Le Père Docu joue l'envoyé spécial des Toiles Roses au festival d'Avignon : il fait péter les
notes de frais : TGV, hôtel 5 étoiles, restaurants de luxe, avec son escort boy favori (un certain Bernard qui n'a pas encore réussi à le fourguer au boss des Toiles Roses).
Durant ses quelques heures de lucidité et de mobilité quotidiennes, le Père Docu abuse de la confiance de
quelques troupes qui auront eu pitié de ce pauvre homme et à qui elles font l'obole d'une invitation... et l'honneur d'une conversation.
Chroniques des temps de sida
Écrit et mis en scène par Bruno Dairou, avec Laurent Ciavatti et Antoine Robinet.
Compagnie « Pourquoi ? »
Au Théâtre du Vieux Balancier, 2 rue d'Amphoux, tous les jours à 13h jusqu'au 31 juillet.
Climatisation et accès handicapés. 45 places.
Le théâtre du vieux balancier est un lieu minuscule dans une ruelle du vieil Avignon. Quelques fauteuils de
cinéma fatigués et des chaises devant une petite scène et les acteurs qui passent par la rue pour revenir sur les planches en changeant d'itinéraire. Un décor minimal qui doit être compatible
avec les cinq spectacles occupant successivement les lieux : du pur « lieu du off » avec la mention « confortable et chaleureux »... qui n'est pas partout une règle absolue
!
J'avais repéré et choisi ce spectacle en raison du mot « sida »... Si vous craignez entendre des
propos sur la maladie, prenez place sereinement, il n'en sera pas explicitement question. L'auteur a choisi ce repère pour des raisons chronologiques afin de relier deux saynètes déjà jouées :
Les Cimetières du nord (1996) et Parce que ce soir-là il y avait du vent (2005). Les deux personnages des deux moments évoluent dans le même univers carcéral, dans un contexte
où ils sont des parias.
Les dialogues de la première partie sont violents, percutants, entre celui qui occupe les lieux (une cellule
?) et qui accueille, dans une alternance d'agressivité et de tendresse masquée, un nouveau venu. Les deux hommes sont issus de milieux sociaux différents, opposés. Enfermés pour des motifs
semblables (opinions politiques ? orientation sexuelle ? maladie ?), leur débat peut devenir un peu abstrait, métaphorique.
Cette première partie est en 2009 trop allusive pour avoir la force qu'elle eut lors de sa création quinze
ans plus tôt : Bruno Dairou m'a expliqué qu'elle avait été écrite à un moment où un borgne haineux parlait de « sidaïques » et où l'homophobie avait trouvé dans le « cancer
gay » un argument supplémentaire. Ce contexte donnait aux Cimetières du nord une force plus difficile à ressentir aujourd'hui, quelles que soient les qualités d'interprétation de
Laurent Ciavatti et d'Antoine Robinet.
Dans la deuxième partie, Antoine Robinet est seul et se met à nu, dans tous les sens du terme. Son propos
n'est pas un monologue : il va successivement se fixer dans les yeux de chacun des spectateurs pour le prendre à témoin, lui glisser une confidence, lui faire un aveu, provoquer son indignation
ou son étonnement. Plus encore que sa beauté physique, c'est par la force de son regard, qu'il subjugue. Avec un texte sur l'exclusion, la différence, le poids du regard des autres, il réussit à
« rendre cette fragile passerelle entre le dit et l'inexprimable » (1) et donne à ces moments trop courts une vraie force émotionnelle et
humaine.
(1) in Notes d'intention de mise en scène, dossier de presse.
Pour aller voir Chroniques des temps de sida
:
http://www.avignonleoff.com/programmation/2009/spectacles/theatre/C/chroniques_des_temps_de_sida_3136/lieu/vieux_balancier_276/
Le site de la Compagnie « Pourquoi ? » (en construction en juillet 2009)
http://www.compagniepourquoi.com/
*
Un mariage follement gai
De Thierry Djim, avec Geneviève Gil, Sylvia Delattre et... Thierry Dgim.
Tous les jours à 18h au Paris III, 5 rue Henri Fabre : 90 places, climatisation, fauteuils, accès
handicapés.
Le Paris est un ancien cinéma qui n'ouvre plus que pour le Festival OFF, à deux pas de la « rue de la
Ré » et à cinq minutes de la place de l'Horloge.
Sébastien fait « un peu » de musculation pour entretenir son corps... Il ne veut pas déplaire à
Jean-René, son mec... Les spectateurs se voient, eux, soumis à une bonne heure de musculation intensive des zygomatiques, sans recours à un quelconque artifice de type
« sport-élec ».
Voici le genre de spectacle qui n'est pas réservé à un public spécifiquement gay. La salle est comble : tous
les âges, tous les genres sont représentés et les enfants rient autant que les aînés.
Cet humour est sain, d'une immense finesse. Sous une allure Birkenstock de l'humour, Thierry Djgm chausse
(au propre comme au figuré !) des talons aiguilles pour faire réfléchir tout en amusant. Sans aucune pesanteur, sans jamais intellectualiser ni ridiculiser des sujets aussi lourds que
l'homophobie ou le coming out, il plante en cinq tableaux enchaînés de main de maître un récit burlesque, authentique et bourré de clichés intelligemment cadencés.
Les Feux de l'amour, Chantal Goya, Madonna, Les Dieux du stade, Jean Galfione, Catherine Lara et même Florent Pagny et Pascal Obispo sont
au programme de cette folie théâtrale.
