosexuel-le-s à la télévision est étroitement liée à un genre qui voit le jour à la télévision américaine à la fin des années 70... Avant cette date, la télévision, média familial par excellence, peut difficilement accorder une place à ce sujet tabou. Si un-e homosexuel-le vient à être plus ou moins franchement mis à l’image, il le sera alors dans un cop-show. Un contexte qui multiplie les occasions de, presque systématiquement, le mettre en scène comme au mieux, un marginal, au pire, un désaxé ou un asocial. Il n’y a pas de place pour une identification positive.

Le seul moyen par lequel celle-ci peut s’exprimer, c’est celui du sous-texte, de l’allusion, de la suggestion, bref : de l’ambiguïté savamment entretenue par et pour des initiés. On se souvient de Wild Wild West (Les Mystères de l’Ouest, 1965-1969) à la fin des années 60. On peut aussi évoquer Starsky & Hutch (1975-1979), dix ans plus tard. Mais cette deuxième série arrive à l’époque où le tabou se craquelle, où il commence à devenir envisageable aux États-Unis d’aborder la question un petit peu plus frontalement. Ce que fait un épisode de la troisième saison de la série, Death in a different place [3.06, octobre 1977]. Savante gestion des non-dits et des indices pourtant révélateurs, cette enquête se déroule dans une ambiance caniculaire qui laisse d’autant plus de place aux visages en sueurs et aux chemises ouvertes. Dans les faits, la caméra, positionnée en voyeuse discrète derrière voiles, grilles ou autres éléments du décors, dévoile le parcours de John Blaine, un flic « au dessus de tout soupçon » retrouvé mort dans une chambre d’hôtel sordide. Il y venait avec des filles, disent ses collègues. Pourtant, c’est un politicien gay qui amenait les dites « filles », et Blaine passait ses soirées dans un club gay. Dans un murmure, une nouvelle réalité se dévoile. Le politicien laisse entendre que c’est la société qui a fait de John Blaine ce qu’il était, en le forçant à se cacher... Et Hutch de verbaliser l’inavouable, sur lequel un mot n’est pas placé :
« Starsky... Faut quand même s'interroger. Un homme qui passe 75 % de son temps avec un autre homme... Y'aurait pas certaines tendances à...
— Ah ! oui, oui, là, y'aurait des chances... Arrête, tu me fais peur ! »
Mais les nombreuses conquêtes féminines de Starsky et Hutch saurons sans aucun doute le rassurer, lui et surtout le téléspectateur américain moyen...

C’est donc dans ce contexte que le 2 avril 1978 voit la naissance d’une nouvelle série qui inaugure un nouveau genre télévisuel. Je parle bien évidemment de Dallas (1978-1991) et du prime-time soap.

Un univers impitoyable ?

Le soap-opera existe depuis très longtemps aux États-Unis. Il est né sous forme de fictions radiophoniques sponsorisées par des marques de lessives (soap) ce qui lui donnera son nom. Les premiers soaps franchissent la barrière de l’image dans les années 50 et certains sont la continuation de ceux qui pré-existaient à la radio. Diffusés en début d’après-midi, ils constituent une programmation de journée régulière (un épisode chaque jour), tournés donc à une vitesse folle pour des budgets réduits. Leur horaire de diffusion en fait aussi des programmes forcément consensuels : entre 14 et 16 heures, le public est âgé et peu enclin à se voir bousculer dans ses certitudes.

En adaptant en soirée (22 heures pour ce qui concerne Dallas) ces histoires d’intrigues familiales, d’amours, de trahisons et d’affrontements de clans rivaux, les scénaristes s’ouvrent de toutes nouvelles possibilités.
Le soap est un genre qu’il faut constamment nourrir de rebondissements et de conflits inter-personnages. Le thème de l’homosexualité y est donc un recours potentiellement formidable pour un scénariste, ce qui explique que ce genre l’ait autant utilisé depuis 25 ans.
Mais nous sommes à la fin des seventies, et il est question de défricher des territoires inconnus ; l’approche sera forcément progressive.
En 1979, Dallas diffuse Royal Marriage [2.21, mars 1979]. Dans cet épisode, nous sommes présentés au personnage de Kit Mainwaring, riche héritier qui se fiance à Lucy Ewing, la nièce de JR. Mais au cours de l’épisode, il sera révélé que Kit n’a pas et ne peut avoir de sentiments pour Lucy : il est gay. Les fiançailles sont annulées et le personnage disparaît aussi vite qu’il est apparu, s’ajoutant à la liste des homosexuel-les ne représentant rien d’autre qu’un problème de la semaine, l’occasion de remplir un épisode.
Pourtant, quelque part, cet épisode de Dallas a ouvert une brèche. La série est un formidable succès pour la chaîne CBS et fait des envieux...

Les premiers à tirer seront ABC. La réponse du berger à la bergère se fait en effet sous la forme de Dynasty (1981-1989). L’ambition de la chaîne avec ce soap étrangement similaire à Dallas est claire : faire plus gros, plus beau, plus fort, plus clinquant, plus provoquant, plus... Bref : faire plus de buzz, et donc plus d’audience.
La série institue parmi ses personnages principaux Steven Carrington, le fils du vicieux patriarche au centre de la série, Blake. Et Steven est gay. Le premier personnage régulier gay de l’histoire. Cela dit, son homosexualité est plus ou moins assumée. Car autant les exécutifs de la chaîne sont ravis d’avoir un personnage gay pour faire parler d’eux, autant l’avoir à l’antenne toutes les semaines les gêne gravement aux entournures. Mais il est difficile d’avoir le beurre et l’argent du beurre... Tout au long de ses apparitions dans les deux premières saisons de la série, le personnage flirtera de manière plus ou moins rapprochée avec la bisexualité sans que l’on puisse y voir un véritable choix narratif.
Mais là où il est mémorable, c’est que pour la première fois, face à son immonde Blake Carrington de père, irascible et castrateur, Steven fait figure de personnage positif, de « gentil ». Dans l’épisode The Separation [1.13, mai 1981], Blake surprend son fils chez lui avec son amant de New York, Ted Dinard. Assistant à une scène d’une provocation extrême (les deux hommes se serrent dans les bras l’un de l’autre en plan éloigné dans la pénombre (!)), Blake entre dans une rage folle, se précipite sur Ted. Une bagarre s’en suit au cours de laquelle Ted est accidentellement tué. Une situation est ainsi mise en place :
1/ la relation de Steven est physiquement éliminée (ce ne sera pas la dernière fois). Nous sommes, et pour encore longtemps, dans des temps où on peut éventuellement présenter un gay, à condition qu’il soit aussi abstinent.
2/ Blake est arrêté pour meurtre et va devoir subir un procès.
Les plaidoiries vont bon train et aux arguments de l’accusation, qui pose Blake comme un homme « homophobic enough to kill’ », celui-ci répond qu’il aime sincèrement son fils, mais qu’il souhaite pour lui autre chose qu’une « life of shame ». Le ton est donné.
Ce procès est aussi l’occasion d’introduire, en guise de cliffhanger (fin à suspense) de la première saison, le personnage d’Alexis Carrington, ex-femme de Blake jouée par Joan Collins. Il est amusant de constater que cette superbe garce hétéro, ses attitudes bitchy, ses catfights avec Kristle, etc. marqueront quelque part plus les homos que Steven. Beaucoup en feront en effet une icône. Mais c’est une autre histoire.

