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À quoi pensait la fée ?

Boby

 

Pour la douzième livraison de cette série de textes basée sur les hypothèses "Si j'étais homosexuel(le)" pour nos ami(e)s hétéros gay-friendly et "Si j'étais hétérosexuel(le)" pour nos ami(e)s gays hétéro-friendly, je suis fier de vous présenter Boby. Boby a 63 ans, père de trois jeunes adultes et veuf depuis peu. Boby est aussi homosexuel. Son blog, intime, pudique, bouleversant, est un rayon de soleil pour beaucoup de gays dont la vie ne fut pas si facile. Vivre caché, mais avec l'amour de ses proches (officiels ou officieux), Boby nous donne une grande leçon. Une leçon d'amour. Quand je l'ai contacté (en tant que lecteur), il m'a avoué ne pas être un grand amateur de chaînes de billets dans la blogosphère. Après lecture des épisodes précédents, il a écrit le texte qui suit très rapidement. Et franchement, ce texte est important. Émouvant, fort, terrible mais surtout important. Et quelle plume derrière ces mots ! La plume d'un aigle royal au cœur de canari...

[Ajout : Je viens d'avoir Boby au téléphone pour le remercier et je peux vous dire qu'il attend vos réactions tant dans les commentaires de ce blog que sur le sien. N'hésitez pas à communiquer avec lui, il le mérite ! (Note de Daniel C. Hall)]




Il était une fois une fée Carabosse qui voulut faire une mauvaise blague à un tranquille couple de commerçants bordelais. Ces braves gens avaient eu l’heur de lui déplaire, en affirmant, haut et fort, qu’ils ne croyaient en rien, hors les hommes, et surtout pas aux hasards de la destinée. Encore moins aux fées ! Ainsi, avaient-ils su, eux, se construire une vie paisible, et n’avoir que deux enfants, le choix du Roi : un garçon et une fille. Et ils s’en portaient fort bien, depuis près de huit ans, en ayant traversé la guerre sans trop de dégâts.

« Abracadabra », dit la fée à sa baguette magique. « De nouveau le choix du Roi vous aurez, deux en un. Et dans une relative misère vous l’élèverez… ».

Une petite ville de la banlieue bordelaise, qui bientôt ne sera plus qu’un quartier de la grande métropole. L’air est encore vif. Les oiseaux chantent pour accueillir le premier printemps de l’après guerre. Dans l’un des nombreux hôpitaux, la femme condamnée par la médecine accouche. Le mari a supplié de sauver la mère de ses deux enfants, quitte à sacrifier cet indésirable inattendu. Mais le petit taureau vient au monde en s’accrochant à la vie. Personne ne s’occupe de lui, on ne lui a même pas choisi de prénom. Il est là, et bien là : cinquante deux centimètres et cinq kilos deux cent cinquante.

Un beau bébé. À quoi pensait donc la fée ?

La toute récente pénicilline sauvera la mère. Lui, ne se pose pas encore de question. Il vit, mange, et dort. Le grand frère et la grande sœur ne s’occupent pas de lui : ils ont été envoyés dans la famille, au bord de l’océan, dans les immenses forêts des Landes. L’après-guerre est dure, cruelle. Les parents font faillite et perdent leur petit commerce. L’enfance sera faite d’errance, de ville en ville, le père allant de petit boulot en emploi précaire. Le grand frère a choisi de s’engager dans la marine, la sœur est en pension. Il sera le petit dernier, l’enfant gâté de la famille, élevé en fils unique.

Six ans. Un petit village de Gironde. Il est encore et toujours grand pour son âge. Précoce, à ce que l’on dit. Il savait déjà lire quand il a débuté sa scolarité. Au retour de l’école, quand le grand fils d’amis, qui l’a ramené sur le porte-bagages de son vélo  le dépose en haut de la côte, il fait le reste du chemin en tenant tendrement son amoureuse par la main. Tous les prétextes sont bons pour s’arrêter et la prendre dans ses bras, pour l’embrasser sur la bouche, comme il l’a vu faire par les grands… Qu’importe qu’on les voie : tout le monde les regarde avec un sourire ému. Ils sont tellement trognons !

À quoi pensait la fée ?

Huit ans. Une petite ville industrielle de l’agenais. Déjà grand et fort. Il accompagne ses parents dans leurs réunions militantes, mais c’est pour retrouver la fille de camarades du parti, pour pouvoir s’isoler avec elle dans les recoins les plus invraisemblables, et se plier aux caprices de la donzelle qui l’invite à mettre sa main dans sa petite culotte de dentelle ou qui exige de jouer avec son « truc » qui, va savoir pourquoi, dans ces cas là devient tout gros et tout dur… Sinon, quand elle retourne dans sa pension, il aime bien aller à la pèche avec les copains…

À quoi pensait la fée ?