Le texte de Thierry Dgim est travaillé au millimètre près : s'il a un écho plus fort chez les gays, il n'y a
aucune « private joke » inaccessible au grand public, aucune vulgarité. Une autodérision mesurée (« On n'est pas des pédés ! ») et surtout l'envie de recommander ce
spectacle à TOUT LE MONDE. LGBT comme parents, amis et... ennemis qui en sortiront sans nul doute avec un regard différent sur des thèmes auxquels ils n'avaient jamais songé. Le parfait exemple
de travail léger, subtil et tellement drôle contre... contre quoi ? Ah, on peut encore être homophobe après avoir vu Un Mariage follement gai ? J'étais tellement gai que j'ai
pensé que ce mot était déplacé en ces lieux !
Pour y aller (dernier jour le 31 juillet 2009) :
http://www.avignonleoff.com/programmation/2009/public/U/un_mariage_follement_gai_-_1786/lieu/paris_-le-_266/
Réservez : c'est souvent complet : 08 99 70 60 51 (1,34€ l'appel +
0,34€ la mn)
Vidéo : http://www.wideo.fr/video/iLyROoafYQ9Q.html
Le site de Thierry Dgim :
http://www.thierrydgim.com/index.html
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De Profundis
D'Oscar Wilde, par le Théâtre de l'Ours, avec Jean-Paul Audrain.
Mise en scène de Grégoire Coette-Jourdain. Avignon festival OFF.
Jean-Paul Audrain est seul sur une scène au dépouillement parfaitement étudié. Il ne joue pas Oscar Wilde :
il est l'écrivain déchu, incarcéré pour deux années au pénitencier de Reading sous le matricule C 3-3. Tel un conjoint déçu après un divorce prononcé à ses torts, il énonce la stratégie
judiciaire dans laquelle il s'est lancé pour satisfaire la haine de son jeune amant Bosie envers son père, marquis de Queensbury, qui saura habilement amplifier le conflit père-fils d'une
ostracisation de l'homosexualité, punie par les lois du Royaume-Uni victorien.
Procès perdu aux conséquences fatales pour le dandy irlandais à qui l'on va retirer ses enfants chéris, qui
va devoir divorcer, et être déclaré en faillite : il ne survivra pas trois ans à sa libération.
Ce texte n'était pas destiné au théâtre. Il s'agit d'une lettre à celui par qui, pour qui, il se retrouve
aux travaux forcés et qui a disparu. Wilde l'intéressait sur son piédestal ; l'homme cloué au pilori a quitté ses pensées. Lettre d'amour, de justifications, de reproches, concerto
d'amertume mais aussi brillante leçon d'espoir, de renaissance de celui qui, après l'épreuve de la vindicte publique sur le quai d'une gare a appris la valeur d'un « bonjour Monsieur »
qui, dans la bouche d'un gardien, suffit à illuminer une journée.
La mise en scène de Grégoire Couette-Jourdain est un écrin brut qui donne aux mots de Wilde une force que
l'on n'attendrait pas d'un style épistolaire. Ses références à la « Première épître aux Corinthiens » de Saint-Paul, l'apôtre de l'homophobie (1) sont de moindre importance par rapport à son inspiration, également citée dans le dossier de presse, des toiles d'Egon Schiele (2) dont Jean-Paul Audrain atteint la force d'expressivité.
Le décor est celui d'un lieu de réclusion : une cellule de prison qui pourrait être aussi une chambre
d'hôpital ou de centre de rééducation...
Sans donner aucune leçon, ce témoignage de résistance face à une douleur exquise atteint une valeur
universelle.
Pour aller voir De Profundis à Avignon jusqu'au 31 juillet 2009,
tous les jours à 15h30 :
http://www.avignonleoff.com/programmation/2009/public/D/de_profundis_3221/lieu/luna_-theatre_la-_315/
Salle accessible aux handicapés (attention : gradins) 70 places, climatisation.
(1) Première épitre aux Corinthiens, 6 – 9, 10 : Ne savez-vous pas que les injustes n'hériteront point le
royaume de Dieu? Ne vous y trompez pas: ni les impudiques, ni les idolâtres, ni les adultères, [10] ni les efféminés, ni les infâmes, ni les voleurs, ni les cupides, ni les
ivrognes, ni les outrageux, ni les ravisseurs, n'hériteront le royaume de Dieu.
On trouvera bien pire dans l'épitre aux Romains, 1 – 26, 27 :
http://www.ebible.free.fr/livre.php?_id=ro&_chap=1
(2) Œuvres d'Egon Schiele :
http://images.google.fr/images?rlz=1C1GGLS_frFR320FR320&sourceid=chrome&q=egon+schiele&um=1&ie=UTF-8&ei=ShRgSt32FN2fjAfrl6G9Dg&sa=X&oi=image_result_group&ct=title&resnum=1
POUR EN SAVOIR PLUS :
Le site de la compagnie : http://theatredelours.typepad.fr/
Oscar Wilde : sa vie, son oeuvre : http://fr.wikipedia.org/wiki/Oscar_Wilde
Compléments bibliographiques :
De Profundis : http://www.critiqueslibres.com/i.php/vcrit/5212
Le Procès d'Oscar Wilde : http://www.critiqueslibres.com/i.php/vcrit/13304
L'affaire Oscar Wilde : http://www.critiqueslibres.com/i.php/vcrit/3779
[Remerciements] : Daniel C. Hall, Big Boss des Toiles Roses, remercie les
responsables des différences compagnies et tous les acteurs des spectacles présentés ici d’avoir invité nos collaborateurs et les avoir si bien reçu, comme tout représentant de la presse
« officielle ». Merci à vous toutes et tous, et bravo pour votre passion et votre talent.
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