Dans la seconde saison, l’hétérosexualisation du personnage de Steven s’accentue encore un peu plus, les exécutifs d’ABC étant d’autant plus frileux que la première saison n’a pas été le succès espéré. Cette évolution s’effectue à la grande frustration d’Al Corley, l’acteur qui interprète le personnage. Hétéro – la chaîne a abondamment communiqué sur le sujet, ses conquêtes étant mises en avant pour dégonfler le potentiel de scandale – Corley vient cependant du théâtre New-Yorkais et a accepté le rôle à l’origine pour son potentiel transgressif. Il quitte la série à l’issue de cette deuxième année, déçu, et se déclarant « dépossédé d’un personnage provocateur ».
Par la suite, Steven fera son retour sous les traits d’un autre acteur (saison 5) et Blake parviendra progressivement à une certaine acceptation de l’homosexualité de son fils. Cependant, son nouveau petit ami aura tôt fait de tomber sous les balles de terroristes...
À bien des égards, et même si le recul du temps et des changements de mentalité créditent aujourd’hui d’une note de sympathie pour ce personnage, cette voie est vécue à l’époque plus comme un problème que comme un avantage. C’est ce qui explique qu’aucun soap concurrent ne se lancera dans les années 80 dans une lutte frontale avec Dynasty sur ce terrain.

Pour ce qui concerne le reste de la fiction, la donne reste sensiblement la même qu’auparavant, même si les personnages gays se font plus fréquents. Ils apparaissent souvent dans les séries policières et nombreux d’entre eux sont présentés sous un jour plutôt négatif ou très caricatural, alors même que les représentations positives sont excessivement rares. Au mieux, on consacre un épisode par ci, par là au sujet, ce qui permet d’assouvir des envies de scénaristes sans risquer de provoquer trop de remous. Car, on le verra plus en détail un peu plus loin, aborder ce sujet sans jugement négatif, c’est forcément générer une levée de bouclier des très puissants lobbies familiaux américains.

Des initiatives de proposer un traitement plus ouvert du sujet s’imposent néanmoins. On pourra ainsi évoquer à titre d’exemple un épisode de Love Boat (La Croisière s’amuse, 1977-1986) titré Frat Brothers Forever [8.14, décembre 1984]. Un ancien ami d’Université du Doc, joué par Roy Thinnes, monte à bord. Mais le Doc découvre qu’il a embarqué avec son petit ami ; le Doc saura accepter ce coming-out et l’épisode de se conclure sur la célébration de l’amitié éternelle.
(Une approche terriblement similaire à celle des héros citoyens français, mais eux sont toujours en action en 2005...)

Statu quo

Sur ce et avec la lente fin des grands soaps flamboyants, arrivent les années 90 et rien n’a vraiment changé.
Dans le paysage audiovisuel US, le teen soap ne tarde pas à débarquer, venant sur Fox TV se substituer aux Dallas et consorts. Dans la foulée du succès de Beverly Hills, les productions Spelling (déjà derrière Dynasty) lancent Melrose Place (1992-1999) dont l’ambition est de mettre en scène non plus des lycéens, mais des jeunes adultes actifs, et de s’ancrer dans la réalité par opposition à l’univers ultra-friqué de Beverly Hills. Pour ces raisons, et aussi parce que, là encore, pour faire parler et exister, il faut se démarquer et surprendre, un personnage gay est installé parmi les permanents. Et il est assez terrible de voir à quel point rien n’a changé, Matt Fielding étant en tous points le digne successeur de Steven Carrington, à cette exception prêt qu’il ne connaîtra pas de phase hétérosexuelle. Pendant longtemps, aussi, il sera presque encore moins marqué gay que Steven puisque ses petits amis sont inexistants ou invisibles.
La première saison de la série ne fonctionne pas. Dès la deuxième, on introduit une garce (ça vous dit quelque chose ?) et le concept initial est rapidement jeté aux orties pour laisser la série muter en un incroyable truc hystérique mais très rigolo. Les (prétentieuses) ambitions de départ sont oubliées mais, du coup, le personnage de Matt a encore moins sa place qu’avant.
À la fin de la seconde saison, l’ambition est pourtant de franchir une étape. Dans Till death do us [2.31, mai 1994], un vieil ami d’un des personnages de la série, Billy, vient d’arriver dans l’intrigue, et alors que cet ami et Matt se rapprochent, Billy est surpris de découvrir que son ami est gay. La découverte étant mise en scène par un baiser auquel assiste Billy à l’insu du couple.
La scène est potentiellement un événement, mais son évocation génère une levée de boucliers des associations familiales. Elles font pression sur la chaîne mais surtout sur les annonceurs qui achètent de espaces publicitaires pendant Melrose Place. Les grandes entreprises qui ont bâti leur succès et leur communication sur la flatterie des « valeurs familiales » sont alors placées face à un dilemme. Quel est le plus grand danger commercial ?
Aujourd’hui encore, en 2005, des marques telles que les cosmétiques Mary Kay, Lowe's, Tyson Foods et Kellogg's boycottent les espaces publicitaires d’une série comme Desperate Housewives sous la pression de lobbies conservateurs. Mais Desperate Housewives est le succès de la saison 2004-2005 et la série n’est pas en danger. En 1994, nul n’a encore eu le courage de tester qui l’emportait des gains publicitaires générés par l’événement médiatique ou des pertes générées par les boycotts. Ce ne sera pas la Fox qui aura ce courage de tenter le coup. La scène du baiser est remontée avec un ralenti et est interrompue par un plan de coupe sur Billy alors que les visages des deux garçons sont séparés de 10 centimètres. On n’en verra pas plus. Matt est condamné aux relations chastes pendant ses trois années suivantes de présence dans la série. Qui plus est, elles seront souvent trompeuses et victimisantes (on se souvient peut-être du petit ami qui le fait accuser de meurtre à sa place et l’envoie en prison...)

