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chaudronpotter

 

02.

VENT D'OUEST ET LE DIEU AILÉ

Papy Potter



Papy Potter est né en pleine folie hippie de parents qui ne l'étaient pas. Depuis lors, il vit au milieu de ses arbres avec son adorable pirate des trains, tout au bord d'un marais nommé « du ru d'amour ». À quelques kilomètres de là, s'étend une vaste forêt où il travaille. Dans le chaudron rose, comme il est devenu vieux (il a presque 40 ans) et que Moudulard a fermé ses portes depuis longtemps, il glose sur le lien sulfureux et amoureux liant les gays aux diverses spiritualités du monde.



Dans la mythologie des indiens d’Amérique, certaines unions ont de quoi étonner. Les dieux rouges sont beaucoup moins machos qu’on pourrait le croire. Ainsi, quand le vent s’unit au tonnerre, le drapeau arc-en-ciel se met, lui, à crépiter.

On se souvient du billet précédent qu’ANUKITE était l’épouse du vent, TATE. Et qu’ils avaient quatre fils. Le plus âgé d’entre eux se nommait YATA et régnait sur le nord. OKAGA, lui, soufflait sur le sud, YANPA sur l’est et EYA sur l’ouest.

Un jour que les quatre frères marchaient dans la montagne, ils entendirent un fracas effrayant. Ils en cherchèrent la provenance et découvrirent une hutte dressée tout près d’un nid, à l’ombre d’un cèdre. À l’intérieur, un œuf énorme vibrait, comme si quelque chose ou peut-être quelqu’un cognait de l’intérieur. Le bruit assourdissant se mêlait à celui que causait une autre créature cachée, elle, dans la hutte. Les quatre frères ne voyaient donc aucun des deux fauteurs de trouble. Ni celui de l’œuf, ni celui de la hutte. OKAGA s’approcha. Une voix grave et tremblante le menaça aussitôt :

— Qui ose s’approcher de la hutte du dieu ailé ? 

OKAGA se présenta. Le personnage, toujours invisible, lui ordonna alors de poursuivre leur chemin. Les quatre frères s’éloignèrent donc, non sans passer devant la hutte. EYA, le vent d’ouest, ne put, lui, s’empêcher de s’arrêter. C’était le plus coiffeur des quatre. Impossible pour lui de ne pas chercher à savoir. Ce pouvait être une source de potin au salon. La voix gronda une fois encore :

— Que veux-tu ? 

— Qui, moi ? Eh bien, c’est queeeeuuuuu, vous voyeeeeez, j’aimerais teeeeellement savoir qui vit dans cette hutte.

Une hirondelle s’échappa alors de la tente :

— C’est la maison du dieu ailé.

— Pourrais-je le voir ? hasarda vent d’ouest, battant des cils.

— Si tu le vois, tu seras obligé de devenir un « heyoka ». Mais si tu vois l’oiseau-tonnerre, tu n’y seras pas obligé. Que choisis-tu ?

EYA était gourmand. Pourquoi ne se rincer les yeux que sur un seul personnage ? Le dieu ailé ou l’oiseau-tonnerre ? Les deux doivent être sexy, non ?

— Les deux, dit-il en chevrotant, je veux voir les deux.

C’est alors que sortit la terrible créature, l’oiseau-tonnerre, celui dont les yeux crachent des éclairs et dont la voix est plus puissante que le tonnerre. Une créature terrible, au bec hersé de quatre rangées de dents, portant huit serres d’aigle terrifiantes et même quatre ailes claquant au vent. Même dans les bars les plus SM de la région, on ne voit pas de pareil uniforme.

L’oiseau ouvrit le bec :

— Puisque tu n’as pas fui en me voyant, tu deviendras le compagnon du dieu ailé, cracha la créature. Ensemble, vous irez par les cieux et vous nettoierez le monde de ses maux et de ses déchets.

— Charmant, minauda le jeune EYA en se rongeant l’index. Mais puis-je au moins avoir le privilège de voir cet ange du ciel ? Celui que vous nommez le dieu ailé.

