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Fiche technique :
Créateur : Alan Ball. Production : Produit en association avec "The Greenblatt Janollari Studio". Producteur exécutif : Alan Ball, Robert Greenblatt, David Janollari, Alan Poul. Co-producteur exécutif : Bruce Eric Kaplan. 1ère diffusion USA : 3 juin 2001 sur HBO. 1ère diffusion France : 8 décembre 2001 sur Jimmy.
Avec : PETER KRAUSE (Nate Fisher), MICHAEL C. HALL (David Fisher), FRANCES CONROY (Ruth Fisher), LAUREN AMBROSE (Claire Fisher), FREDDY RODRIGUEZ (Federico Diaz), MATHEW ST. PATRICK (Keith Charles), RACHEL GRIFFITHS as Brenda Chenowith.



L'avis de mérovingien02 :
Peut-on rire de la mort en la plaçant au centre d'un divertissement populaire régulier diffusé sur la prestigieuse chaîne HBO ? Peut-on franchement créer une série prenant pour vedette une famille spécialisée dans les pompes funèbres ? Plus globalement, peut-on sortir des diktats télévisuels pour offrir un programme frais, intelligent et pouvant tenir la dragée haute aux plus grandes histoires du grand écran ? Oui, 100 fois oui même. Il suffit juste d'avoir un homme de talent aux commandes !
Ce génie, c'est Alan Ball, scénariste du brillant American Beauty. Ne nous leurrons pas : malgré tout le talent de réalisateur de Sam Mendés et sa direction d'acteur sans faille, ce grand film de 1999 devait aussi beaucoup à la perfection du script et à la subtilité de son auteur. Perfection que l'on retrouve dans Six Feet Under, lancé juste après le triomphe aux Golden Globe et aux Oscars en 2000. Il faut dire qu'avec sa flopée de récompenses précoces, le bonhomme devient très courtisé par les studios. C'est pourtant vers la télévision qu'il se tourne, avec la farouche volonté de se venger d'un système de production qui l'avait autrefois broyé en imposant sa série personnelle. HBO étant réputée pour ses évènements télévisuels de luxe (la chaîne câblée diffuse également les Sopranos), elle accepte de laisser faire Alan Ball pour offrir une série anticonformiste et profonde. Le sujet principal est la mort ? OK. Les héros sont croque-morts de père en fils ? Pourquoi pas. Les épisodes n'ont pas de durée calculée pour s'insérer parfaitement dans la grille de programme ? Pas grave, on aménage les diffusions. Un véritable souci d'intégrité artistique qui offre même le luxe à Six Feet Under d'être diffusée sans coupure publicitaire ! Chaque épisode devient donc un petit film en puissance, avec une équipe de réalisateurs autorisés à apporter une touche personnelle (il n'y a pas moule visuel et de vraies prises de risques esthétiques) et des auteurs capables de parler de mort ou de sexe sans tabou.
Et ça, la série d'Alan Ball en profite bien ! Chaque épisode débute par la mort amusante ou tragique d'une personne (ça va du nouveau né à la victime d'un accident de la route ou de crime raciste), les héros sont loin des standards bien pensants, des fausses publicités pour enterrements saupoudrent le pilote, le sexe est abordé sans chichi... Les névroses américaines sont donc mises à nu avec une délicatesse inimaginable, les clichés sur la cellule familiale volant en éclat dès le premier épisode. Tout commence avec la mort accidentelle de Monsieur Fisher, responsable d'une entreprise familiale de pompes funèbres qui laisse une famille endeuillée. La mère est tiraillée entre la culpabilité de l'adultère et le désir de poursuivre sa vie, la fille est en pleine crise d'adolescence et se balade en corbillard, le fils modèle tente tant bien que mal de masquer son homosexualité... Des personnages tracassés et torturés qui ont tous fuit leur place et sont forcés de briser le silence dans lequel ils ont grandi toute leur vie.