Dix ans. Il est vraiment très grand. Un peu trop gros aussi. Des vacances sur la côte landaise. Des jeux polissons avec sa cousine préférée qui, pour lui faire plaisir, accepte de jouer au papa  et à la maman. Nus dans une grange. Le tonton qui débarque et qui n’apprécie pas la plaisanterie. Mais bon, faut bien que jeunesse se passe… On ne va tout de même pas faire un drame pour si peu. « Faudra faire attention, il est vraiment éveillé pour son âge ». Pour se faire un peu oublier, il va jouer avec des copains sur la plage…

À quoi pensait la fée ?

Onze à quatorze ans. On lui donne facilement trois ou quatre ans de plus. Dès onze ans il est pubère. Ça le travaille un peu. Assez. Beaucoup. Le Béarn… Ouh, la la… Il les collectionne. Toutes les gamines du village lui tournent autour, et il papillonne de l’une à l’autre. Il y en a même une qui a fort mauvaise réputation. Quand même ! La mère lui conseille d’être prudent : « Tu te rends compte, si tu la mettais enceinte ! ».  Il aime bien la nature aussi. Il va souvent garder les vaches dans la forêt avec un petit copain de l’assistance…

À quoi pensait la fée ?

Quinze à vingt ans. Physiquement, c’est un homme accompli. Grand, 1m84, massif, puissant, plutôt enrobé, dans les 90 kilos. Une pension dans les Pyrénées. Non mixte. Heureusement, il y a les vacances dans les Landes, et le grand cousin, de cinq ans son aîné, (le grand frère de la cousine préférée, vous suivez ?…) qui l’entraîne dans ses dragues estivales, le chargeant de s’occuper de la copine ou de la jeune sœur de la demoiselle qu’il convoite… Rien de mieux qu’un Don Juan pour parfaire son éducation…

À quoi pensait la fée ?

Vingt ans, Paris. La sagesse ? Des aventures féminines plus rares. Plus longues. L’envie de se poser ? Le besoin de normalité ? De rentrer dans le rang ? La maturité ? Un grand gaillard, massif, puissant, velu, poilu, barbu, viril en diable. Socialement, politiquement, engagé et battant.

À quoi pensait la fée ? Elle s’était donc trompée de formule magique ?

Vingt-cinq ans. La découverte de l’amour. Le vrai. Le grand. Une belle jeune femme de deux ans son aînée. Mais qui semblait bien plus jeune que lui. Socialement, politiquement engagée. La vie en couple. Le mariage envisagé. Le mariage. Les enfants… Le bonheur.

 

Ainsi, si j’étais hétérosexuel, pourrais-je raconter à mes enfants mes initiations et terminer cette belle histoire par « Ils furent heureux et eurent trois beaux enfants… »

Seulement voilà. Je ne le suis pas. En fait, je ne l’ai jamais été. La fée ne s’était pas trompée.



Si j’étais hétérosexuel, le souvenir le plus marquant de mes six ans serait effectivement les chastes baisers à ma petite voisine. Alors qu’aujourd’hui encore les oreilles me chauffent à la pensée de mes petits bras enserrant le corps de ce grand garçon pour ne pas perdre l’équilibre sur son vélo. Ma tête collée sur son dos. Je sens encore son odeur. Je ne comprenais pas mon trouble. Mais il était mien, et je percevais son importance.

Plus tard, je n’aurais pas ressenti un insidieux malaise avec cette copine trop entreprenante qui faisait mon éducation, et je n’aurais pas eu autant de plaisir en allant à la pêche avec des copains qui ne se contentaient pas de surveiller leurs bouchons… J’aimais bien trop, déjà, leur faire plaisir. Je provoquais. Je suscitais. Je manipulais. Déjà.

Les jeux avec ma petite cousine auraient occupé toutes mes pensées, alors qu’en fait, ils ne me permettaient que de passer plaisamment les séjours obligés en famille, et je préférais, et de loin, les moments que nous parvenions à voler, avec les petits copains, cachés derrière les dunes. J’étais précoce disait-on ? J’en profitais.

Si j’étais hétérosexuel, mes multiples séances de touche-pipi avec les voisines et autres copines ne seraient pas supplantées dans mes souvenirs par ce petit berger qui fit mon initiation complète et pour lequel je brûlais d’une passion inconditionnelle, allant jusqu’à supporter sans broncher des raclées mémorables du paternel qui n’aimait pas du tout, mais alors pas du tout cette fréquentation… Si à cette époque-là je multipliais les petites copines, ce fut plutôt parce que j’étais comme l’on dit, porté sur la chose, du genre « Je ne pense qu’à ça »… Et comme un vrai de vrai hétéro quelque peu obsédé ne refuse pas une petite branlette entre copains, moi, j’acceptais très naturellement l’intérêt que l’on me portait. Quel que soit le sexe.