Melrose Place vient en quelque sorte de rater un rendez-vous avec l’Histoire et de s’affirmer définitivement comme une série écervelée incapable d’avoir le courage de ses opinions et de ses ambitions.

Nous sommes au milieu des années 90 et la situation n’a que peu changé depuis 15 ans. Tout au plus les références se font plus appuyées.
Mais l’identification positive réside souvent toujours sur le sous-texte pour initiés qui permet de ne pas (trop) s’attirer les foudres des conservateurs. Ainsi des débuts de Xéna la Guerrière (1995-2001) avec la relation ambiguë qui unit Xéna à Gabrielle. On sent nettement un air gay-friendly. Mais les scénaristes semblent peiner à trouver un moyen d’aborder le sujet en minimisant les remous. Il manque l’élément provocateur, capable de modifier le statu quo, de dépasser le cap du « douloureux problème », et de pousser pas mal de séries à faire leur coming-out, si vous me passez l’expression.

S’affirmer, c’est provoquer ?

« Yes ! I’m gay. » Dans la fiction, cette affirmation longtemps délayée est diffusée par accident dans un hall d’aéroport où Ellen est venu voir la lesbienne qu’elle vient de rencontrer et qui quitte les lieux. Dans la réalité, c’est aux oreilles de l’Amérique entière que ce cri soulagé résonne. En 1997, Ellen de Generes est, depuis quatre saisons, la star de sa sitcom Ellen (1993-1998), diffusée sur ABC. Mais l’audience de la série est chancelante. L’occasion est belle de vendre un « coup » à la chaîne. En effet, Ellen de Generes souhaite faire son coming-out et ambitionne de le faire par le truchement du personnage de la sitcom dont elle est productrice.
ABC accepte et diffuse The Puppy Episode [4.22/23, avril 1997]. L’occasion d’un déferlement médiatique énorme aux États-Unis. L’Amérique populaire se voit placée face à une réalité qu’elle avait toujours eu la possibilité d'éviter jusque là. L’Amérique médiatique retient son souffle avant de découvrir enfin qui des boycotteurs et des « curieux » l’emporteront économiquement (c’est-à-dire à la fois à l’audimat et dans les rentrées d’argent publicitaires, le premier sans le second ne servant à rien.)
Rétrospectivement, l’approche paraît évidente. Là où il avait pu paraître difficile de « vendre » (le terme est cruel, mais pas mal choisi) un personnage gay au premier plan dans une nouvelle série, faire faire son coming-out à un personnage installé tire sur la même corde que la découverte de l’homosexualité d’un membre de sa famille. L’intimité, l’amitié et l’amour font qu’il est d’autant plus facile de comprendre et d’accepter. Après quelques personnages homos secondaires perdus au sein d’un ensemble et pas très bien assumés, Ellen déboule et devient le premier personnage principal d’une série, personnage-titre qui plus est, identifié sans ambiguïté comme homosexuelle.

The Puppy Episode est un franc succès. Le ciel ne tombe pas sur la tête d’ABC et la chaîne renouvelle même Ellen devant ce nouveau succès. La possibilité de parler d’homosexualité dans les séries télévisées américaines vient d’être démontrée. La saison suivante, il sera démontré qu’elle ne constitue pas non plus un moyen de tenir bêtement captif un public : Ellen retrouve rapidement ses faibles audiences et est annulée au terme de sa cinquième saison.
Mais la relève est déjà en place...

Dans la seconde partie de cet article, nous reprendrons notre passage en revue après cet événement médiatique qui a ouvert une nouvelle ère de la représentation de l’homosexualité dans les séries, de 1997 à nos jours. De plus, on s’interrogera sur ce qu’il s’est passé pendant ce temps-là en Europe...

A suivre...

Sources :
Le Magazine des séries : analyse de Starsky et Hutch par Thierry Le Peut
Media G : Observatoire du traitement de l’homosexualité dans les médias
Epguides.com et TV Tome.


Fiche technique :
Série américaine en 1 téléfilm de 80 mn, puis un pilote de 80 mn, puis 58 épisodes de 47 mn, diffusée sur ABC, puis CBS de 1976 à 1979.
Créé par Stanley Ralph Ross (d'après D.C. Comics). Producteurs éxécutifs: Douglas Cramer & Wilfred Baumes, Charles Fitzsimmonds. Producteur: Douglas Cramer & Warner Bros.
Musique: Charles Fox, Norman Gimble, Artie Kane.
Avec: Lynda Carter (Diana Prince), Lyle Waggoner (Steve Trevor), Richard Eastham (Blankenship - saison 1).