L’oiseau grinça :

— Le dieu ailé, c’est moi. L’oiseau-tonnerre et lui ne sont qu’une seule et même personne. Et je suis cette personne. Je suis le dieu ailé ET l’oiseau-tonnerre.***

L’histoire ne dit cependant pas quel sex-appeal EYA trouva à l’horrible créature. On peut imaginer qu’il dut sentir le chaud frisson qu’éprouve un jeune techno quand il se fait draguer par un homme tout en cuir et hérissé de clous. Pourquoi pas ? On sait par contre que l’hirondelle, qui gardait la hutte de l’oiseau, clôtura la conversation en ces termes :

— En outre, tu auras la préséance sur les trois autres directions du vent à chaque cérémonie des hommes, acheva l’hirondelle.

En voilà un de privilège, bombardant du même coup EYA au plus haut sommet de la hiérarchie divine.

EYA rejoignit ses frères d’un pas vif. Puis, il leur demanda de choisir un oiseau qui leur servirait d’allié. Le vent du nord choisit la pie, le vent du sud une alouette, le vent d’est prit une corneille et vent d’ouest, bien sûr, choisit une hirondelle.

Depuis lors, les hirondelles tournoient haut dans le ciel, où elles escortent le dieu ailé, que l’on nomme Wakinyan, ainsi que son éternel compagnon « vent d’ouest. » et on les voit tourner quand le couple sacré se présente quelque part.

 

 

La turbulence des clowns sacrés

 

WAKINYAN, le dieu ailé, n’est donc en fait autre que l’oiseau-tonnerre. Son importance spirituelle est fondamentale chez les sioux. En effet, il vole toujours à contre-sens, dans le sens opposé à celui des aiguilles d’une montre. De sorte que ceux qui rêvent de lui deviennent des heyoka. Des hommes inversés, qui font tout à l’envers des autres. Ils se promènent nus en hiver et se couvrent en été. Ils se plaignent de la faim quand tout est en abondance et prétendent être parfaitement repus en période de disette. On les nomme quelque fois clowns sacrés car il est vrai que leur comportement fait rire. Mais ils font également réfléchir. Ils prennent le contre-pied systématique de tout. De cette façon, ils ouvrent le monde des idées, ils l’élargissent, ils rendent la nouveauté possible. Ils permettent de relativiser les événements et l’importance des situations. Ils posent la question du tabou et du bien-fondé des règles, ils font éclater les frontières du monde connu. Chaque chose que nous faisons a une fonction. Les heyoka nous invitent à réfléchir à cette fonction, à ce qui est logique et à ce qui ne l’est pas, à ce qui doit et ne doit pas être fait, ils nous posent simplement la question du « pourquoi », et de la légitimité des choses. Le heyoka est ce fou du roi qui peut tout se permettre. Le plus souvent, il se maquille d’un éclair blanc qui n’est pas sans rappeler le tonnerre qui sort de la bouche de wankinyan.

 

 

On ne peut pas s’empêcher d’établir également un rapport avec la sexualité. Mais faire autrement que les autres à ce niveau ne se limite pas à l’homosexualité, bien sûr. Cela inclut bien d’autres formes de sexualité, en ce compris l’abstinence.

Revenons-en à présent au couple que  ‘vent d’ouest’ forme avec son compagnon le dieu ailé. Est-ce un couple homosexuel ? Voire ! Dans ce domaine, les relations et les genres sont plus complexes qu’il n’y paraît.

Il est vrai que « vent d’ouest » est un des fils du vent et d’ANUKITE. Cela n’empêche pas qu’on puisse lui attribuer un genre plus féminin. Vent d’Ouest est en effet le deuxième enfant d’ANUKITE. Or, le deuxième enfant d’une famille sioux a un prénom très peu différencié qu’il soit fille ou garçon. Ce sera Hapan dans un cas, Hepan dans l’autre. Deux mots semblables pour ne pas dire quasiment identiques. À titre de comparaison, le premier enfant d’une famille sera prénommé Caske s’il s’agit d’un garçon et Winuna s’il s’agit d’une fille. La sexualisation du nom est donc plus marquée pour le premier enfant de la famille que pour le deuxième. Le troisième enfant d’une famille est par contre nommé Hepi quand c’est un garçon et Hepistinna quand c’est une fille. Nous avons là une autre définition des genres. Le nom de la fille étant une extension de celui du garçon. Hepi dérive lui-même de Hepan qui est le nom donné à un deuxième fils.

