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Fiche technique :
Avec Jean-Claude Brialy, Dominique Blanc, Guillaume Gallienne, Féodor Atkine, Nazim Boudjenah, Jean-Claude Dreyfus, Eric Nagar, Llona Bachelier, Alexis Machalik, Jean-Chrétien Sibertin-Blanc, Emmanuel Leconte et Ilona Bachelier. Réalisation : Gabriel Aghion. Scénario : Dan Franck. Images : Patrick Ghiringhelli. Son : Didier Saïn. Décors : Bertrand L'Herminier. Montage : Luc Barnier. Musique : Antoine Duhamel.
Durée : 90mn. Diffusé sur France 2 en VF. Bientôt disponible en DVD.

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Résumé :

Le 24 février 1944 à 11 heures, la Gestapo pénètre dans l’abbaye de Saint-Benoît-sur-Loire et arrête le poète Max Jacob (Jean-Claude Brialy & Guillaume Gallienne). Il vient de servir la messe. Homosexuel, juif converti au catholicisme, il a fréquenté 40 ans plus tôt la bohème du Bateau-Lavoir. Ami intime de Picasso, dont il est le compagnon des débuts, le frère des années de misère. Plus tard, il est aussi très proche de Cocteau, Guitry et Jean Marais. Il partage avec eux confidences, enchantements et frasques du Paris des années 20. Pendant la guerre, Max Jacob se réfugie à Saint-Benoît. Après son arrestation il est conduit à Drancy, là où des milliers d’hommes et de femmes attendent la déportation vers l’Allemagne. Quand le monde l’abandonne, Alice (Dominique Blanc), une jeune femme orpheline à qui Max avait donné son amour quand elle était enfant, va tenter l’impossible pour le sauver...

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Follain, Shéhadé, Max Jacob


L’avis de Bernard Alapetite :
L’esprit du scénario (dû au romancier Dan Franck) de ce film, par ailleurs plein de qualités, est détestable. Il trompe le téléspectateur en faisant passer Jean Cocteau et Sacha Guitry pour des presque salauds, alors qu’ils ont fait tout leur possible pour sauver leur ami. Ils y étaient parvenus, mais la mort d’une pneumonie de Max Jacob les a pris de vitesse... En ce qui concerne Picasso, en revanche, Dan Frank est sans doute plus près de la vérité et de la réponse du peintre à celui qui le sollicitait pour intervenir en faveur de son ancien mentor durant ses difficiles premières années parisiennes : « Ce n’est pas la peine de faire quoi que ce soit. Max est un ange : il n’a pas besoin de nous pour s’envoler de sa prison. » C’est assez conforme au personnage qui n’a jamais été un modèle d’altruisme durant toute sa vie. Son attitude est d’autant plus choquante que l’on peut dire que Max Jacob fut l’un des principaux accoucheurs du talent de Picasso. Lorsque le peintre arrive à Paris en 1901, c’est Max Jacob, qui amoureux de lui, l’héberge, lui apprend le français, l’aide à vendre ses toiles... Il ne faut cependant pas oublier non plus qu’en tant (entre autres) qu’apatride, le peintre était constamment surveillé par la Gestapo...
Dan Franck s’inscrit dans la trop longue liste des donneurs de leçons sans risque, avec cette circonstance aggravante que cette bonne conscience est surtout nourrie par l’ignorance, alors que tous les documents facilement accessibles, comme je le montre ci-dessous, contredisent sa thèse d’un Max Jacob abandonné de tous.

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On peut aussi trouver discutable, pour une « biopic », la quasi invention d’un personnage capital de l’intrigue, comme celui d’Alice, certes magnifiquement interprétée comme à son habitude par Dominique Blanc. Même si cette création est d’une incontestable habileté scénaristique. Dan Franck s’explique à ce sujet : « Pour lier les deux périodes (le Paris de la Belle époque, dont il est spécialiste, et celui de l’Occupation), j’ai inventé le personnage d’Alice, qui s’inspire de Raymonde, cette petite fille que Picasso a adoptée, puis renvoyée à l’orphelinat. On croit savoir qu’elle était très attachée à Max. Je l’ai imaginée en 1944 tentant de sauver l’homme qui avait essayé de la protéger lorsqu’elle était enfant. » Le personnage d’Alice a l’avantage, outre celui de relier les deux époques capitales de la vie de l’écrivain, de permettre d’équilibrer le scénario par les portraits en miroir (ceux de Max Jacob et d’Alice) de deux solitudes, de deux abandonnés. Cette séduisante idée (bien dans la ligne feuilletonesque et mélodramatique révérée par Dan Franck) n’a pas conquis Lina Lachgar, auteur d’Arrestation et mort de Max Jacob (aux éditions La Différence) : « Je ne suis pas contre ce type de fiction, encore faut-il qu’elles soient bien étayées or ce film est un tissu d’inepties à commencer par l’importance accordée au personnage Alice-Raymonde, un épiphénomène dans la vie de Max. » Pas plus qu’elle n’a séduit la présidente de l’association des amis de Max Jacob, Patricia Sustrac. Je ne sais pas à quels documents s’est référé Dan Franck en ce qui concerne l’attachement du poète à la petite fille. Tout ce qui est avéré est que l’on ne sait rien de ce qu’est devenue Raymonde après son retour à l’orphelinat. Peut-être que la diffusion de ce téléfilm aidera-t-il à éclaircir ce mystère ?
Le scénariste n’hésite pas non plus à user de grosses ficelles peu crédibles comme cet échange de papiers d’identité entre Alice et une femme juive lors d’une rafle.
Dan Franck fait dire à Max Jacob : « Il parait que je suis dans le Larousse. » Un joli blog reproduit l’article, que je lui ai emprunté, consacré au poète dans le Grand Larousse de 1931, et qui nous confirme le bien-fondé de cette réplique.