L’avis de Thierry Le Peut (Arrêt sur séries) :
Wonder Woman fut l’une des séries « symboles » de PinkTV lors du lancement de la chaîne 100 % gay et lesbienne, de même que L’Homme de l’Atlantide. Quoi d’étonnant à cela puisque les exploits de la Justicière aux couleurs de l’Amérique, sorte de petite sœur comic book du Captain America (dont elle partage les couleurs), servent aujourd’hui d’illustration aux origines du Girl Power et, comme toute série kitsch (voire kitschissime), de pièce de choix à l’iconographie gay et lesbienne ? Loin d’être une série oubliée, bien qu’elle n’ait vécu que trois saisons (la première sur ABC, les deux suivantes sur CBS), Wonder Woman a profité de ce regain de popularité pour sortir en DVD, gagnant une forme de pérennité cathodique que son héroïne avait déjà acquise sur l’Ile Paradisiaque.
Wonder Woman est née sur les planches (dessinées) en 1942, extraite toute armée de l’esprit de Charles Moulton pour lutter contre le Mal incarné dans les séides nazis ; vêtue comme Captain America d’une tenue de « justicière » reprenant simplement les couleurs et les étoiles de la bannière stars and stripes de l’Oncle Sam, elle faisait cause commune avec l’armée américaine pour damer le pion aux multiples espions nazis et se dresser comme l’obstacle ultime devant les plans infernaux élaborés dans les caves du Troisième Reich en mal d’expansion mondiale. Le diadème, la ceinture de pouvoir, le lasso magique, les bracelets anti-balles, tout est déjà là ; la série télévisée initiée en 1974 n’eut qu’à adapter les planches dessinées à l’écran de télévision pour donner chair à une héroïne spécialement calibrée pour le public US. C’est d’abord sous les traits et dans la plastique (c’est trop important pour être omis) de Cathy Lee Crosby que sévit la justicière, dans un premier pilote que Warner a, hélas !, négligé de porter sur ses galettes numériques. Essai non transformé, qui fera donc l’objet un an et demi plus tard d’un nouvel effort du studio, cette fois avec le mannequin Lynda Carter dans le rôle-titre. The New Original Wonder Woman est un téléfilm de 70 minutes (une fois enlevée la publicité) diffusé le 7 novembre 1975 sur ABC et écrit par Stanley Ralph Ross, tandis que la première mouture était due au scénariste John D.F. Black. Alors que cette dernière installait Wonder Woman dans l’Amérique contemporaine pour lui faire combattre des espions, la new original de Ross choisit de laisser l’héroïne dans son époque d’origine et situe l’action en 1942, année même de sa première parution en BD. La boucle semble bouclée.
Elle ne le sera pas tout à fait pourtant : car, utilisée comme remplacement de mi-saison après la défection passagère de Super Jaimie, la série est brinquebalée d’une fenêtre à l’autre, maltraitée et mal diffusée par une ABC qui l’abandonne au terme de ses treize épisodes. Enterré par un network, le programme est aussitôt récupéré par un autre et c’est sur CBS que la justicière réapparaît à la rentrée 1976, toujours munie de ses attributs glorieux et de ses pouvoirs merveilleux, et toujours sous les traits de la fabuleusement belle Lynda Carter. Seulement, cette fois, CBS délaisse l’ « authenticité » historique et replace l’action dans les Etats-Unis contemporains, où Wonder Woman et son allié Steve Trevor – fils du Trevor de la première saison – combattent de nouveau les espions, les robots et les machinations de tout poil issus des desseins machiavéliques d’esprits mégalomanes et de puissances de l’ombre. Cette version, titrée The New Adventures of Wonder Woman, durera deux saisons et mènera l’héroïne étoilée aux portes des années 80.
Il est évidemment tentant de parer Wonder Woman des fastueux vêtements du Girl Power, dont elle devient avec le film de Joss Whedon une illustration contemporaine. À condition de ne pas oublier qu’elle ne fut ni l’instigatrice ni la représentante majeure de ce courant, né des serials d’avant l’âge d’or, à l’époque où les héros s’appelaient Pauline et Kathryn et non Flash Gordon et Dick Tracy. Diffusée comme la « remplaçante » de Super Jaimie, la brune Wonder Woman marche donc dans les pas de celle-ci, elle-même icône de la force alliée à la féminité. Que la Wonder Femme ait inspiré Joss Whedon dans ses œuvres féministes post-modernes (on pense bien sûr à Buffy), soit, mais n’oublions pas pour autant que c’est à peu de chose près le patronyme de Jaimie (Somers) que Buffy (Summers) a emprunté quelque vingt ans après. En fait, à l’époque, Wonder Woman, sous ses trois titres, est à mi-chemin entre les adaptations de comic books tentées par ailleurs (le calamiteux Spiderman et le plus chanceux Incroyable Hulk) et un genre qui s’apprête à être très en vogue et dont nous traitions dans ASS 9 : la comédie romantico-policière.
Dans la « veine » des héroïnes parfois bien mal traitées par les networks, comme Jaimie et Annie (The Girl from UNCLE), Wonder Woman a une place à part : car tandis que Jaimie était l’alter ego féminin d’un héros macho, l’astronaute Steve Austin, et qu’Annie, l’agent de l’UNCLE, avait besoin d’être secondée par un homme (au point de jouer parfois les utilités dans sa propre série, un comble !), Wonder, elle, débarque en 1975 avec dans la bouche tout un discours sur la femme comme avenir de l’homme. Même Drôles de Dames, lancée comme une série vaguement « féministe » mais bien vite détournée par une production masculine et transformée en véhicule machiste à sexicité hautement toxique, ne peut prétendre à un tel discours où l’on entend l’héroïne vanter l’organisation et la pérennité de son île d’origine, la fameuse Ile Paradisiaque (qui prélude à celle où M. Roarke et Tatoo accueilleront chaque semaine les invités de L’Ile Fantastique) : habitée uniquement par des femmes qui ont connu la misogynie des hommes de l’Antiquité et ont décidé de se retirer sur une île inconnue de tous (et protégée par un champ magnétique, au cœur de ce que l’on appelle le Triangle des Bermudes), Paradise Island n’a connu que la paix et… jamais les hommes ! Non seulement cette micro-société a traversé les âges en conservant ses traditions de saine émulation et de développement de la force physique, mais elle est en outre peuplée de femmes dont la force est justement si développée qu’elles envoient valdinguer sans peine tout homme essayant de s’introduire… de force dans leur havre de paix et de bonnes manières. Certes, une fois expédiée dans le monde des hommes (en l’occurrence celui hautement mythique, et ironiquement très influencé par l’impérialisme antique, des Etats-Unis d’Amérique), Wonder Woman, tout en conservant ses pouvoirs, accepte de seconder un homme au charme duquel elle a succombé au premier regard (après plus de deux mille ans de vie sans homme, on peut la comprendre, diront justement les machos) ; mais si elle se dissimule sous le masque civil d’une faible femme c’est pour mieux voler au secours du mâle sous son identité de Wonder Woman, la femme aux merveilleux pouvoirs, qui tire son mâle acolyte des situations les plus périlleuses.
On accordera donc à la Dame de Fer (la vraie, pas celle qui usurpera ce surnom dans l’Angleterre des années 80) une place de choix dans la longue lutte des femmes pour la conquête de la lucarne cathodique ; mais on n’ira pas jusqu’à proclamer son indépendance, le discours féministe étant, somme toute, une manière de faire passer sa supériorité physique tout en la confinant malgré tout dans un rôle de « femme des années 70 », toute en sourires et en délicatesse, mettant son temps et son cœur au service d’un homme issu de la veine héroïque traditionnelle. Wonder Woman est une sorte d’Athéna moderne, sage et puissante, mais dont le rôle se limite souvent à protéger ses favoris masculins, comme la déesse olympienne le faisait avec Ulysse ou Hercule. Bref, pas encore tout à fait la libératrice que les femmes attendaient : plutôt un genre de Samantha Stevens (Ma Sorcière bien-aimée) devenue justicière et ayant troqué ses vêtements de bonne bourgeoise américaine sixties contre un habit moins encombrant et plus sexy, mais passant toujours le plus clair de son temps à tirer d’embarras « son homme » !
Plus surprenante est peut-être la parenté évidente qu’entretient Wonder Woman avec ce genre qui deviendra si populaire durant la décennie suivante, alors que les femmes continueront de marcher dans les pas des hommes dans l’espoir de, un jour, leur enlever ou au moins leur disputer la première place : la comédie romantico-policière, qu’illustreront à merveille Clair de Lune et, avant elle, Remington Steele, et qui se poursuivra durant la décennie suivante avec Loïs et Clark Les Nouvelles aventures de Superman. Le Héros américain de la Seconde Guerre mondiale, devenu espion dans The New Adventures…, et la secrétaire dévouée, voilà un couple qui évoque à n’en pas douter le tandem classique du privé et de sa fidèle assistante ; mais la manière dont Wonder Woman le décline annonce, par sa cinématographie moderne, ce qu’en feront les producteurs des années 80. Un exemple, tout bête : les bureaux qui sont ceux de Steve Trevor et de Diana Prince (l’alter ego civil de Wonder Woman) dans The New Adventures… sont à peu de choses près ce que partageront Laura Holt et Remington Steele quelques années plus tard ; et ce simple décor est symbolique du genre romantico-policier puisque Clair de Lune, aussi, fera grand usage du claquage de portes et de l’utilisation vaudevillienne du décor « à tiroirs ». Certes, Diana ne claque pas les portes : elle est douce, attentive, prévenante, dévouée, en un mot le contraire de ce que seront Laura Holt et Maddie Hayes, déterminées à ne plus se laisser mener par le bout du nez par ces messieurs, et leur menant la vie dure. Mais le décor, lui, est bien là. Ecoutez bien, d’ailleurs, les dialogues du premier épisode de The New Adventures…, et spécialement cette scène de bureau où Jessica Walter, après s’être pendue au cou de Steve Trevor, tente de faire enrager son assistante en se trompant sur son nom : « Miss… King ? » King, au lieu de Prince, évidemment il y a de quoi rire… Mais, surtout, il y a de quoi dresser l’oreille et se dire que, nom d’une pipe, un certain couple constitué de M. Brad Buckner et de Mme Eugenie Ross Leming était peut-être devant son téléviseur ce jour-là : car le duo formé par un espion charismatique et une assistante répondant au patronyme de King deviendront, quelques années plus tard, les héros de Scarecrow & Mrs King, autrement dit Les deux font la paire, autre fleuron de la comédie romantico-policière, créé par le tandem Buckner-Leming ! Dans une industrie où le hasard existe mais où l’intertextualité est rarement innocente, on ne saurait négliger une telle coïncidence.