Si j’étais hétérosexuel, des cinq années scolaires en internat je ne me souviendrais que de mes vacances, alors qu’en fait je brûlais d’une passion dévorante pour mon jeune amant de deux ans mon cadet. Que je ne respirais que par et pour lui. Que l’été était trop long tant mon impatience de le retrouver était grande, et que je finis dans la dernière année par une tentative de suicide…

Si j’étais hétérosexuel, ma vie parisienne aurait été émaillée d’aventures féminines. Probablement me serais-je marié avant vingt-cinq ans, et je n’aurais pas vécu plusieurs mois avec un compagnon avant de connaître ma femme…

Si j’étais hétérosexuel, je ne connaîtrais pas tous les lieux de drague underground parisiens, l’emplacement de toutes les vespasiennes et autres pissotières de la capitale, au mètre près, (oui, il y en avait beaucoup à l’époque) je n’aurais pas été un habitué de quelques-unes des rares boîtes homos qui existaient à l’époque.

La fée avait réussie sa blague : un cœur de midinette dans une carcasse de rugbyman. (Deuxième ligne, siou plaît !)

Oui, oui, sans doute…

Oui, pédé, mais honnête. Maladivement honnête. Quand la question du mariage est venue sur le tapis, je ne pouvais que dire la vérité à ma future femme. Je n’aurais pas supporté de vivre dans l’hypocrisie. Alors, si j’étais hétérosexuel, ma femme n’aurait pas eu de raison de me dire cette phrase qui a bouleversé ma vie :

« Je t’aime pour ce que tu es, et non pour ce que je voudrais que tu sois. »

Si j’étais hétérosexuel, je n’aurais pas eu de problème de conscience, et aucune raison valable n’aurait pu me conduire pour un peu plus de neuf mois en prison. J’ai voulu assumer jusqu’au bout, y compris les fautes commises (fautes, pas crimes). J’en ai payé le prix. Cher. Ma famille en a payé le prix. Très cher.

Si j’étais hétérosexuel, mes enfants auraient pu avoir la vie paisible d’enfants de petits cadres et enseignants moyens. Ils n’auraient pas eu à porter sur leurs frêles épaules la lourde charge d’une famille hors norme. Peut-être en seraient-ils plus heureux aujourd’hui.

Si j’étais hétérosexuel, comme mon frère après son brutal veuvage, très vite après la disparition de ma femme, me serais-je empressé de retrouver une compagne pour me tenir chaud dans le lit, me préparer de bons petits plats et repasser mes chemises.

Seulement voilà. La fée…


Quoi que.


Si j’étais homosexuel, je n’aurais pas supporté de vivre quarante ans d’une intimité de tous les instants avec une femme. Ma femme. Je n’aurais pu me forcer à faire semblant. Je n’aurais pu vivre des moments charnels aussi intenses.

Si j’étais homosexuel, j’aurais voulu me sentir bien dans ma peau, épanoui, en accord plein et entier avec mes pulsions. Mes enfants n’auraient pas été dans mes priorités absolues. Je les avais. Ils étaient. Cela eut dû suffire à satisfaire mon égo.

Si j’étais homosexuel, j’aurais sans doute rué dans les brancards. J’aurais fait mon « coming out » public et je serais parti vivre ma vie. Avec un homme. Mehdi, Vincent, Eric, Fabrice, ou un autre. J’aurais pris un grand appartement, pour pouvoir recevoir mes enfants pendant mes périodes de garde accordées par un juge.

Si j’étais homosexuel, au final, peut-être ma femme eut-elle été plus heureuse. Après avoir fait le deuil de notre amour, elle aurait pu reconstruire une nouvelle vie. Avec un mec. Un vrai.

Si j’étais homosexuel, il n’est pas sûr du tout que mes enfants aient souffert de notre séparation, qui, c’est évident, aurait été sans animosité aucune. Ils auraient connu une présence masculine. Une vraie. Et alors, mes enfants, mes chéris, n’auraient pas eu à me lancer dans les dents il y a un an : « La famille mythique ! Mais les mythes, j’en ai marre ! Toute mon enfance j’ai vécu avec cet idéal inaccessible ! C’est un père que je veux maintenant ! Simplement un père ! »

 

Hé, oui ! La fée. Tu n’as pas tout à fait réussi ! Car je dois l’avouer, le concéder. Je suis indubitablement, irrémédiablement, totalement, et sans aucune exclusive, je suis… Un homme !


Boby

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