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Si le scénario est discutable, la réalisation l’est beaucoup moins. C’est une bonne surprise de retrouver Gabriel Aghion aussi professionnel, tout en empathie avec son sujet. Pourtant il faut bien avouer que l’on n’attendait plus grand chose du cinéaste après le triste Pédale dure... Les points forts du film sont la direction d’acteurs et le casting. Même si comme toujours il se pose le problème, pour l’interprétation d’un personnage ayant existé, de la ressemblance physique de l’acteur avec son modèle. Sous cet angle, le choix de Jean-Chrétien Sibertin-Blanc et de Alexis Michalik pour jouer Cocteau et Jean Marais ne me parait pas complètement judicieux, non seulement leur ressemblance avec les deux célébrités n’est pas évidente, mais surtout ils n’en possèdent pas le charisme. Alors que le choix de Féodor Atkine pour figurer Picasso est particulièrement pertinent, comme celui de Nazim Boudjenah pour jouer le peintre dans sa jeunesse.
Mais le film tombe dans le ridicule gênant avec Jean-Claude Dreyfus imitant lourdement le phrasé de Sacha Guitry transformant le « Maître » en une grosse cocotte précieuse. Dreyfus, pour cette interprétation, s’est malheureusement souvenu qu’il a débuté dans les cabarets de travestis. Alors qu’il a montré dans L’Anglaise et le duc de Rohmer qu’il était capable d’incarner une figure historique avec profondeur et retenue, ici on est loin de la subtile évocation de Guitry par Jean-François Balmer dans L’affaire Sacha Guitry de Fabrice Cazeneuve ou même l’apparition convaincante de Jean-Marie Winling dans Monsieur Batignole.

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A propos de L’affaire Sacha Guitry, ce dernier film donne un aperçu beaucoup plus juste de l’attitude de Guitry pendant l’occupation. Si le grand homme de théâtre fut léger avec les allemands et leurs affidés, il ne montra guère d’aménité envers les nazis. L’affaire Sacha Guitry montre, comble d’ironie, que la Résistance reprocha à Sacha Guitry sa rencontre avec la Gestapo, rencontre dont l’unique but était de sauver Max Jacob !

