Le festival d'Avignon est terminé. La ville est depuis nettoyée des tonnes d'affiches qui l'ont
recouverte, des milliers de flyers qui l'ont envahie. Les Théâtres redeviennent des lieux quelconques : garages, ateliers, dépôts en tous genres.
Les Toiles Roses remercient toutes les troupes qui leur ont fait l'honneur d'une invitation.
En 2010, si l'opération se renouvelle, nous publierons la liste de celles qui n'ont pas daigné nous
répondre, mais en attendant voici les derniers spectacles vus et appréciés pour vous.
Les cinq troupes ici commentées ne doivent pas hésiter à nous communiquer leur calendrier 2009/2010
que nous reproduirons ici le moment venu.
Avignon va passer à son statut estival n°2 : halte dans une cité papale pour les pèlerins italiens
sur la route de Lourdes.
Dieu lui-même a fait une escale étincelante remarquée :
L'Opération du Saint-Esprit
Comité de crise au sommet du christianisme.
L'heure est grave : Père et Fils se rasent et le Saint-Esprit a pris du plomb dans l'aile. Il va
passer sur le billard... à l'Hôtel Dieu.
Marie rêve d'un vrai retour sur Terre, discret mais complet, à la différence de ces apparitions brèves
mais frustrantes qu'elle trouve vraiment trop Lourdes. Jésus songe à un véritable come-back sur Broadway pour damer le pion à ce Saint Sébastien qui attire tant de regards concupiscents
en jouant les mijaurées, pénétré de toutes parts.
Saint Pierre, alcoolique repenti à la mode George W. Bush, tente de gérer les revendications
hormonales des anges dont les voix de faussets exaspèrent tout le monde, public compris.
Lucifer est bougon : pas de clients pour lui non plus. La libéralisation générale des mœurs le prive
de tous ces égarés : plus personne ne culpabilise !
Avec un peu de testostérone angéliquement répartie, les castrats passent au grégorien... libidineux
!
Une blague d'hôpital : « Quelle différence y a-t-il entre Dieu et un chirurgien ? » Dieu
sait qu'il n'est pas chirurgien. Il va ici le prouver dans cette Opération du Saint-Esprit.
Depuis que cette pièce tourne (fin 2006), son texte s'est affiné au point de devenir un échange de
mots tellement subtils que l'on voudrait en ralentir le rythme pour mieux jouir en même temps de la gestuelle des acteurs. Dans la ville qui fut de 1309 à 1367, siège social de l'Eglise ici
réunie les Caramels Fous devenus Les Emplumés enflamment l'ancienne fabrique d'allumettes qu'est le Théâtre de l'Etincelle. Face au siège avignonnais de l'UMP, les secours devraient être au moins
aussi véloces qu'en cas de malaise vagal présidentiel.
Marie est gentiment gourdasse : Vincent Baillet lui instille toute la candeur de la mère juive qui n'a
jamais vu le loup. Xavier Sibuet donne à Saint Pierre la carrure du manager qui sait répartir la parole entre le staff managérial et la chorale militant pour l'obtention de gonades à dégoupiller
rapidement. Laury André, alias Gaby, en est le représentant idéal avec des yeux d'ange et une pomme d'Adam à performances variables. Jésus est un beau garçon en petite tenue : son pagne dissimule
un service complet, on sent bien que celui-là a envie de plaire à tout le monde, filles et garçons. Mais il est clair qu'il a depuis longtemps fait une croix sur le passage à l'acte.
Jean-François Dewulf est un Lucifer au charme infernal : ses yeux injectés de sang, son manteau de cuir (dix kilos !) et son missel auto-autodafé en font un diabolique partenaire, le plus sexy de
la bande ?
Et Dieu dans tout ça ? Serein, conscient de ses devoirs, de ses limites, de ses échecs (ah, la Réforme
!) de son personnel (ah, ces papes, cet Allemand !), de la concurrence (ah ces barbus !). Michel Heim, auteur du texte, coordonne divinement ce délicatéchisme décapant qu'il sera important (c'est
un conseil plus qu'un onzième commandement !) de ne pas rater lorsqu'il passera près de votre paroisse.
