Le Père Docu s'appelle Gérard Coudougnan, il est né en 1962 et a pour qualification
« enseignant-documentaliste », vous savez la dame qui râle au C.D.I. (centre de documentation et d'information) : c'est lui. Pour des raisons indépendantes de sa volonté, il est en ce
moment éloigné de son lieu de travail habituel mais a toujours un C.D.I. (contrat à durée indéterminée) avec les bouquins pour qui il a une vraie A.L.D. (affection de longue durée).
Au hasard de ses lectures, il a croisé Marc-Jean Filaire puis Môssieur Daniel C. Hall (« The Boss »)
qui lui a proposé de regrouper ici quelques « recensions » d'ouvrages à thématique LGBT.
Toute remarque, toute suggestion sera la bienvenue. Les avis, sous forme de commentaires, pour échanger des
points de vue encore plus !
La bibliothèque rose est ouverte… vous avez lu Le Club des Cinq d'Enid Blyton ? Claude, le « garçon
manqué » est peut-être alors votre première rencontre avec une petite lesbienne ou une future transgenre ? Ah bon, vous n'avez pas connu les Bibliothèques Rose et Verte ? Qu'importe, entrez
(couverts !) ici et faites ce que vous voulez entre les rayons, ne soyez pas sages ...
Jean-Luc ROMERO, Les Voleurs de liberté : Une loi de liberté sur la fin
de vie pour tous les Français !,
Florent Massot, 2009, 234 p., 18,50 €.
Voici un coup de gueule du président de l'ADMD (1). Un plaidoyer vibrant et solidement argumenté pour le droit de mourir dans la dignité, un droit auquel chacun d'entre nous est sensible. Les exemples choisis
sont percutants : Vincent Humbert bien sûr, mais aussi et surtout Chantal Sébire dont il a accompagné la lutte pour une fin de vie douce et digne.
L'homme a fait preuve de son courage, tant sur le plan personnel que politique. Premier homme
politique français à avoir révélé sa séropositivité, c'est un homme de conviction plus que de clan. Il tire plusieurs fois à bout portant sur Christine Boutin dans ce livre et, s'il reconnaît des
qualités humaines à celui dont il fait la tête de file des Voleurs de liberté, il a peu d'indulgence pour Jean Léonetti, député UMP et grand ordonnateur de l'actuelle loi sur la fin de
vie ici analysée. Depuis son départ de l'UMP en 2006, Jean Luc Romero siège au Conseil régional d'Ile-de-France dans le groupe des Radicaux de Gauche, comme apparenté.
S'appuyant sur un vécu personnel d'accompagnant de malades, sur ses propres volontés de
personne touchée par le HIV, il fait un large tour d'horizon militant des moyens de quitter dignement ce monde. Les expériences belge et suisse sont étudiées, mettant en avant leurs aspects les
plus positifs, sans oublier une vraie enquête critique dans le cas de l'association Dignitas (2).
Ceux d'entre nous qui ont vidé leurs carnets d'adresses dans les années 80 et 90, ceux qui ont
dans la poche et en tête leurs polythérapies savent plus que les autres de quoi il est question.
Il s'accompagne d'une importante documentation utile à ceux qui veulent prendre des
précautions élémentaires contre l'acharnement thérapeutique (p. 185 à 235). En plus de l'actuelle loi Léonetti, on a le texte de celle proposée par l'ADMD, des fiches pratiques à laisser aux
siens et des instructions claires à donner à son médecin traitant. Parmi les témoignages et testaments reproduits, celui de Ramon Sanpedro aura une résonance particulière pour ceux qui ont vu le
film Mar Adentro (3).
