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2. LOUIS DUPONT, ALCHIMISTE CINÉASTE… (1/2)

 

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Marie Fritsch

 

« Personne ne fera de moi ce que je ne suis pas

Tant pis si cela ne vous plaît pas

Les clichés glissent sur moi

Moi je suis une fille, une folle, un garçon

Je suis sur le fil, caméléon... »

 

23 ans après Mylène et son « Sans contrefaçons », Natacha Lejeune reprend le flambeau et vous parle de Marie. Elle traverse les  miroirs et les genres avec la même aisance…

 

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Les films de Louis Dupont agissent un peu comme une drogue. Dès la première vision on en veut encore. C'est avec Les Garçons de la piscine que certains d'entre vous feront sa connaissance alors que d'autres le suivent depuis ses débuts. De l'expérimental au plus académique, de la liberté totale au travail de commande, Louis a su donner à chacun de ses gestes cinématographiques une teinte particulière. Sa lecture du cinéma est singulière, à la fois attachante et dérangeante. On n'en attend pas moins d'un grand artiste.

En visionnant la filmographie de Louis, quelques thèmes ou "obsessions" semblent tisser le fil rouge d'une œuvre souvent esthétique, mais jamais esthétisante. Se cachent derrière les images un engagement certain dans le choix des sujets ainsi qu'un don particulier de la suggestion dans la façon de les traiter. Soit l'équilibre parfait entre la liberté d'expression du réalisateur et la multiplicité d'interprétations du spectateur. La magie opère là, exactement, au croisement des regards. Laissons la parole à l'homme derrière la caméra pour mieux appréhender son cinéma et les sources de son inspiration.

 

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Marie Fritsch : Le corps masculin dans tous ses états reste une source d'inspiration perpétuelle dans ton cinéma, que ce soit via la chorégraphie, la parade, la compétition ou simplement la recherche d'une place juste dans le monde. Que cherches-tu à saisir de l'homme en filmant son corps ?

Louis Dupont : À garder une trace. Dans le dvd Pin'up boys, le film Genèse (dans les bonus) donne quelques réponses.

J'ai perdu mon père jeune et la perte de son corps a déstabilisé ma vie. Je pense que ce filmage obsessionnel des corps est un moyen de les immortaliser, de lutter contre la mort et quelque part de retrouver ce corps perdu...

Filmer est de toute façon pour moi une nécessité.

 

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À quel moment l'intérêt porté au corps (le notre, le sien, le leur) devient-il dangereux ? À quel niveau ? N'as-tu pas cette angoisse de ce que serait une vie soudain privée de la vitalité et de la beauté plastique ? N'est-ce pas une façon illusoire de la saisir et de la retenir que de vouloir à tout prix la filmer ?

De mon point de vue et du point de vue de l'artiste, il n'y a aucun danger à s'intéresser au corps. Les sculpteurs grecs et romains l'ont fait, les peintres de la renaissance aussi, et bien d'autres artistes européens et aussi d'autres cultures primitives ou contemporaines. 

Il n’y a danger que lorsque, dans une société, le corps est idéalisé sous un modèle standard et marchand. Ce corps iconographié par les médias peut mettre en souffrance de nombreux individus fragiles (comme les ados et je pense à l'augmentation du suicide des jeunes aujourd'hui) qui vont chercher à se fondre dans cette représentation unique et standardisée. Déjà à travers mon film Les Souffrances en 2000/2001, je tentais de sensibiliser et aussi d'exorciser mon angoisse face à la souffrance de jeunes prostitués masculins que je suivais dans un centre social, prisonniers de leur corps mis en icône et donc en souffrance.

Certains de mes films posent directement la question du narcissisme (c’est le thème du film Les Souffrances d'ailleurs) et dans ces films en particulier quand il y a perte ou échec de la beauté, elle apparaît alors comme une libération. Le jeune héros des Souffrances (interprété par Samuel Ganes), en se faisant défigurer, va pouvoir se réaliser enfin et s'intégrer dans le monde.

