Si j’osais paraphraser « Papa » Hemingway, je dirais qu’au Japon, le soleil se lève encore. Mercredi matin, il s’est levé très exactement à 8h27 (heure locale) lorsque la princesse Kiko, belle-fille de l’Empereur Akihito (dont le nom de règne « Heisei » signifie « paix universelle »), a donné naissance au premier héritier mâle de la nouvelle génération. Attendue comme le Messie, la naissance d’un prince impérial qui sera peut-être, un jour, appelé à monter sur le Trône du Chrysanthème (fleur et couronne, félicitations sur le registre), clôt momentanément la controverse sur la loi successorale qui exclut les femmes.
À l’origine de cette crise dynastique qui agitait l’archipel nippon depuis trois ans, il y a une femme : la princesse Masako, épouse du prince héritier Naruhito. Née Owada, elle a longtemps joué les mijaurées et refusé, par trois fois, d’épouser le prince, avant de prononcer le « oui » fatidique qui l’obligeait à renoncer à la carrière diplomatique à laquelle elle se destinait, et de s’enfermer derrière les murs secrets du palais impérial. Depuis, elle est maniaco-dépressive, a fait plusieurs fausses couches et n’a mené qu’une grossesse à terme qui, en 2001, a donné naissance à une fille.
Sa belle-sœur Kiko, entrée quelques années avant elle dans la famille impériale, avait elle aussi donné naissance à deux filles. À cette seule différence que, n’étant pas l’épouse du prince héritier, il ne lui incombait pas de mettre au monde un garçon appelé à régner. C’était avant que Masako ne soit déclarée inapte à remplir les devoirs de sa charge. Depuis, c’est Dynastie à Tokyo. Les deux fils de l’empereur sont brouillés depuis bientôt deux ans. Il faut dire aussi que le prince Naruhito aime sa femme, ce qui n’est pas de très bon goût…
La tempête a soufflé encore plus fort lorsque le Premier ministre, Junichiro Koizumi, a mis en place un comité d’experts chargé d’étudier la possibilité de modifier la loi successorale pour permettre à la princesse Aiko, fille unique de Naruhito et de Masako (je suis sûr que vous n’arrivez plus à me suivre) à devenir un jour impératrice régnante. Ce fut alors la guerre ouverte entre les modernistes et les traditionalistes. Officiellement neutre, l’empereur Akihito se désolait en son for intérieur de cette polémique qui déchirait à la fois le pays et sa famille. Il fallait réagir. Finalement, la déesse Amaterasu a entendu les prières qui lui étaient adressées. Comme par magie, quelques jours après que Koizumi eut évoqué un projet de loi pour modifier la succession, et que plusieurs de ses ministres se fussent démarqués de lui, le Palais impérial annonça la grossesse miraculeuse de la princesse Kiko…
Deuxième miracle, nous savons depuis hier que l’enfant est un garçon. C’est donc, selon toute vraisemblance, un futur empereur du Japon qui vient de pousser ses premiers vagissements dans un hôpital privé de Tokyo où, grande première, il est venu au monde par césarienne. Du jamais vu dans la plus ancienne monarchie du monde. Mon petit doigt me dit, cependant, qu’on n’a pas tout vu, et qu’on ne nous a pas tout dit…
Au fond de moi, je ne crois pas qu’en 2006, au pays de Sony, de Toyota, de Yamaha et de Toshiba, on s’en remette au hasard pour régler une question aussi cruciale. Chance pure ? Intervention divine ? J’ai bien l’impression que quelques spécialistes ont un peu aidé le sort, et ne serais pas étonné d’apprendre un jour que le nouveau-né est, en réalité, le premier monarque génétiquement modifié (MGM). En un mot comme en cent, Akishino et Kiko ont choisi le sexe de leur enfant. C’est fort probable compte tenu des progrès technologiques accomplis en ce domaine.
Faudra-t-il que la famille impériale du Japon se livre à des manipulations génétiques pour assurer sa pérennité ? Reconnaissons que cela manque singulièrement de glamour. Pour ma part, je considère que l’empereur devrait pouvoir entretenir, comme par le passé, un harem de concubines. Au 20e siècle, la vogue des mariages d’amour a conduit Hiro-Hito a abolir la polygamie. De nos jours, son petit-fils se refuse à répudier une femme qui ne peut lui donner d’héritier. Pourquoi bride-t-il ainsi sa sensualité ? Il y a sur terre beaucoup plus de femmes que d’hommes, et certaines seraient très fières de partager la couche de ce grand romantique... Et vous, qu’en pensez-vous ?
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{La France avait connu semblable situation en 1820 à la naissance du duc de Bordeaux (1820-1883), fils posthume du duc de Berry, alors que la branche aînée des Bourbons issus de Louis de France, duc de Bourgogne (1682-1712) menaçait de s'éteindre.}
La grossesse de Kiko est arrivée à point nommé alors que le gouvernement Koizumi s'apprêtait à déposer un projet de loi controversé pour modifier la succession. Si le hasard a disposé que l'enfant soit un mâle, je ne peux m'empêcher de penser qu'il a décidément bien fait les choses. Mais, dans le contexte que j'ai évoqué, il n'est pas impossible d'envisager que quelques manipulations du sperme impérial du prince Akishino aient pu permettre de déterminer à l'avance le sexe de l'enfant à naître.
"La princesse Kiko, épouse du frère du prince héritier, enceinte de trois mois, ne souhaite pas connaître le sexe de son enfant avant l'accouchement prévu en septembre, a indiqué vendredi le médecin de la famille impériale." mais y a quelques mois.
l'eau a coulé sous les ponts !