by Lucian Durden
Lucian Durden a 34 ans. Il est membre fondateur des Écrivains mendiants de Paris.
Ancien chef de la succursale des Flandres de l'École des tripes et amis du foie de veau. Publications dans le Bulletin de la société Jules Verge N° 45, 2ème trimestre. Il occupe les fonctions de
directeur de la WithoutBooks Publishing en Pennsylvanie. Ah oui, il est aussi hétérosexuel. C’est notre quota légal dans l’équipe du blog Les Toiles Roses.
Cet article n'est en rien une critique, mais se veut être une réflexion sur un point qui, je dois l'avouer,
m'agace...
C'est la publication de l'article intitulé « Pourquoi Mylène Farmer plaît-elle autant aux gays ? » qui donna instantanément naissance à un embryon de pensée qui ne cessa de
se développer jusqu'à aujourd'hui.
J'ai lu cet article, l'ai trouvé intéressant, pourtant une chose heurta mon esprit sans que je ne parvienne
à l'identifier. C'est le premier commentaire d'un "facebookien" (sur le mur de Daniel C. Hall) qui me donna la clef. Ce premier message disait en substance : « En tout cas, moi je n'aime pas
Mylène Farmer ».
Je pense que tout l'enjeu se trouve là.
Me sont aussitôt revenus en mémoire les avertissements des penseurs de l'école de Francfort au nombre
desquels Bertold Brecht ou encore Walter Benjamin. Leurs trois principaux avertissements , les voici :
– Ne pas réduire les êtres à l'état de "masse"
– Faire attention à toujours préserver l'autonomie
– Se méfier de ce qui accrédite l'idée que les Hommes souhaitent être fascinés, égarés et trompés dans
l'espoir confus qu'une sorte de satisfaction hypnotique leur fera oublier le monde absurde, cruel et tragique dans lequel ils vivent.
Et c'est bien là tout ce qui me gêne, ce titre « Pourquoi Mylène... aux gays » fait de la
communauté homosexuelle non pas une somme d'individualités libres de ne pas se sentir concernées, mais une espèce de masse compacte dont on ne peut sortir tant elle englue.
C'est comme si on posait la question « Pourquoi Sweet Home Alabama est une chanson qui plaît aux
racistes ? », j'aime cette chanson, je ne suis pas pour autant raciste. Je me suis donc mis à la place d'un ou d'une "homo", qui se serait écrié, sans qu'on l'entende : « Je
suis homo et je n'aime pas ! (et d'ailleurs je ne suis pas « les gays », je suis Moi !) »
Rappelons-nous ce mot de Barthes qui voyait dans les stéréotypes « des figures majeures de
l'idéologie », je crois qu'il n'est pas souhaitable, pour la communauté homosexuelle, déjà réduite dans nos sociétés à l'état de « masse stéréotypée », il n'est pas
souhaitable disais-je, d'en rajouter en ne faisant qu'accroître le fossé.
A-t-on déjà lu des articles du genre « Pourquoi Noir Désir plaît aux hétéros ? » ? Non, car
ça serait sans fondement, absurde même.
Je pense, et ce n'est que mon humble avis, que cette manière itérative de tout ramener au cœur d'une
question "gay", de tirer sans cesse sur un fil d'Ariane qui en définitive ne permet que de revenir au point de départ, n'est pas la bonne méthode.
Parce qu'en l'occurrence, je pourrai écrire un article complet, avec moult arguments et qui s'intitulerait
« Pourquoi Mylène Farmer plaît-elle autant aux hétéros ? », sorte de démonstration par l'absurde que l'on peut trouver partout ce que l'on cherche dès lors que notre pensée est
orientée. Inutile de trouver du "gay" pour trouver du "gay", il est des choses qui se suffisent à elles-mêmes et qui perdent toute force dès lors que l'on tente de les justifier.
D'où ce titre un peu provocateur qui résume ma pensée et j'en suis sûr celle de bon nombre, j'aime les
Hommes (les individus), pas les gays (en tant que masse).
Encore une fois, ce n'est en rien une critique, simplement l'apport d'un angle différent qui se veut
constructif.
TO BE CONTINUED…
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