Dans les Pin'up boys, la succession des "pastilles" amène le spectateur a une véritable indigestion. La pastille de Madame H offre un répit et la dernière pastille où je me mets en scène à la salle de gym propose une "passion" bien étrange jusqu'au gisant christique qui clôt le chapitre. il faut alors aller jusqu'au bonus Genèse pour analyser ce travail étrange.

Pin'up Boys 2 que je prépare, laisse la parole à différents garçons à nouveau qui viennent me parler de leur corps. Des garçons qui s'assument à travers l'exploitation de leur corps et qui semblent s'épanouir. À travers ces témoignages parfois touchant de spontanéité, mon filmage et mon écriture subversive proposera un contre-pied à leur point de vue.

Je ne me fais aucune illusion sur la permanence de la beauté mais comme le disait Héraclite, « Le soleil est nouveau chaque jour »; certains filment des levers ou des couchers de soleil moi je filme des corps, de tous genres, pour les sublimer et en garder la trace.

De plus, j'ai été élevé dans une famille d'artistes. Un parent sculpteur m'a beaucoup appris sur la représentation des corps. Lui, par exemple, était surtout obsédé par les corps en souffrance comme celui du Christ dont il a fait de superbes bustes. Dans mon filmage je m'inspire beaucoup de son approche et surtout de son regard sur les corps. D’autres parents, photographes, peintres et musiciens m'ont transmis la maîtrise du cadre et son architecture, l'équilibre des couleurs, le rythme, etc. Il est vrai qu'il régnait dans cette famille une certaine obsession de la beauté.

 

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On a envie de te voir filmer là où c'est gris, lent, cassé. Dans l'idée que tout a une fin, que la plasticité du corps est éphémère, la décrépitude incontournable. Mais dans Memosium, remarquable essai filmique sur la mémoire en fuite, c'est le corps qui est solide emplissant l'espace laissé libre au danseur et l'esprit qui se dissout. La déconstruction comme possibilité d'une renaissance ? Se libérer de la mémoire et du passé, plutôt un envol ou au contraire la signature d'une mort annoncée et la peur qu'elle engendre ? Ce thème de la mémoire est présent aussi dans Bouche-à-bouche, même si d'une façon plus anecdotique. Est-ce un sujet important pour toi ?

Un grand nombre de mes films ont été réalisés en super 8 Kodakrome 40 asa. Ce support particulier était justement idéal pour souligner la fragilité des corps comme dans Les Garçons de la piscine. De plus, ce support est souvent utilisé pour évoquer la mémoire ou le temps passé. Le super 8 est une pellicule inversible, l’original est donc un positif. Le cinéaste se retrouve ainsi à travailler son montage sur une copie unique. La taille et la fragilité de la pellicule font que chaque coupe est définitive. Le montage, les passages répétés dans la visionneuse et la colleuse, donnent souvent lieu aux premières rayures irrémédiables de la pellicule. Un support idéal !

La mémoire est toujours présente dans mon travail. Car tout d'abord nous ne pouvons rien construire sans elle. Dans le cadre de mon obsession, la mémoire interagit énormément sur les corps. Le corps est une éponge et se façonne en fonction de ce qu'il perçoit. Le corps est constitué d'éléments qui ont aussi une mémoire, un héritage.

Le corps enregistre tout et le garde en mémoire.

Notre corps, sa façon de bouger, son appréhension de l'espace et du monde est la somme comportementale de multiples héritages humains. Une accumulation d'histoire. Dans Bouche-à-bouche, le jeune héros marche comme un scaphandrier. L'homme de Memosium, interprété par José Luis Sultan, montre le corps prisonnier de sa mémoire ou enchevêtré – dormant parfois – dans ce que j'ai voulu représenter de la mémoire. Des couloirs salis et en ruine, de la bâche de plastique, etc. Il tente de s'en libérer – comme un fou – et à la fin du film sa course effrénée sur une des terrasses du lieu de tournage offre plusieurs interprétations : l'envol, la fuite ou la mort.