Wonder Woman possède, en outre, une qualité qui annonce encore un gimmick très en vogue dans les années 80 : le combat de femmes. Car les villains affrontés par la Wonder Héroïne sont souvent des femmes et il arrive donc, tout naturellement, que les deux égéries s’affrontent à mains nues, l’une du côté du Bien, l’autre de celui du Mal. Or, ces combats de femmes, ici dans un décor ou sur un gazon fraîchement tondu, seront un élément essentiel de la comédie romantico-policière mais pas seulement. Ils vont très vite devenir, aussi, l’un des ingrédients irremplaçables – et iconiques ! – de Dynasty, le méta-soap produit de 1981 à 1989 par Aaron Spelling, le producteur des Drôles de Dames. Du Girl Power version potiches au Girl Power version combattantes (dans l’eau, dans la boue ou dans un loft glamoureusement décoré), Wonder Woman occupe donc une place centrale : on pourrait presque dire qu’elle est la plaque tournante d’une conquête qui verra les femmes passer d’un pseudo-premier plan (même Jaimie s’était vu adjoindre un acolyte mâle dans sa dernière saison, lorsqu’elle fut privée de la protection de Steve Austin pour cause de diffusion sur un nouveau network – le même sort que Wonder Woman !) à une lutte de haute main pour conquérir réellement le premier plan et accéder au rang de personnages à part entière. Il aura ainsi fallu aux femmes cathodiques démontrer leur capacité à lutter de leurs mains et de leurs poings pour se faire une place au soleil, sortant, enfin !, de l’ombre de ces encombrants messieurs. C’est de ce point de vue-là que Wonder Woman joue, assurément, un rôle que l’on peut s’autoriser à qualifier de majeur. Ses trois saisons ne font finalement pas si mauvaise figure dans une décennie où la plupart des hits ne duraient que cinq saisons, et où les séries mettant une femme en vedette n’avaient que peu de chances d’atteindre ce score (Sergent Anderson, avec Angie Dickinson, et la déjà citée Drôles de Dames furent les exceptions).
Tous ces éléments font que Wonder Woman, au contraire de L’Homme de l’Atlantide ou de L’Age de Cristal (où Heather Menzies se promenait dans une combinaison légère très proche de celles des habitantes de Paradise Island et des couvertures de pulp magazines), est davantage qu’un « pur produit de la SF des années 70 », qu’un vestige d’une approche très kitsch de la SF et des super-héros, que l’on regarderait aujourd’hui avec nostalgie et au dixième degré. Pour ce qui est du degré, on en a certes besoin de plusieurs si l’on veut savourer avec quelque délice cette série (malgré tout) kitsch. Mais, d’un point de vue historique (l’Histoire des séries, pas celle des guerres, évidemment), son rôle de pivot la rend plus intéressante encore qu’elle ne le fut, peut-être, pour ceux qui la découvrirent en son temps. Puisque l’on citait plus haut Les deux font la paire, il faut voir sans doute un « détail » significatif dans le fait que les deux séries – et plus tard Loïs et Clark – sont produites par le même studio, Warner Bros., et que, comme Les deux font la paire, Wonder Woman se déroule en partie dans un Washington de studio (et, de surcroît, dans une agence « secrète » où l’on croise, outre le héros et son assistante, une secrétaire blonde et un patron faire-valoir…  comme dans une autre certaine Agence où travaillera une certaine Mrs King). Décidément, le monde des séries est plein de rencontres insolites et captivantes.

