05. Après Stonewall, un devoir :
témoigner et aider
© Cécile Quénum
Se livrer aux gens quand on est artiste comporte une part d'impudeur. Peut-être même de dandysme voire
un mélange de mégalomanie et d'égocentrisme. L'adage de Pascal est formel et tombe comme un couperet : « le moi est haïssable ». Certes, mais à partir de quand le moi
est-il haïssable ? Si c'est pour parler de ses dettes, ses problèmes d'érection ou de sa machine à laver qui déraille, je comprends que pour beaucoup ce n'est pas intéressant. En même temps,
il est des millions de gens qui lisent Voici...
Un artiste a une image publique. Il est bon de le rappeler à celles et ceux qui se claquemurent derrière
leur secrétaire, leur manager, leur attaché(e) de presse. Se créer son ghetto, forcément doré, est tentant... et stupide. C'est prendre les gens pour des cons.
J'ai accepté de discuter bisexualité avec Karine Lemarchand sur la 5 d'abord... parce que
je la trouve très belle. Ensuite, je suis membre de l'association Bi’cause, ce n'est pas un secret. Et puis il s'agit de prendre la parole et un
espace pour cela. Je n'ai rien à perdre, je n'ai rien à gagner (pour moi), par contre, je suis convaincu que je peux aider des gens. Moi-même jeune, j'aurais bien aimé voir des bisexuels
« ordinaires » à la télé au lieu de voir des artistes glamours à paillettes surfant sur le pornochic et qui servaient de maigres références.
Lorsque j'ai participé à l'émission Zoom Afrique pour témoigner de la place des personnes
non-hétérosexuelles sur le continent africain, on est venu me voir en disant : avez-vous vraiment besoin de ces émissions pour vous faire connaître ? Et puis on aimerait vous voir chanter à
la télévision. C'est bien gentil mais la Chance aux Chansons de Pascal Sevran, qui avait le mérite d'exister et d'inviter les artistes issus de la Chanson à textes, c'est terminé et aucune
émission n'a pris le relais. Ensuite Internet est devenu un média incontournable et la télévision passe pour un média dinosaure. Il faut rappeler aussi que la journaliste de l'émission était
intègre puisqu'elle m'a présenté comme chanteur/réalisateur et cerise sur la gâteau montra la jaquette d'Occident à la fin de l'émission à la caméra. Je n'en demandais pas
tant.
Pourquoi avoir participé à cette émission ?
Et bien simplement parce qu'il n'y avait personne d'autre. La journaliste cherchait des témoins de
couleur aux origines africaines qui parlent à visage découvert. Charles Guebogo, sociologue camerounais dont j'avais
géré un moment la promotion en France de son ouvrage La question homosexuelle en Afrique (chez l'Harmattan) aurait bien voulu participer mais il était bloqué au Cameroun
et avait donné mon nom et mon téléphone à la journaliste. Pour qui j'étais un cadeau tombé du ciel, sinon l'émission ne se serait pas faite. Alors j'ai accepté. Le voyage était pris en
charge, l'accueil était plus que correct, c'était une formidable expérience et l'émission était suivie. De plus j'en ai profité pour expliquer, tant bien que mal, qu'il était stupide
d'opposer une Afrique misérable et arriérée à une Europe riche et ouverte, que les choses étaient bien plus complexes que ça. D'ailleurs après l'émission, la journaliste me confia, étonnée,
qu'elle ne savait pas qu'il y avait des bars gays à Libreville, au Gabon (le Gabon est un des rares pays africains à avoir signé la charte de dépénalisation mondiale de l’homosexualité). Si
j'ai pu apprendre au public certaines choses, tant mieux. Si je peux utiliser ma « force » pour parler à la place des autres, c'est très bien. Et ceux et celles qui ne sont pas
contents et me le reprochent n'ont qu'à prendre ma place tout simplement.
TO BE CONTINUED...
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Les photographies sont © D. R. Le texte est © Jann Halexander. Ils sont reproduits avec l'autorisation de
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