On pourra seulement regretter que cette plaidoirie à laquelle on souscrit assez facilement
tant elle est construite et argumentée ne tienne pas mieux compte des objections des « voleurs de liberté » que cette appellation discrédite d'emblée. La loi Léonetti qui condamne à mourir de
faim et de soif les personnes dont la fin de vie a été décidée a fait preuve de son insuffisance. Il existe pourtant de sérieux arguments que l'on aurait aimé voir abordés par l'auteur. Ils
concernent tout d'abord les patients atteints de maladies dégénératives au pronostic de mort clairement annoncé : dans un contexte de grave déficit de l'Assurance Maladie, comment ne pas craindre
qu'à l'acharnement thérapeutique justement dénoncé par Jean-Luc Romero ne fasse place un souci d'économies, sachant le prix des derniers jours d'une vie à l'hôpital ? On peut donc compléter
ailleurs son information et équilibrer ce cri par celui de ceux qui veulent « Plus digne la vie » (4) et même si dans ce groupe on trouve le
nom du député Léonetti, nous sommes également sensibles à la présence d'Alexandre Jollien, brillant philosophe dont Le Métier d'Homme est un texte inoubliable, même lorsque l'on ignore
que son auteur est infirme moteur cérébral, Elie Wiesel, Augustin Legrand (Les Enfants de Don Quichotte) ou Jean-Louis Fournier, auteur de Où on va, Papa ? (5) font également partie de ce collectif auquel on pourra tenter de confronter les arguments de l'auteur.
Le livre de Jean-Luc Romero est un élément important du débat sur la fin de vie. Avec une
sincérité et l'engagement d'un homme qui n'hésite pas à bousculer les limites politiques et humaines, il apporte un point de vue passionné et passionnant sur le seul avenir que nous ayons tous en
commun.
(1) http://www.admd.net/
(2) http://www.dignitas.ch/index.php?option=com_content&task=view&id=136&Itemid=173
(3) http://fr.wikipedia.org/wiki/Mar_adentro
(4) http://www.plusdignelavie.com/accueil.php
(5) http://www.handilove.com/?page=culture&idContentTxt=118&styleoff=&deficient=(ue=fr
POUR EN SAVOIR PLUS :
Biographie wikipédia de J.-L. Romero :
http://fr.wikipedia.org/wiki/Jean-Luc_Romero#Carri.C3.A8re_politique
Son site officiel : http://www.jeanluc-romero.com/
Et son blog : http://www.romero-blog.fr/
Audition de J.-L. Romero à l'Assemblée Nationale devant la mission Léonetti, le 4 juin
2008 :
http://www.assemblee-nationale.fr/13/commissions/droits-malades-20080604-1.asp
INTERVIEW DE JEAN-LUC ROMERO
Les Toiles Roses : Monsieur Romero, nous vous accueillons avec respect sur Les Toiles Roses à l'occasion de la publication de votre dernier livre Les Voleurs de
liberté. La plupart de nos lecteurs connaissent la force de vos engagements et apprécient souvent votre visibilité dans un monde politique où l'homosexualité n'est pas un thème fédérateur.
C'est sur le sujet de la fin de vie que porte ce livre, dont l'auteur est également président de l'ADMD, Association pour le Droit de Mourir dans la Dignité.
Comment faire la différence entre une mort digne et un suicide assisté ? Quels sont les
enjeux qui séparent ces deux concepts ?
Jean-Luc Romero : La dignité dans la mort est un concept qui appartient à chacun d’entre nous. Pour certains, la dignité
peut être synonyme d’acharnement. Chaque respiration est une victoire sur le mal et chaque victoire est une dignité. Pour d’autres, la dignité peut être synonyme d’autonomie. La mort devant
intervenir au moment où la vie n’est plus celle de liberté et de voyages que l’on s’est imaginée. Le suicide assisté, c’est un suicide commis avec l’aide d’une personne, parfois issue du corps
médical. Évidemment, dans notre esprit, le suicide assisté se fait grâce à des produits médicamenteux qui entraînent une mort douce, sans souffrance. Le suicide assisté nécessite, dans tous les
cas, que le patient puisse accomplir un geste, aussi minime soit-il, permettant d’être l’acteur de son suicide.