Dans la filiation du dieu du vent, le vent du nord est le premier. Il possède une dominante masculine marquée. Cela se traduit par des actes d’une exceptionnelle violence. Le vent du nord est froid et destructeur. Vent d’ouest, en tant que deuxième enfant, appartient à un degré de filiation où la sexualisation est peu marquée. William K Powers affirme que Vent d’ouest est à dominante féminine, ce qui se traduit par le fait qu’il soit compagnon (compagne) du dieu ailé. Pourtant, on pourrait facilement objecter que son degré de filiation ne plaide ni pour un sexe ni pour l’autre. Le couple peut donc parfaitement être homosexuel.

Par ailleurs, la masculinité du dieu ailé se marque dans sa violence. Il règne en effet sur la foudre, les éclairs, le tonnerre, tous attributs de force et de virilité. Pourtant, le dieu ailé abrite un œuf près de sa hutte. Son œuf ! Qui donnera d’autres oiseaux-tonnerre. On pourrait donc y voir une expression de sa féminité. Certes ! Mais ce ne sont pas toujours les femelles qui couvent les œufs… On le voit, le couple que forme « vent d’ouest » et « oiseau-tonnerre » est ambigu, hétéro et homo à la fois.

Le mythe dote en outre le couple d’une fonction bien précise : nettoyer le monde de ses déchets et de ses maux. Le dieu ailé est porté par le vent d’ouest. Ils accomplissent ensemble une mission purificatrice. Voilà qui rejoint le fait que les heyoka sont quant-à-eux souvent des guérisseurs. Mais cette mission de purification, de nettoyage, va bien plus loin encore car le clown sacré se comporte à l’envers et pose la question du bien fondé des règles. Il est celui qui questionne toutes les légitimités. Il permet donc aux anciennes traditions devenues inutiles, aux habitudes sclérosantes et aux règles désuètes d’être transformées. Dans le fracas du vent, des flammes et de la pluie, l’orage transforme. L’œuvre du couple mythique est une transformation, une métamorphose.

Il est tentant de poser la question : les homosexuels n’opèrent-ils pas la même action ? Leur amour questionne également la notion de famille et de normalité après tout. Et, au-delà, ils posent l’interrogation de ce qui fonde le couple. Est-ce la seule procréation ? Les homos ne sont-ils pas des heyoka à leur manière ?  Ne dit-on pas par ailleurs qu’ils sont les précurseurs des modes et de la nouveauté, donc des transformateurs ?

Un dernier point que l’on peut soulever est celui de l’invisibilité. Si le vent, lui, peut bien être senti, ou entendu, on ne peut en fait voir que ses manifestations. Le vent est invisible. De même en est-il de l’oiseau-tonnerre qui ne tient pas à être vu. Le couple se cache. Et quand il se présente quelque part, c’est un vol d’hirondelles qui l’annonce. L’hirondelle est, on ignore pourquoi, un symbole récurrent chez les travestis ou les drag queens, bref, le peuple du visible. Car on peut dire ce que l’on veut, le monde des travestis rend visible ce qui ne l’est pas. Ils sont les premiers militants de la visibilité des gays.

S’il est justement une chose que le couple mythique déteste, c’est le mensonge. L’oiseau-tonnerre foudroie celui qui ne dit pas la vérité. Une punition qui effraierait la plus virile des honteuses du Marais. Être sodomisé, oui, mais foudroyé, quand même… L’union de vent d’ouest et de l’oiseau tonnerre tient à un événement bien précis et qu’il est bon de souligner. Vent d’ouest a accepté de voir le dieu tel qu’il était. Sans le fuir, sans avoir envie de le détruire. Il l’a vu. Et il n’en a éprouvé aucune peur. Je ne peux m’empêcher de songer à tous ceux qu’une homophobie intériorisée afflige. Et que la haine submerge quand ils voient celui qui s’affiche. Formidable question que celle de la visibilité. La vérité est une chose, la mettre en forme en est une autre. Que penser de ces couples d’hommes qui se promènent en rue sans se tenir la main mais qui ne mentent jamais quand on leur pose la question sacrée : « En êtes-vous ? » ? Vent d’Ouest et le dieu ailé ne se montrent d’ailleurs pas. Mais ils ne mentent pas non plus. La nuance est là. Elle est au cœur de la problématique du coming-out.

En conclusion, on peut se poser la question : « Et si les gays posaient simplement la question de ce qui fonde la légitimité d’une relation ? Procréation ou autre chose ? »

 

 

À lire : La Religion des sioux oglala, de William K. Powers aux Éditions du Rocher.


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