Reproduit avec l’autorisation de Arrêt sur séries

Pour plus d’informations :

    
    

Fiche technique :
Avec Gale Harold, Randy Harrison, Scott Lowell, Peter Paige, Chris Potter, Hal Sparks, Sharon Gless, Michelle Clunie et Thea Gill. Créée par Russel T. Davies.
Durée : 990 mn. Disponible en en VO, VOST et VF.

L'avis de Sébastien Marrot (Arrêt sur Séries) – Deuxième partie :

UNE SÉRIE DOCUMENTAIRE ?

Comme toute série télévisée, Queer as Folk US n'est pas la réalité : jamais il ne nous arrivera autant de choses que ce qui arrive aux membres d'un groupe d'une série (c'est fou le nombre de monstres qu'il y a à Sunnydale ou de meurtiers susceptibles dans le secteur où enquête le lieutenant Columbo). Cependant, les intrigues font resurgir des thèmes qui ont rapport avec l'homosexualité aujourd'hui, ce qui est le thème principal de la série.

D'abord, accepter son homosexualité. Paradoxalement, celui qui va avoir la plus grave crise de « foi » est Emmett. Après avoir attendu avec angoisse les résultats d'un test HIV, celui-ci fait la promesse à Dieu de ne plus sortir avec des hommes. Il s'inscrit dans une sorte de groupe, « Vois la lumière » (« See the Light ! »), où des gays et des lesbiennes essaient de « voir la lumière », de devenir hétérosexuels. Emmett, la fashion victim du groupe, va sortir et même coucher avec, et faire jouir... une dame !!! Je vous laisse découvrir dans quelles conditions (épisodes 12 à 14).

Son homosexualité, Justin l'accepte plus vite que ses parents et ses camarades de lycée. Ses difficultés viendront notamment de là. Sa mère l'emmène d'abord chez une psy à qui Justin dit, comme s'il parlait du temps qu'il fait : « J'aime les bites, j'aime me faire enculer par des bites, j'aime sucer des bites et je suis bon à ça »…

Brian et Ted, eux, l'acceptent, l'un tous les soirs, l'autre par sa difficulté à trouver quelqu'un, mais dans le même temps ils prennent conscience de la valeur de l'âge dans la partie superficielle de la communauté homo. Michael et Ted (mais c'est moins montré pour ce dernier) le vivent bien le soir, mais pas du tout au travail. Ce squelette dans le placard se règlera au début de la deuxième saison pour Ted, mais il va hanter Michael depuis le deuxième épisode jusqu'à son anniversaire (épisode 11) avec Tracy qui croit qu'il y a quelque chose entre eux… Au boulot, Brian est comme en soirée : il baise les clients dans les toilettes, terrorise ses sous-fifres (épisode 13), couche même avec des collègues et des confrères juste pour le sexe (épisodes 13 et 21). Enfin, c'est ce qu'il croit : un procès du collègue pour harcèlement sexuel est une désillusion à la veille de ses trente ans après les fausses promesses du confrère... Cette diversité de vies montre aux homos des modèles variés auxquels s'identifier ou dont s'inspirer, et aux hétéros qu'il n'y a pas que des Brian ou des tapettes dans les boîtes gays.

Deux thèmes tragiques sont aussi abordés : la drogue et le sida. [Note de l'auteur : n'étant pas un spécialiste des stupéfiants, je m’excuse auprès des lecteurs mieux informés pour les erreurs pouvant être commises sur la nature des stupéfiants en cause dans les lignes qui suivent.]

La drogue, sous plusieurs formes fait des apparitions très régulières dans la série. Dès le premier épisode, Brian consomme des pilules de couleur… puis enchaîne dans le troisième épisode avec Michael dans les toilettes en snifant de la poudre [malgré ses carences, l'auteur ne pense pas que ce soit de la cocaïne]. La mère de Justin trouvera d'ailleurs ce joli flacon dans le réfrigérateur de Brian en visitant son fils qui le lui reprendra dare-dare des mains avec ces mots: « C'est un médicament pour se déboucher le nez… » Notons que Justin est extrêmement sage sur cette question. Brian moins, lui qui a toujours quelques pétards sur lui pour en faire profiter ses deux meilleurs amis, Michael et Justin, même pendant l'enterrement de son père. Sur l'échelle de l'addiction, Blake est plusieurs marches au-dessus de Brian, qui plane rarement sans contrôle sauf quand il a décidé de boire sans soif. Blake est un drogué au « crystal meth » si l'on en croit Emmett. Il en offre à Ted avec les conséquences déjà dites, il en fait une overdose dans les toilettes du Babylon (épisode 6), et quand, à partir de l'épisode 18, il construit une relation solide avec Ted, on s'interroge sur sa capacité à tenir.

J'ai employé plus haut le mot de « modèles » pour éduquer les jeunes homos. Ici, Brian et Blake sont loin d'être des modèles sauf à évoquer le cas de Michael qui s'endort en planant sans que David ait pu lui faire l'amour. En fait, les deux personnages donnent deux leçons nécessaires. La première, idéale, est « N'en prenez pas », sinon c'est le destin de Blake qui vous attend. Les gens étant ce qu'ils sont, la seconde est donnée par Brian à l'hôpital où Ted est dans le coma : se droguer oui, mais avec une drogue de bonne qualité choisie par ses amis, ceux qui tiennent à vous. Un discours à faire sauter un Ministre de l'Intérieur, mais nécessaire si on souhaite s'adresser à des personnes qui de toute façon consommeront des produits stupéfiants.