Dans un sens, c'est un peu à la version télévisée (et donc plus complète et dense) d'American Beauty qu'Alan Ball nous convie. Claire n'est pas bien loin de Jane, Parker est un double à peine voilé d'Angela, Ruth est une version plus accessible de Barbara Fitts... Le sujet même de Six Feet Under est proche de celui d'American Beauty : un joli mode de vie américain mis à mal où les non-dits et les conventions noient tellement les protagonistes que ceux-ci cherchent une renaissance. La mort permet de donner toute sa valeur à la vie.
Alan Ball a investi énormément de lui-même dans cette série et cela se sent en permanence. Ayant vu sa sœur mourir à l'âge de 13 ans dans un accident de voiture, le scénariste entretient de toute évidence des liens profonds avec la mort et a de nombreuses questions auxquelles il aimerait donner des réponses. De même, son homosexualité longtemps refoulée permet d'injecter à David des expériences aussi personnelles que le coming-out ou les plans culs d'un soir. Résultat, chaque thème est abordé de front sans pour autant tomber dans le graveleux. La mort d'un nourrisson est présentée en plan séquence subjectif extrêmement doux, les cérémonies d'enterrements sont présentées dans toute leur nature grotesque (les fausses pubs du pilote), les désirs de chacun s'expriment par des virages brutaux dans la comédie musicale ou les imageries iconiques de films, la sexualité des cinquantenaires est présentée avec réalisme, le milieu gay est présenté dans toute sa diversité, la prise de drogue n'est pas accompagnée de couplets moralisateurs lourdingues...
Tout au long des 13 épisodes de la première saison, le spectateur peut se projeter, les thèmes universels comme l'abandon, la solitude, le désir affectif et sexuel ou le secret étant exploités intelligemment. Les personnages nous touchent parce qu'ils se cherchent, s'interrogent sur le sens de leur vie, sur ce qu'ils veulent... Il ne s'agit aucunement d'intrigues aux rebondissements obligés pour pousser le public à revenir chaque semaine et assurer l'audience mais bien d'une vision à peine scénarisée de la réalité, où les scènes les plus anodines (Ruth trouvant un vieux pot de compote pour bébé, David regardant un cadavre sur la table d'opération, Nate courant à perdre haleine) finissent par former un grand tout, bouleversant parce que proche du quotidien.
La saison 1 est d'une infinie cohérence parce qu'elle est la seule à presque se suffire à elle-même, car contenant un début et une fin. L'architecture des épisodes permet d'aller à un point A (une famille brisée) à un point B (le foyer réunit prêt à affronter les épreuves) en passant par une multitude d'équations à résoudre au plus vite. Le silence dans lequel chacun a grandi doit être brisé peu à peu pour que tous puissent sortir de l'ombre du père qui ne cesse de planer. Le paternel ne cesse de hanter les héros, comme s'il était la voix de leur conscience les tourmentant par le biais de détours dans la réalité altérée. Qu'il s'agisse de David voyant son père le regardant faire l'amour avec un homme en s'interrogeant sur celui qui fait la femme ou de Claire frustrée de ne pas avoir eu de liens plus proches avec ses parents, tous doivent apprendre à se connaître eux-mêmes pour s'accepter et se faire accepter des autres. Ruth se sent délaissée par ses enfants et veut retrouver le goût de la vie libre, Nate estime que sa vie à Philadelphie est ratée et retrouve le goût au plaisir dans les bras de Brenda, David essaye d'accepter son homosexualité et Claire est en proie à la classique crise d'adolescence en cherchant sa place parmi les camarades de lycée et se demandant ce qu'elle veut faire comme études.
Ces dilemmes intérieurs résolus, le season final pourra alors se conclure sur l'image positive d'une famille reconstituée et unie, où chacun a accepté l'autre. Le fantôme du patriarche peut alors s'en aller : il n'a plus besoin de veiller sur les autres qui sont désormais capables de prendre soin d'eux et de prendre le contrôle de leur vie. Le deuil de leurs doutes passés est terminé...
« Pourquoi faut-il mourir ? » demandera une femme à Nathaniel dans le dernier épisode de la saison. « Parce que cela rend la vie plus belle » rétorquera-t-il. Si le message paraît un rien convenu et déjà vu à ce stade de la série, il y a fort à parier qu'Alan Ball ne faisait là qu'exposer le début d'une longue réflexion à venir sur le sens de l'existence. Témoins ces portes ouvertes sur une suite (le braquage de Gabriel, la découverte de Nat sur sa santé) qui annoncent qu'après avoir accepter de vivre la vie, il faut aussi accepter l'idée de se prendre des coups et finir par mourir.

Pour plus d’informations :
Le site officiel de la série (US)
Le site officiel de la série (F)

 

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