 


Comment filmerais-tu un corps réduit à l'immobilité ? Une telle situation aurait-elle sa place dans ton travail sur la représentation du corps ?

Tout d'abord l'immobilité, pour moi, au cinéma n'existe pas ou du moins n'est qu'illusion. Même un corps figé sera mouvant, animé. C'est une question de filmage et d'écriture cinématographique. Pour cela il suffit de se référer à Deleuze.

J’ai plusieurs fois filmé des corps sans vie (au sens propre) comme des statues. Même en proposant un cadre fixe, la palpitation de la pellicule et de la lumière (cadence de projection, faisceau de lumière lors de la projection) rendra l'immobilité mouvante. C'est aussi une question de dramaturgie je pense. Dans un plan fixe d'un sujet immobile, il y aura toujours un début un milieu et une fin. À travers ta question je pense à Dreyer, cinéaste de l'ombre et de la lumière mais aussi, pour moi, de l'immobilité. Du moins dans sa mise en scène car si je dois filmer un corps réduit à l'immobilité, c'est à lui que je penserai et à son chef-d'œuvre Ordet.

J'ai d'ailleurs travaillé avec des sujets « mis en » immobilité ! Comme dans Allah est grand. La femme, immobile et droite, est filmée en plan séquence. Cette séquence d'un corps fixe est alors en projection superposée à une autre séquence, celle d'un décor, salle de prière, etc. Le corps immobile de la femme semble alors se promener dans l'espace. J’aime beaucoup proposer de tels procédés. Au lieu de rester dans l'immobilisme d'éléments acquis, je préfère le chaos d'éléments en perpétuels mouvements.

 

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Dans Les Garçons de la piscine, le corps est à la fois un champ des possibles et une prison. Ou plutôt le champ d'action d'un esprit de compétition avec lui-même et avec les autres. Quel regard portes-tu sur cette compétitivité galopante dans le domaine du sport, puisque tu l'as toi aussi pratiqué ? 

Dans Les Garçons de la piscine, les trois héros du film (Tom, Jean Philippe et Fabrice) sont en effet pris dans un parcours compétitif soutenu par leur coach Gigi (Isabelle Girault). Je me souviens de la réflexion d'un responsable de festival Gay et Lesbien qui regrettait l'absence d'esprit de compétition. Et je pense justement avoir capté un univers où la compétition existe mais où prime tout d'abord l'esprit de communauté et de solidarité. La compétition n'est qu'un prétexte à se retrouver. Et c'est cela que j'ai choisi de retenir. 

La victoire des garçons à la fin du film ne m'intéressait même pas ! Et c'est pour cela qu'elle se réduit à une simple séquence. Pour moi les enjeux de mon film se situent bien ailleurs. De fait, dans une première version cette séquence n'existait pas. 

L'esprit de compétition n'est pas très développé chez moi de toute façon. Je n'ai pas besoin de cela pour m'affirmer. Et je pense que le trio du film a le même point de vue. L’important pour eux est de participer, et de se dépasser soi-même avec l'aide et le soutien de leur coach Gigi. Même homos ils peuvent se dépasser ! Physiquement.

Et de toute façon, c'est l'esprit qui règne dans ces clubs Gays et Lesbiens comme le club du Paris Aquatique. Il y a existence d'un esprit de compétition mais dans le seul but de se retrouver, de se rapprocher de l'autre, de se confronter à l'autre (aux genres, aux physiques etc.), de voir autrui se dépasser, de se réaliser ! J’ai vu aussi beaucoup d'amour. Gigi véhicule bien ce point de vue. Elle entraîne et pousse les garçons à aller plus loin pour se dépasser mais tout cela avec beaucoup d'affection. C'est ce que j'ai trouvé dans ce club du Paris Aquatique et chez ses membres.