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A noter en admirateur de Max Jacob, Emmanuel Lecomte qui en plus de sa brune et mâle beauté incontestable fait preuve d’une intense présence.
Guillaume Gallienne, sociétaire de la Comédie-Française, qui incarne le jeune Max Jacob est la véritable révélation de Monsieur Max. Il est émouvant de candeur avec ses rondeurs matoises qui rappellent celles d’Henri Tisot. Jean-Claude Brialy interprète le même homme quarante ans plus tard.
Jean-Claude Brialy est parti au lendemain de ce qui est peut-être son plus beau rôle, celui de Max Jacob avec qui il n’était pas sans ressemblances morales. Comme le poète sous des aspects légers, l’acteur cachait, sous ce masque, un être multiple non exempt de gravité. Comme lui, Jean-Claude Brialy avait fait de sa gentillesse un oriflamme et vivait son homosexualité, paradoxalement pour un homme si souvent sous les sunlights, avec discrétion.
Bâti sur des retours en arrière, Monsieur Max brosse le portrait de Max Jacob, en homme tendre et attachant, personnages central, puis marginal, de la bohème artistico-littéraire de la première moitié du XXe siècle. Malgré les libertés prisent avec la réalité, le film donne un portrait en accord avec l’image que l’on a après avoir lu la précieuse biographie du poète due à Pierre Andreu (Vie et mort de Max Jacob, éditions de La Table ronde). Jean-Claude Brialy a personnellement bien connu quelques-unes des brillantes figures évoquées dans ce téléfilm, comme Jean Cocteau et Sacha Guitry. Jean Cocteau confia à l’acteur qu’il gardait beaucoup de culpabilité de n'avoir pas fait assez pour Max Jacob. Dans le journal de Cocteau 1942-1945 (éditions Gallimard) au 25 février 1944, jour où il apprend l’arrestation de son ami, on peut lire : « Max Jacob arrêté à Saint-Benoît, sans doute conduit à Orléans. Chose atroce. » Dans les pages suivantes, on voit qu’il se dépense sans compter. Il contacte Sacha Guitry qui a déjà par son intervention sauvé Tristan Bernard : « J’ai vu Sacha Guitry qui m’a donné la marche à suivre... » Il écrit au responsable allemand des prisons juives une lettre dans laquelle il fait le panégyrique de Max Jacob. Cette lettre est accompagnée d’une pétition qui demande la libération de l’écrivain. Elle n’est signée, par souci d’efficacité, que par des personnalités ayant de bons rapports avec les autorités d’occupation : Sacha Guitry, André Salmon, Henry Sauguier, Pierre Colle, Utrillo, Braque, Mac Orlan... Dans L’Irrégulière ou mon itinéraire (éditions Grasset), Edmonde Charles-Roux raconte comment Paul Morihien sillonne Paris pour recueillir les signatures. Cocteau appelle également José Maria Sert qui peut agir par l’intermédiaire de l’ambassade d’Espagne, ce qui a été précédemment efficace pour Maurice Goudeker (le mari de Colette). Selon Claude Arnaud dans son énorme biographie de Jean Cocteau (édition Gallimard), il intervint simultanément avec Jouhandeau, qui en cette occasion fit taire son antisémitisme, auprès de Gerhard Heller qui ne resta pas à son tour inactif. Cocteau sollicite aussi son ami Georges Prade, patron de presse et conseiller municipal de Paris, qui est très engagé dans la collaboration active et qui néanmoins agit pour faire libérer le prisonnier. Prade parvient, conjointement avec José-Maria Sert, a obtenir un ordre de libération signé mais quand celui-ci parvient au camp de Drancy où le détenu a été transféré, Max Jacob est mort au soir du 4 mars d’une congestion pulmonaire à l’infirmerie du camp...
C’est ce qu’apprend Gerhard Heller rendant visite à Max Jacob à Drancy, comme il le raconte dans son livre de souvenir Un Allemand à Paris (éditions de Seuil) : « L’affaire Max Jacob me fut encore bien plus pénible et douloureuse. Je garde la brûlure cuisante de ce cuisant échec... Me retrouvant les mains vides à la porte de ce camp abominable, je voulus cependant accomplir un dernier geste ; j’allai chez une fleuriste acheter une rose et revint la jeter par-dessus le mur du camp. » Il est bon de rappeler que Gerhard Heller était l’officier allemand affecté à la Propaganda-Staffel qui décidait, entre autres, si on attribuait du papier pour qu’un livre soit imprimé, donc paraisse, ce qui en faisait, de fait, l’ultime censeur. Mais dans l’exercice de cette fonction, il avait emprunté la devise à son ami Junger : « La vraie force est celle qui protège. »

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C’est probablement Gerhard Heller que Dan Franck, sans le nommer, veut représenter, assez maladroitement, dans cet officier allemand qui assiste aux derniers instants du poète.
Pierre Bergé, dans son Album Cocteau de la Pléiade, résume bien les sentiments de Cocteau envers Max Jacob : « En 1917, il détestait le miroir que lui renvoyait Max Jacob “ce  touche à tout tendre et sale”. Deux ans plus tard, il applaudissait les numéros périlleux d’un “danseur de corde”. Il n’aura désormais cesse de célébrer le poète cubiste qui avait déclaré “Jean est la perfection absolue de ce que je ne suis que l’ébauche” . »
Max Jacob a vécu son homosexualité sur le mode de la culpabilité : « J'ai été sodomite sans joie mais avec ardeur. » D’ailleurs l'homosexualité de Max Jacob reste littérairement discrète, ou plus précisément plus latente que manifeste. Elle affleure donc en des fulgurances qui sont trahisons au double sens de révélations et de falsifications. Rares sont les claires allusions comme au début du roman Filibuth ou la montre en or dans lequel le personnage au nom cocassement claudélien, Monsieur Odon-Cygne-Dur, double avoué de l'auteur, écrit à ce même auteur « qu'il l'invite à venir voir l'armoire à glace qu'il s'est procurée. Il s'agit bien sûr d'un meuble non d'un individu à forte carrure. » Le film n’occulte pas le penchant du jeune poète pour les sergents de ville bien bâtis...
Président d'Arte France, Jérôme Clément, membre de l'Association des amis de Max Jacob, a soutenu le projet de cette fiction produite par Daniel Leconte. « Le destin de Max Jacob est extrêmement émouvant. Moqué pour son homosexualité et sa conversion au catholicisme, il a été un sacrifié de l'Histoire » expliquait, lors du tournage, le patron de la chaîne franco-allemande.
Max Jacob est évoqué dans les deux très beaux coffrets de DVD, Les heures chaudes de Montparnasse édités par Doriane Films.

Monsieur Max est sauvé par l’excellence de ses trois interprètes principaux, Jean-Claude Brialy, Dominique Blanc et Guillaume Gallienne mais il démontre qu’il n’est pas bon de laisser l’histoire aux mains des feuilletonistes.
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