Vous faites un récit passionnant et très touchant de votre relation avec Chantal
Sebire. J'ai regardé le numéro de Zone interdite qui lui a été consacré
sur M6 le 30 mars 2008. Quand une personne décrète qu'elle refuse la morphine parce que « cela va la mettre dans un état comateux », je pense qu'il y a d'abord un vrai problème d'information
médicale. Pour avoir été sous doses massives de morphine, j'ai pu faire l'expérience de la « juste dose » qui soulage sans faire perdre contact avec la réalité. Le refus par Chantal de la
souffrance est naturel, mais refuser catégoriquement l'antalgique est comparable au paraplégique qui refuse le fauteuil roulant. Pourquoi, sans briser le secret de votre relation, un tel blocage
?
Depuis les années sida, il est reconnu aux patients le droit de prendre en charge leur
thérapie. Le refus de Chantal Sébire lui appartient. Le fait qu’elle était allergique à la morphine est évidemment un élément de compréhension. Mais ce n’est pas le seul. Je crois que, comme
beaucoup, Chantal souhaitait entrer dans la mort les yeux ouverts, et pas sous l’effet plus ou moins involontaire d’une surdose de morphine à laquelle, je me répète, elle disait d'ailleurs être allergique. Cette liberté et cette conscience
faisait partie de sa notion de dignité dans la mort. Nous n’avons pas à la juger.
L'une de mes pensées, lors de mes nuits en soins intensifs, était : « Combien ça
coûte ? Est-ce qu'on ne ferait pas mieux de me débrancher pour ce qu'il va rester du bonhomme ? » Si l'on parvient à obtenir une mort dignement assistée, quelles barrières pourra-t-on avoir
contre un argument économique à l'abrègement rapide des souffrances ?
Cette pensée, vous l’avez eue alors que la loi n’existe pas – pas encore, aimerais-je
dire ! C’est aujourd’hui que des lits d’hôpitaux sont vidés à la veille de week-end particulièrement accidentogènes. Les cas de personnes âgées dont on abrège la vie pour libérer des lits
sont légions. L’argument économique est inacceptable pour moi. Et il pourrait exister dès
aujourd’hui. En effet, les maisons de retraite, par exemple, pourraient être tentées de maintenir en état de survie des pensionnaires moribonds pour générer du chiffre d’affaires. Mais je ne
crois pas à cet argument. Pour autant, la loi que nous demandons, la loi républicaine, protège des dérives, règle les situations et les actes. Elle protège celui qui veut vivre sa vie le plus
longtemps possible, comme celui qui ne veut pas entrer dans l’enfer de la souffrance. Je fais souvent le parallèle avec le code de la route. Certes, certains chauffards ne le respectent pas. Mais
il est pourtant la garantie de la cohabitation de tous sur la voie publique. En résumé, je dirais qu’il s’agit-là souvent d’un fantasme agité par les opposants à la liberté.
J'ai côtoyé des familles touchées par la maladie de Charcot (SLA) dont l'issue fatale
est actuellement sans remèdes (1). La force et l'amour de ces familles qui cherchent à jouir de chaque instant d'une vie qui part en lambeaux me touchent
autant que la volonté de celui qui refuse l'acharnement thérapeutique : ne croyez-vous pas qu'il y a là aussi une dignité à respecter ?
Au risque de me répéter, je réponds que la loi que nous demandons est une loi de liberté.
Chacun, en conscience, soit parce qu’il l’exprime soit parce qu’il l’a écrit, a le droit de choisir les conditions de sa propre fin de vie. Et nul autre que lui n’en a le droit : ni les
militants de l’ADMD, ni les médecins, ni le Pape. C’est pour cela que je ne suis pas le défenseur de ceux qui, croyant pratiquer une euthanasie, indiquent qu’ils ont lu la demande de mort dans
les yeux du patient. C’est pourtant ce qui se passe encore trop souvent en France, que ce soit le fait de la famille, d’amis ou de médecins plus ou moins compatissants. Nous sommes résolument
pour le respect de la volonté. Comme vous, je connais la maladie. Comme vous, je ne sais
pas de quoi demain sera fait. Je ne sais pas plus ce que je souhaiterai au moment où… C’est pourquoi, je souhaite que le champ des possibles me soit ouvert.
