CASSE-TOI !
Crève mon fils, je ne veux pas de pédé dans ma vie,
Jean-Marie Périer
Oh ! Editions, 2010, 176 pages, 14,90
€
Un Périer frappant !
Jean-Marie Périer reprend dans son titre la délicate apostrophe de parents envers leur fils
ou leur fille homo. À soixante-dix balais, le photographe des stars a découvert au hasard de ses lectures de la presse régionale l'existence d'une association destinée à porter assistance aux
jeunes virés de chez eux par leurs parents pour cause d'homosexualité : Le Refuge.
Les deux responsables de cette structure nationale unique qui ne dispose pas d'hébergements
pour plus de quinze personnes ont répondu à ses questions et lui ont présenté quelques uns de ces ados et jeunes adultes dont les parents ont confondu orientation sexuelle non choisie et
perversité.
Avec l'aide de Véronique Mougin, journaliste plus proche en âge de ces expulsés – elle a la
trentaine ‒ il raconte le vécu de dix d'entre eux.
Ils viennent de différents milieux, de différentes cultures. Ils ont un point commun :
une attirance pour les personnes de leur sexe. Parce que leurs parents pensent qu'ils l'ont choisie, que l'on doit les soigner, les éloigner ou les tabasser, ils les expulsent. Parce qu'ils les
privent de la joie incommensurable du mariage qui épatera les autres, du doux bonheur d'être un jour grands-parents (forcément, un pédé ou une gouine, ça n'a pas de gosses !), qu'ils foutent le
camp. Papa et/ou maman leur ferment la porte au nez en leur donnant, dans le meilleur des cas, quelques vêtements dans un sac poubelle. Que le sang de leur sang se débrouille, emporte loin du
foyer familial sacré, sa débauche avec la honte qui aurait pu souiller la maisonnée idéale.
À chacun de ces témoignages, Jean-Marie Périer apporte son regard de sage, qui connaît les
joies et les interrogations de la structure familiale, la valeur relative des liens du sang et de l'amour filial. Certains récits sont enrichis de l'avis de Benoît de Baecque, l'un des psys du
Refuge.
La majorité des lecteurs de ces lignes ont connu les questions sans réponses sur
l'orientation sexuelle et les problèmes d'acceptation de soi : replacer ces interrogations dans un contexte familial aussi dur paraît inconcevable dans la France de 2010.
On ressort de ce livre tout retourné de tant de cruauté et de bêtise. Quelle que soit sa
propre vie sexuelle on a du mal à suivre ces jeunes qui deviennent SDF, se retrouvent escorts ou prostitué(e)s avant de « trouver Refuge » dans l'institution dont Nicolas Noguier (le créateur) et Frédéric Gal sont les gestionnaires... bénévoles. En 2010, aucune
autre structure n'existe pour prêter secours à ces cas : plus de 300 appels à l'aide par an !
Le Refuge a besoin d'argent : ce livre devrait lui
en rapporter un peu. Il nous est également possible, avant, après lecture de ce document au sous-titre éloquent « Crève mon fils, je ne veux pas de pédé dans ma vie » de leur
apporter une aide financière (1) directe (déductible à 75 % des impôts de ceux qui en paient (2).
Des chanteurs (3) et des concerts des Melo'Men
les 13 et 14 février prochains à Montpellier (4) permettront de compléter cette lecture prenante par un geste concret en réponse à ces inadmissibles
paroles de parent à son enfant : « Que Dieu leur envoie le sida », « Tu as intérêt à courir vite car je t'égorgerai », « Tu n'es plus mon
fils » ou « Arrête d'être une lopette »...
(1) http://www.le-refuge.org/nous_soutenir/paypal.htm
ou
http://www.le-refuge.org/nous_soutenir/formulaire_de_don_2010.pdf
(2) http://www.le-refuge.org/nous_soutenir/reduction_d_impots.htm
(3) Lire l’article
précédent.
(4) http://www.melomen.com/
POUR EN SAVOIR PLUS :
Sur Le Refuge : http://www.le-refuge.org/
Sur l'auteur : http://fr.wikipedia.org/wiki/Jean-Marie_Périer
Photo © D. R.
TROIS QUESTIONS À JEAN-MARIE
PÉRIER
Par Gérard Coudougnan
Les Toiles Roses : Pouvez-vous définir un profil type du parent qui dit à son enfant « Casse-toi ! » ?
Jean-Marie Périer : Non, il n'y a pas de profil type. Le problème touche toutes les classes de la société. Il s'agit de gens
mal informés ou dont le cerveau est influencé par les théories des traditionalistes et autres religieux qui ont peur de perdre « le contrôle ». Mon propos n'est pas d'accuser ces
parents-là, mais de leur demander seulement de se poser la question : lorsqu'on a eu le culot de mettre quelqu'un au monde, n'a-t-on pas l'obligation de les aider à vivre la vie qu'ils se sont
choisie ? Si votre enfant est homosexuel ce n'est pas pour vous emmerder, c'est sa vie, c'est tout. Ils ne font pas la guerre, ils ne posent pas des bombes, ils veulent juste aimer quelqu'un à
leur manière. Vous êtes là pour les aider à vivre. Vous n'êtes pas d'accord ? C'est trop tard, il ne fallait pas faire de gosse.
Parmi les cas que vous avez décrits, y a-t-il de vrais
happy end ?
Oui, il y a de vrais happy end. Car ceux que j'ai rencontré au Refuge sont déjà
sauvés puisqu'ils ont eu le courage d'arriver jusque là.
Mais je pense à tous ceux qui n'osent pas appeler et qui sont seuls avec leur problème. Ceux
que l'on force à se nier, à faire semblant d'être quelqu'un d'autre pour être « dans la norme », ceux que l'on pousse à la honte d'eux-mêmes alors qu'ils sont beaux d'avoir le courage
d'aimer. Le but de ce livre est de demander à des parents d'oublier leurs certitudes et de dire à ces adolescents qu'ils ne sont pas seuls et qu'ils ont le droit d'être ce qu'ils sont.
Photo © D. R.
Vous avez dédié ce livre à Jean Marais : avez-vous voulu rendre un simple hommage à
un ami ou y a-t-il un autre lien avec le contenu de votre enquête ?
Jean Marais est simplement un homme dont j'admire le courage d'avoir affirmé son
homosexualité dans une France de l'après-guerre aux convictions étroites. Contrairement aux médias parisiens qui veulent nous faire croire qu'aujourd'hui le problème est réglé et qui m'explique
que j'enfonce des portes ouvertes, je crois que dans notre beau pays les portes de l'homosexualité sont toujours aussi fermées. Il me semble que mettre son enfant à la rue parce qu'il ne
ressemble pas à nos désirs est une infamie. Et aux gens qui franchissent ce pas-là, j'ai envie de dire que du haut de mes soixante-dix balais, la seule chose dont je suis sûr c'est que je ne
suis sûr de rien. Alors qu'ils les laissent vivre, c'est déjà assez difficile comme ça.
Merci Monsieur Périer.
[Daniel C. Hall et Gérard Coudougnan remercient Oh! Editions et plus particulièrement son trio de choc : Valérie Taillefer, Béatrice Calderon et Stéphanie Le Foll pour
les envois express des services de presse, leur professionnalisme, leur disponibilité et leur sens de l’écoute. Elles nous ont mis en relation avec Jean-Marie Périer, que nous remercions tout
particulièrement pour ce combat qu’il mène à nos côtés. Merci, Monsieur.]
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