 

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Le corps peut être vécu comme une prison. Ces garçons essaient-ils de s'en libérer par cette mise en mouvement frénétique et permanente ? 

Dans Les Garçons de la Piscine, je montre en effet des corps qui se sont libérés déjà de la tension sociale qui peut exister autour des homos. Dans ce film j'ai choisi de montrer des garçons qui se sont épanouis grâce à une activité sportive. Néanmoins j'ai voulu à travers l'élément subaquatique faire ressentir plus un sentiment de plénitude que de frénésie. Certes le ballet final peut apparaître frénétique de par la performance physique des garçons. J’aurai pu ralentir les mouvements au montage mais cela n'aurait eu aucun sens à ce moment final du film. J’ai préféré ne pas modifier la cadence ! Cela me rappelle le commentaire d'un spectateur qui après avoir vu Dialogus Corporis (Les Garçons de la plage) m'avait défini comme le David Hamilton Gay !

 

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Te méfies-tu des mots ? Le film parle du corps qui parle au corps. Les images, très belles et réellement incarnées par le charisme des trois acteurs ne laissent aucun répit aux stimuli physiologiques. N'y a t'-il pas paradoxalement une perte de sens d'un point de vue de l'intellect ? Ou au contraire une liberté totale d'interprétation ?

Mon cinéma est avant tout Image. Il s'appuie sur la force des images. Et surtout sur mes expériences avec les jeunes de la rue, et d’autres personnes en grande difficulté comme les handicapés, les primo-arrivants etc. C'est un cinéma qui s'adresse au sens avant de s'adresser à l'intellect pour toucher au plus profond de l'être et surtout parler au plus grand nombre, même aux personnes analphabètes.

Et donc, pour répondre à tes questions, je ne me méfie pas des mots mais je me méfie beaucoup du verbe et m'ennuie beaucoup face à un film qui se construit autour de la puissance du verbe comme savent si bien le faire beaucoup de réalisateurs français. 

Il est parfois déroutant de lire mes films, surtout pour un spectateur occidental ; il va chercher l'histoire classique de construction aristotélicienne, le début pour s'accrocher au milieu et s'évacuer avec la fin. On dirait vraiment le processus de digestion d'un aliment. De la consommation quoi !

Je préfère en effet prendre le risque à travers une construction qui peut parfois être déroutante et très personnelle d'une certaine liberté d'interprétation ce qui demande au spectateur un peu plus de concentration.

 

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Le postulat de départ (et de commande) est de militer pour une parité dans la pratique de la nage synchronisée. Imposer au public et aux instances décisionnelles l'idée que les hommes aient leur place dans les clubs et les compétitions. Cela t'a donné la possibilité de filmer ces trois nageurs au plus près afin de militer auprès d'eux et de leur entraîneuse qui se bat pour cette parité. 

Les garçons sont filmés au corps à corps. De Gigi on voit surtout le visage. Son regard, ses mimiques, et souvent en plan très rapproché. Paradoxalement ce personnage féminin devient quasiment principal dans ton film. Filmé avec un regard particulièrement attentif et qui la rend troublante d'humanité. 

Te sentirais-tu capable et surtout l'envie de faire un film avec comme personnage principal une femme ?

C'est ce que laisse à penser la façon dont ta caméra caresse non pas le corps mais le sourire et le visage de Gigi. Dans Allah est grand, autre film très engagé mais sur un tout autre niveau, le corps féminin est filmé dans son ensemble, comme une entité globale, comme une représentation de la femme pour débattre de sa place dans certaines sociétés. Ici il s'agit davantage de donner corps à un être nommé, à un personnage. La démarche n'est pas la même, et pourtant on sent comme dans Allah, un genre de pudeur extrême quand à la représentation du féminin. De l'homme tu captes la sensualité, la plastique, la parade (comme dans Les Garçons de la plage) tandis qu'à travers tes personnages féminins transparaît davantage une réflexion politique et culturelle.