Mettre dans un même sac tous Les Voleurs de liberté est une formule rapide et incisive. Pourtant, c'est aussi le risque de perdre
de la crédibilité : entre le médecin qui dit « depuis la loi Léonetti, je peux proposer aux familles ce que je faisais en cachette, à savoir, augmenter la dose de morphine pour offrir un départ
en douceur » et les marathoniens en blouse blanche qui foncent la tête entre les scalpels et le visage derrière le masque, sourds aux appels au dialogue, il y a une infinité de possibilités que
votre raccourci élude !
C’est un point de vue. Les Voleurs de Liberté sont ceux qui font primer leur avis –
voire leur idéologie – sur la volonté de celui qui est dans le lit. Qu’il agisse par compassion ou qu’il le fasse par intérêt, il reste celui qui se substitue de manière autoritaire, sans avoir
été désigné par le principal intéressé.
Vous n’êtes pas tendre avec Christine Boutin et pour atteindre votre niveau en
politique, il faut parfois avaler des couleuvres : avez-vous la possibilité de vous exprimer sur le cas Vanneste ?
Je ne souhaite plus parler de ce monsieur car à chaque fois, cela lui
fait de la publicité. Le mieux est aujourd'hui de l'oublier car il n'existe que dans ses attaques contre les homosexuels. Il ne marquera ni l'histoire politique, ni la vie parlementaire et c'est
très bien ainsi.
Dont acte : reléguons-le à la place qui est la sienne !
Durant ma maladie, j'ai reçu les anticorps de plus de 10 000 donneurs de sang. Beaucoup
d'amis gays se sont sentis une vocation de donneurs, totalement vaine. Concernant ce refus du sang donné par les homosexuels, rien ne semble bouger, malgré le mouvement mené cet été par Fred
Pecharman (Homodonneur, groupe FaceBook :http://www.facebook.com/group.php?gid=113488218027&ref=ts) : avez-vous les moyens d'informer vos collègues députés de cette
situation scandaleuse ?
Cela fait plusieurs années que je lutte pour que la notion de populations à risques soit
remplacée par celle – moins discriminatoire – de conduites à risques. En 2006 – il y a trois ans – le ministre de la santé d’alors, Xavier Bertrand, à ma demande, avait requis de l’Agence
Française du Sang de modifier ses procédures pour intégrer cette nuance. Malheureusement, l’administration a joué la montre et la nouvelle ministre de la santé, Roselyne Bachelot, est revenue sur
cette décision ministérielle. Aujourd’hui, rien ne justifie cette discrimination, condamnée par la Halde. Naturellement, j’ai saisi largement nos élus… mais sans succès à ce jour !
Dans vos combats, votre engagement d'homme dépasse les clivages politiques : est-ce la
même chose dans les assemblées et les groupes de travail que vous fréquentez ?
Je ne peux pas faire de généralités. Certaines femmes et certains hommes sont ouverts,
d’autres sont sectaires. Mais j’imagine que vous connaissez cela très bien. L’humanisme et la tolérance ne sont pas uniformément répartis sur cette terre. Et même si j’ai évolué dans mes
croyances politiques, je ne dirai jamais que la lumière est ici lorsque l’ombre est là-bas.
C'est effectivement une très belle conclusion tout à fait en phase avec le mot d'ordre
des Toiles Roses : « Infinie Diversité en Infinie
Combinaison ». Merci de nous avoir accordé tout ce temps. Je vous souhaite le meilleur dans tous les domaines : la formule est banale mais aussi sincère que nos engagements
communs.
(1) http://www.ars-asso.com/
Un immense merci à Isabelle Simon, attachée de presse chez
Florent Massot, pour son professionnalisme si courtois et sa disponibilité !
Toutes les photographies sont © D. R. Elles sont reproduites avec l'autorisation de Jean-Luc Romero.
Note de Daniel C. Hall : Si les éditeurs ou les auteurs (auto-édités ou non) souhaitent envoyer un
service de presse à Gérard en vue d’une critique sur ce blog, merci de prendre contact avec le chef Daniel C. Hall qui vous communiquera ses coordonnées : lestoilesroses@hotmail.fr.
TO BE CONTINUED…
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