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Jusqu'au milieu du XIXe siècle, le Japon offre une tradition culturelle de l'homosexualité. Qu'ils exaltent les vertus guerrières du samouraï ou qu'ils se travestissent dans le théâtre nô, les hommes ont tous le culte de la beauté et de l'amitié virile. Illustration de la décadence et de la persistance d'une certaine conception de l'homosexualité purement nippone.



Généralement, le futur samouraï suivait le cursus suivant : d'abord objet d'amour de la part des adultes, majeur, c'était ensuite à son tour d'aimer les garçons, avant de devoir prendre femme, ce qui ne signifiait pas pour autant l'arrêt de ses relations avec ses amants.


Sur une des peintures Shunga de Miyakawa Chôshun, on voit une femme, cachée derrière une cloison en train de reluquer son mari (?) qui sodomise son amant.


Scène pédérastique, Miyakawa Chôshun, début du XVIIIe. Peinture sur soie en rouleau


D'après cette peinture, la dimension culturelle de l'homosexualité japonaise ressemble à celle de la Grèce ancienne. On y retrouve les caractéristiques des sociétés militaires, l'amour de deux guerriers conçu comme principe d'émulation, ferment de courage et civilisation de la honte. Y est présente aussi la dimension pédagogique : l'aîné doit servir de modèle à l'aimé, le maître doit montrer la voie à l'élève. Enfin, le modèle peut apparaître essentiellement pédérastique : relation unilatérale, l'adulte pratique uniquement le coït anal envers l'adolescent.


Pourtant, l'homosexualité japonaise se démarque de la conception hellène par différents points. D'abord, si l'enfant grec recherche avant tout pour amant un homme célèbre pour son intelligence ou son courage (on songe aux efforts d'Alcibiade pour séduire Socrate), il sert surtout de faire-valoir à l'homme qui l'a séduit. Il semble au contraire qu'au Japon, l'amant et l'être aimé se mettent au même niveau d'amour, l'un étant par dessus tout fidèle à l'autre.


Lorsque le jeune garçon devenait un homme, les amants devenaient amis intimes, mêlaient leurs intérêts comme ils avaient mêlé leurs sangs, s'entraidaient jusqu'à former une sorte de fratrie, fondée non sur des liens familiaux mais sur des liens d'amour.


Au Japon, aucun samouraï ne met en cause la légitimité de tel seigneur dont les territoires lui ont été donnés par son amant, sauf en cas de dépossession illégitime. Les relations pédérastiques permettent donc au seigneur de s'entourer non pas de courtisans toujours susceptibles de le trahir, mais d'amis prêts à mourir pour lui le cas échéant.


Ensuite, contrairement à la pédérastie grecque dont les cadres d'exercices semblent avoir été une fois pour toute fixés, tous ceux qui ne les respectaient pas étant considérés comme déviants et méprisés, la dimension homosexuelle de la société japonaise a considérablement évolué au cours des siècles, les apports et ouvertures successifs ne niant pas les conceptions antérieures. On assiste donc à une ouverture du champ homosexuel. A la notion de chigo (jeune enfant, de onze à dix-sept ans) qui désignait l'amant dans le monde des moines, se substitue celle de wakashu (jeune homme, de treize à vingt ans et plus), propre à celui des samouraïs.



A LIRE : La voie des éphèbes : Histoire et histoires des homosexualités au Japon de Tsuneo Watanabe et Jun'ichi Iwata, Editions Trismégiste, 1987, ISBN : 2865090248

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