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Fiche technique :

Avec Giovanni Andrade, Brent Fellows, Ellie Nicholson, Drew Zeller, Pam Munter, Ron Upton, Nolan Chard, Deanna Alexich et Jennifer Utley. Réalisation : James Bolton. Scénario : James Bolton. Image : Judy Irola. Montage : Elizabeth Edwards. Son : Daniel Palin. Musique : Stephin Merrit.

Durée : 89 mn. Disponible en VO et VOSTfr.



Résumé :

Eban (Brent Fellows), 29 ans, ex-professeur de football, retourne dans sa ville natale pour vivre chez ses parents. Il se lie d'amitié avec Charley (Giovanni Andrade), un adolescent de 15 ans qui vient de perdre sa mère. Eban et Charley découvrent que leurs singularités dans cette petite ville côtière se ressemblent. Ils aiment tous les deux jouer de la guitare, se promener sur la plage, faire des ballades en bicyclette, discuter de poésie... Ils entreprennent peu à peu une relation amoureuse, malgré la menace du père d’Eban (Ron Upton) qui prend conscience de la situation.



L’avis de Bernard Alapetite :

Avant toute chose, il faut remercier Bolton pour le courage qu’il a eu à traiter dans son premier film la relation amoureuse et sexuelle entre un garçon de 15 ans et un adulte.

Ensuite, il faut louer sa lucidité pour avoir choisi Giovanni Andrade pour le rôle de l’adolescent. Il dégage une présence incroyable à l’écran. Mais on ne pouvait se douter que le joli garçon sensible qui crève la toile deviendrait quelques années plus tard un des performers les plus en vue de la scène underground new-yorkaise et surtout un remarquable graphiste connu sous le nom de Gio Black Peter (voir chronique ci-dessus).



Le choix de Brent Fellows pour interpréter Eban est judicieux. Bolton n’a pas fait l’erreur de le choisir trop beau. Avec son physique ingrat et son attitude un peu fuyante, Eban n’obtient pas d’emblée la sympathie du spectateur ; au début, on le perçoit même comme un prédateur. Il la conquiert in fine parce que l’on s’aperçoit qu’il est un garçon fragile, un peu perdu et qu’il n’y a pas que le corps de Charley qui tente Eban… mais qu’il est véritablement amoureux du garçon.

Au fil du film, on découvre que le plus mature n’est pas l’aîné mais le plus jeune des garçons. Cette inversion des rôles est la grande idée du scénario.



Bolton a fait de nombreux choix heureux pour son scénario, comme celui de faire de Charley un garçon qui ne semble pas avoir une inclinaison sexuelle avant sa rencontre avec Eban. Cela semble être la première fois pour lui. Eban a un passé qui est moins gratifiant. Eban semble aussi un peu "bête", ne réalisant pas complètement ce qu’il se passe pour lui. Il semble souvent incapable de s'exprimer en adulte et de justifier ses actes et ses sentiments.

Le rythme du film est lent. On partage avec les deux amoureux d’heureux moments de leur quotidien. Pourtant, jamais on ne s’ennuie, tant on sent qu’une terrible menace plane au-dessus de ce bonheur simple.



Eban & Charley, s’il n’est en aucun cas un film militant (ni les protagonistes ni leur relation ne sont idéalisés) est néanmoins un film moralement important car il déculpabilise les relations intergénérationnelles pour ceux qui ont vécu une telle expérience qui, aujourd’hui, sont stigmatisées par la société, peut-être comme jamais elles ne l’ont été.

Eban & Charley a été un des premiers films tournés en numérique, d’abord pour des raisons d’économie mais aussi parce que la caméra numérique permet d’être plus près des acteurs et est idéale pour filmer les scènes intimistes. D’autre part, elle est moins intimidante pour des acteurs débutants comme l’étaient ceux du film. En outre, elle permet une plus grande liberté de déplacement aux acteurs : c’était donc un très bon choix. Bolton était aussi très tenté par les principes du « Dogme » qui, alors, connaissaient une certaine vogue. Mais si le label « Dogme » lui aurait valu quelques subsides supplémentaires, il l’aurait privé de la musique qui est très belle. La B.O. a connu un succès bien supérieur à celui du film ; elle tient une place essentielle dans Eban & Charley.



L’image est presque toujours belle. Les scènes d’extérieur sont les plus réussies et c’est très bonne idée d’avoir situé cette histoire dans un petit port de pêche pittoresque (le film a été tourné dans l’Oregon). On décèle cependant quelques erreurs de lumières dans les scènes d’intérieur, ainsi que quelques faux raccords.

Quelques approximations scénaristiques nuisent également à la crédibilité de l’entreprise. Le plus gros défaut du scripte est celui d’avoir voulu ramasser la relation d’Eban et Charley dans la durée des vacances scolaires. Ce qui n’est guère crédible et est en contradiction avec le rythme lent du film qui montre bien comment chacun, petit à petit, s’apprivoise. On comprend bien qu’ainsi Bolton a voulu échapper (en particulier) aux incontournables scènes de collège qui sont coûteuses en figuration et difficiles à régler. Mais en cinéma, la facilité est presque toujours ennemie de la vérité.



Dans le montage final Bolton, timoré, n’a pas retenu la seule scène qui montrait de façon explicite que les deux amoureux avaient des relations sexuelles. Lorsque j’ai édité le film en DVD en France (Eklipse), j’ai demandé au réalisateur les scènes coupées pour les faire figurer en bonus dans le DVD. J’ai ainsi découvert cette scène et l’ai ajoutée dans mon édition malgré les réticences du réalisateur. L’édition française, aujourd’hui épuisée, est la seule à la posséder.

Avant Eban & Charley, Bolton avait réalisé un premier court-métrage, Growing Up, tourné alors qu’il était encore adolescent, qui raconte l'histoire de deux amis dans les rues de Los Angeles. Le film a été projeté dans de nombreux festivals à travers le monde et a donné à Bolton la réputation d'un cinéaste contestataire.

Eban et Charley est un film courageux et original qui parvient, malgré quelques facilités et son petit budget, à nous émouvoir et à s’inscrire durablement dans notre mémoire.

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