Le sida est plus discret, mais plus vil et lâche. Si les traits du drogué se lisent sur le visage de Blake, ceux du séropositif qui n'a pas développé la maladie sont comme les autres. Brian est là sur la sellette : Justin lui rappelle qu'il faut mettre un préservatif au cours de leur première nuit, et Melanie semble se douter de ces oublis lorsqu'elle commente les raisons qui poussent les deux mères de Gus à demander au père de signer une assurance-vie colossale : une chance de choper quelque chose chaque nuit. Mais Brian semble soit plus responsable qu'on ne le croit, soit plus chanceux puisque ce point n'est plus évoqué. Il resurgit avec Emmett et sa crise d'angoisse dans l'attente des résultats d'un test HIV. Mais, là aussi, le sujet est rapidement évacué. Restent Vic et ses médicaments, qu'il prend discrètement mais régulièrement au cours des épisodes : ses boîtes de gélules occupent toute une étagère dans un coin entre la cuisine et le salon, ces médicaments à prendre à heure fixe pour lutter pied à pied contre le virus et qui obligeront Debbie, dans l'épisode 20, à affronter un sergent de police (le desk sergeant à l'entrée du commissariat) pour que celui-ci accepte de passer outre le règlement et de les donner à son frère… Debbie rappelant que ces traitements contre le HIV sont aussi contraignants et vitaux que ceux pour soigner le diabète.

Dans ce dernier exemple, on lit une volonté pédagogique de montrer aux téléspectateurs, selon leur vie, que : soit cette maladie n'est pas si terrible, on peut vivre avec des porteurs et en la portant, soit elle n'est pas à prendre à la légère car, comme les autres maladies chroniques, elle nécessite des soins lourds et permanents. Comme pour la drogue, deux discours différents mais complémentaires pour toucher les homos et les autres, et que cette série ne soit pas regardée uniquement dans un ghetto communautariste.

Evidemment, ce discours n'est peut-être facile à lire si le regard reste marqué par les lieux récurrents de l'intrigue : back rooms (« salles sombres » dans les discothèques où tout est permis), saunas (où on oublie de se baigner, etc. Surtout que ces lieux de débauche en termes d'images d'hommes nus ne sont pas contre-balancés par des images tragiques : Blake est certes pitoyable par moments (au sens étymologique : qui inspire la pitié) mais le personnage de Vic montre l'aspect terrible qu'a le sida pour les experts en communication : comment faire prendre conscience de la gravité de la maladie quand ceux qui en sont victimes se portent EN APPARENCE bien? C'est là que les Américains sont très en retrait par rapport à Russel T. Davies : aucun mort n'est évoqué au cours de la première saison, sauf le père de Brian mort du cancer. En Angleterre, Phil meurt d'une overdose, les héros se rappellent leurs amants et amis disparus, Alexander affronte sa mère lors de l'agonie de son père.

Le dernier grand thème qui ressort de la série dépasse les générations puisqu'il s'agit des relations parents-enfants. Parlons d'abord du rapport parents homos-enfant puisqu'il y en a seulement un : l'adorable Gus élevé par sa mère et la fiancée de celle-ci, et dont s'occupe de temps en temps le père biologique. Cette famille lance le débat sur l'avenir des familles homoparentales : quel rôle pour le père donneur ou la mère porteuse ? Mel vous le dira : de quel droit Brian vient l'emmerder [je ne fais que traduire ses sentiments] alors que c'est elle qui nourrit Gus, se lève la nuit pour le consoler, le changer…? Quel est l'impact de la séparation de ces couples sur l'enfant ? La rupture entre Lindsay et Melanie est faite en quelques heures, pas de mariage, donc pas de procédure de divorce. Gus saura rappeler à ses mères qu'il a besoin de deux parents qui s'aiment vraiment, permettant à Brian d'écarter Guillaume, un homo qui veut devenir père pour gagner sa green card. A rapprocher du sujet du récent film Hush du réalisateur japonais Ryosuke Hashiguchi.

Par contre, les relations entre les parents et leur enfant homosexuel est une occurrence redondante dans les intrigues de la série, peut-être parce que c'est une occurrence récurrente pour les homos tout court, et une crainte récurrente des parents. Rares sont les mères comme Debbie Novotny, à ce point fière de son fils qu’elle milite et manifeste devant un lycée à la direction homophobe (épisode 17, devant le lycée de Justin). Plus fréquentes sont les mères qui ressemblent à celle de Ted vue dans l'épisode 4 : elle s'interroge sur le lien entre cette overdose et le mode de vie de son fils, mais elle lui avoue à son réveil son amour quoi qu'il fasse. Il y a aussi les parents d'Emmett : inexistants… Dans la version anglaise, on se doute que la séparation fut l'unique moyen pour lui de vivre ce qu'il croyait devoir vivre.

Restent deux cas : Brian et Justin. Etonnamment, c'est celui qui baise le plus qui en a le moins dit à ses parents. Le père McKinney ignore tout de la vie de son fils, y compris son appartement qu'il découvre au cours de l'épisode 15 après que son fils lui a révélé son homosexualité, après d'ailleurs que le patriarche alcoolique lui a dit avoir un cancer en phase terminale… Joyeuse famille ! C'est ainsi que Jack McKinney découvre enfin qui est son fils et qu'il a un petit-fils. Jack apparaît dans peu d'épisodes avant de mourir de son cancer, mais Brian, dans tous les efforts qu'il fait avec Gus, cherche vraiment à être un bon père pour son « sunny boy » et veut éviter de commettre les mêmes erreurs que son père, même si chaque réflexion sur son rôle de père l'amène à vider une bouteille de whisky (heureusement, Michael et Justin ne sont pas loin !). Quant à Madame McKinney, elle découvrira tout au cours de la deuxième saison et c'est vers la religion qu'elle se tournera…

Justin, 17 ans, vit chez ses parents avec sa jeune sœur. Sa mère s'en doute depuis longtemps (il est si sensible, aime l'art…) et surtout, elle découvre le slip de Brian dans les affaires de son fils et des dessins de Justin très explicites sur ses sources d'inspiration. Lorsqu'elle demande à son fils qui est Brian, il s'enfuit. Grâce aux conseils de Debbie, Jennifer va tenir bon et découvrir le monde dans lequel vit son fils : elle se rend à l'exposition de ses dessins organisés par le centre gay et lesbien, le cherche dans les bars… et finalement avoue tout à son mari, inquiète de la relation de son fils avec un homme. Papa va se montrer moins compréhensif que maman : une gifle, des mots qui fâchent, les attaques physiques contre Brian, qui conduisent dans un moment dramatique à vivre la rupture entre un parent et son enfant. Dans une rue donnant sur l'entrée du Babylon, Justin crie à son père qui vient de tabasser Brian : « I will never come home again. NEVER AGAIN !!! » (Jamais plus, je ne reviendrai à la maison. JAMAIS PLUS !!!) Brian et Debbie vont devoir adopter ce teenager tapageur. Retour de bâton à la fin de la saison (épisode 18) : Justin, qui s'était concentré sur son année scolaire et ses nuits, découvre que ses parents veulent divorcer. Il culpabilise et décide d'abandonner ses études d'art pour faire ce que son père prévoyait : une école de commerce. C'est Brian qui va contribuer à le relancer dans une scène au Babylon qui prouve que Brian n'est en fin de compte pas si indifférent que ça.