POUR EN SAVOIR PLUS :
Le site divin : http://www.le-theatre-de-michel-heim.fr/
Bande annonce de la pièce : http://www.youtube.com/watch?v=t6fU-kzMtI0
Scène finale : http://www.youtube.com/watch?v=gXf7T3GLg9M
Pour se procurer le texte intégral de l'œuvre :
http://boutique.lescaramelsfous.com/product_info.php?products_id=40&osCsid=b3ae617f84a250b1072d84d1a2cc4f91
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Les Lascars gays
Deux djeun's : Ryan (bronzé) et Steeve (pââle). Pleins de peps, d'énergie, de gouaille. Dans leur zone
du 9-3, ils zonent et discutent, se disputent, confrontent leurs idées, leurs expériences et... leurs fantasmes. Les filles ? Ben, ce n'est tout simplement pas leur truc : ils préfèrent les mecs.
Ils n'en font ni un drame, ni une gloire. C'est comme ça.
Ces deux-là ne sont pas des tafioles : on frémit à l'idée de les voir rencontrer les « coachs
gays » de la télé- « réalité » été 2009 de TF1, Mon incroyable fiancé !
Pendant plus d'une heure, Majid Berhila et Hugues Duquesne enchaînent sous la houlette de Luc Sonzogni
une série de sketches délirants, en contact très proche avec un public qui jubile et en redemande.
Au programme :
De la musique et de la danse : Ryan est le clone de Madonna, Like A Virgin, sur le banc de la
téci et Steeve a un abdomen de danseuse du ventre.
De la mode : les boxers s'exhibent puisque les jeans ont une liberté de chute assez importante (en
données corrigées des variations des ondulations de hanches).
Du cinéma : analyse comparée de la part de suspense de deux films récemment primés : La Graine et
le mulet et Entre les murs.
De la religion : Islam, Benoît XVI et signes ostentatoires.
De la politique : Ségo ou Sarko ?
De la culture : un Big Bisou à Françoise Dolto, via feu son fils.
De l'amûûûûr : des rivalités, des joies, des larmes.
Du racisme : en costard, un certain Jean-Claude trouble Steeve.
De la verve tout le temps, des mots qui cognent, des idées qui frappent.
Et la vulgarité, les grossièretés ? Elles sont dans la tête de ceux qui ne supportent pas les
différences. Des racistes et homophobes de tout poil.
Le pari était extrêmement risqué. Les vidéos des Lascars que l'on trouve sur le net ne
peuvent donner l'idée de leur présence, du lien que le public, de tous les âges, entretient avec l'un, l'autre ou les deux. Le naturel avec lequel le plus « ordinaire » des spectateurs
devient le prétendant de Majid, le rire de celle sur laquelle il jette son dévolu pour une acrobatique exploration en zone féminine inconnue en sont un modeste échantillon.
Les sketches sont variés, enchaînés à bonne cadence. Leur écriture a réussi le défi annoncé :
« le mariage étrange de deux univers distincts, Lascars et Gays, tout en évitant astucieusement les clichés véhiculés par ces deux... ghettos »
Visière à l'arrière ou à l'avant, on se découvre devant ces Lascars... à courir applaudir s'ils
passent dans le quartier !
POUR EN SAVOIR PLUS :
Leur site : http://www.leslascarsgays.fr/memo/index.html
Dossier de presse : http://www.leslascarsgays.fr/memo/images/presse.pdf
[Remerciements] : Daniel C. Hall, Big Boss des Toiles Roses, remercie les
responsables des différences compagnies et tous les acteurs des spectacles présentés ici d’avoir invité nos collaborateurs et les avoir si bien reçu, comme tout représentant de la presse
« officielle ». Merci à vous toutes et tous, et bravo pour votre passion et votre talent.
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