Après un coming out explosif : nuits torrides avec Brian, fugues à répétition, logement chez Debbie, violence du père, divorce…, Justin cherche ses marques avec pour objectif principal de trouver l'amour réciproque avec Brian.

LA VIE, QUOI, TOUT EN MUSIQUE

Par-delà les nuits en discothèque, les journées de boulot, la nudité, le sexe, cette série parle de personnages complexes, de thèmes d'actualité bien réels. C'est aussi, comme la version anglaise, une œuvre musicale très intéressante. Dans les deux Queer as Folk, la musique colle bien aux intrigues. Certes, les morceaux les plus récents sont plus courts dans la version américaine que dans la version anglaise, mais l'équipe américaine a tenu à conserver le rôle de la musique.

Beaucoup de scènes en discothèque, dans des sex clubs… donc beaucoup de disco, de dance et de techno. [N.d.A.: les puristes technophiles me pardonneront d'employer le mot techno là où ils entendront des morceaux d'eurodance, de technodance et autres technobabbles] Cependant, la musique classique a une part non négligeable : libre de droits ($), les morceaux utilisés le sont très longuement. La Traviata, œuvre préférée de Ted, devient le baromètre de sa relation avec Blake. Emmett a un coup de foudre en pleine partie et entre avec son amant dans un monde onirique où résonne un extrait du Roméo et Juliette de Tchaïkovski, les deux jeunes hommes ayant quitté le monde de bruit et de fureur de la discothèque où ils se trouvent.

Pour illustrer le rôle de la musique, nous allons observer Brian et Justin au cours des derniers épisodes de la saison.

Episode 18 : Justin a appris le divorce de ses parents, il décide d'abandonner l'inscription aux Beaux-Arts pour le commerce. Antépénultième scène, Babylon : Brian rejoint Justin au bar, lui offre une bière et trinque à la réussite d'un nouveau businessman là où il croyait que Justin voulait devenir le nouvel Andy Warhol (artiste homo et fêtard). Après lui avoir rappelé que ses parents créent leurs problèmes eux-mêmes, il se souvient de leur première rencontre quand Justin était effrayé, et là, il est effrayé par les décisions à prendre. A ce moment-là, Brian tire Justin par le T-shirt (si aussi peu de tissu peut être désigné ainsi) et l'emmène danser sur le morceau dance Forever Young… Dernière scène : en pleine réflexion sur son avenir, Justin décide de se juger sur un dessin. Le tout sur fond du groupe Queen : It's a Kind of Magic

Episode 20 : Justin a volé le mec de sa soirée à Brian pour le rendre jaloux. Avec une musique rock empreinte de gravité (Garbage: You Look So Fine) qui colle parfaitement à l'action, Brian descend dans la back room pour regarder Justin se faire le mec. La musique et l'impassibilité du visage de Brian entretiennent ensemble le doute sur le personnage : il est touché par Justin, mais à quel point ?

Episode 22 et dernier de la saison : après un acte désespéré sur une musique comique (un remix de Happy Feet par BLAM), un des personnages va bouleverser le public du bal de fin d'année du lycée de Justin, sur une chanson typique de ce genre de soirée : The Drifters, Save the Last Dance for Me, devant un parterre médusé. C'est dans le silence que deux des personnages se quittent quelques instants plus tard… C'est sur un chant grégorien du XVe siècle auquel le saxophoniste Jan Garbarek a ajouté les sanglots de son instrument que l'épisode s'achève là où la saison avait quasiment commencé, dans un hôpital…

AU-DELÀ DES APPARENCES

Queer as Folk US est une série qui peut choquer comme le rappellent les bandes-annonces présentes sur le DVD zone 1 : violence parfois, langage cru, « nudité faciale » (comprenez : de face), nudité suggérée, acte sexuel… Comme si la chaîne Showtime cherchait à provoquer les conservateurs en annonçant la couleur dès avant l'épisode. Mais, comme pour la version anglaise, si le téléspectateur et la téléspectatrice dépassent les images crues de peau(x), et qu'ils s'accrochent à la série, aux intrigues et aux personnages, ils atteindront ce qui fait de cette série une bonne série qui a en premier lieu des histoires à raconter. En dépassant les apparences de la nudité, du sexe, de la drogue... bref, en dépassent les clichés de la vie gay (qui sont quand même un peu vrais), ils atteindront les points de réflexion : qu'est-ce qu'être soi-même ? Qu'est-ce que vivre avec la drogue en permanence, ponctuellement ? Qu'est-ce qu'être victime du HIV ? Qu'est-ce qu'aimer ? Questions qui n'intéressent pas seulement les homosexuels, et qui sont peu évoquées dans les autres séries plus « normales ».

Il est difficile de savoir quel impact aura vraiment eu la série sur la société américaine. Je crois néanmoins qu'il y a dans cette série des enseignements à tirer, comme pour toute série qui a quelque chose à dire. Cette analyse de la première saison a avancé quelques-uns de ces enseignements ; aux lecteurs de voir et revoir cette série pour dire ce qu'ils en retireront, ce qu'ils en apprendront. La seule condition est qu'ils acceptent de dépasser les apparences, car cette série, comme bien d'autres, n'est qu'une représentation de la vie. Alors, que regarderez-vous ? Les scènes de nus ou la lente construction de personnages complexes ? A quand Queer as Folk France : Les Grenouilles du Marais ou Queer as Folk Montpellier ?

Pour plus d’informations :

Avec l’aimable autorisation de Arrêt sur Séries et de Thierry Le Peut.

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