Le corps de la femme est un corps que je connais beaucoup moins bien que le corps masculin. Parce que je suis tout simplement un homme (mais là je pense ne rien t'apprendre !) Je n'ai aucune difficulté et aucune pudeur à filmer des corps d'hommes car c'est aussi moi et c'est aussi de moi que je souhaite parler. Et c'est aussi sur mon statut d'homme que je m'interroge et sa place dans la société. Je connais beaucoup moins les problématiques des corps de femmes et je pense leur laisser le soin de s'exprimer elles-mêmes. J'ai peur aussi si je filme un corps de femme de donner un point de vue typiquement masculin. Néanmoins je suis angoissé quand l'intégrité du corps des femmes est mise en danger et je peux alors aussi prendre la liberté de m'exprimer sur le sujet comme à travers la conjuration cinématographique Allah est grand.

Dans mon imaginaire, la femme tient une place très particulière. Dominante, guerrière, politique et maternelle – je dis « la femme » au risque de déplaire aux féministes radicales qui préféreront l'utilisation de « les femmes » – ainsi, Bertille Mercier qui interprète « la femme » dans Allah est grand et qui mène le combat et résiste aux radicaux islamistes prônant le port du voile. Malgré les assauts extrémistes argentiques répétés, Bertille résiste et va même nous esquisser un sourire de connivence, à la toute fin de l'œuvre, pour nous rassurer sur ses capacités à résister. Quelque part ce regard subjectif à la caméra s'adresse aussi directement à moi, le filmeur, et rappelle à tous la position que j'ai dans cette œuvre.

Dans Les Garçons de la piscine, Gigi (Isabelle Girault) est aussi une guerrière. Elle combat pour que l'homme soit reconnu dans une pratique exclusivement féminine. Elle est pour moi sur un plan analytique, la déesse mère. D'ailleurs, l'espace principal qu'occupent le trio des garçons, la piscine, est un espace que l'on pourrait qualifier d'utérin.

La femme est donc plus forte que l'homme dans mon imaginaire. Elle canalise aussi les énergies destructrices et semble plus apte à gérer les affaires politiques que l'homme. Elle fait du bien aussi et apparaît comme la garante de la bonne transmission de la mémoire comme dans Bouche-à-bouche avec Ginette Garcin.

L'homme apparaît beaucoup plus fragile dans mon œuvre. II est aussi à mon image. Et si j'y regarde de plus prêt, je m'aperçois que les symboles féminins y foisonnent.

 

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Ce regard sur l'entraîneuse donne au film une dimension qui va largement au-delà de la question de l'orientation sexuelle. Avais-tu une difficulté particulière ou au contraire un réel plaisir à passer ainsi d'une caméra dirigée quasi obsessionnellement sur les corps des garçons, à cet angle beaucoup plus pudique et tendre quand il s'agit de Gigi ?

J'ai été séduit et touché par le rapport entre le trio de garçons et Gigi. Et ce fut un réel plaisir que de tenter de le capter pour en garder une trace. Au montage, j'ai du lisser cet aspect de peur de caricaturer leur rapport affectif très fort mais très sain dans le réel. Gigi et le trio forment un tout, unis et indissociable tout en étant chacun a sa place et chacun joue son rôle naturellement et spontanément.

Et il est évident que je ne pouvais donc pas filmer les garçons comme je filmais Gigi. Pour chaque sujet filmé j'ai bien pensé le point de vue que je proposerais.

 


Es-tu sensible au travail d'une femme sur les corps masculin, comme celui de Claire Denis dans le film Beau travail ? Quelles sont tes inspirations principales sur le sujet de la représentation des corps ? Cinéma ? Danse ?

Oui bien entendu. Et là encore ce sont des femmes qui ont inspirées et nourrit mon travail. De Claire Denis à Nathalie Larquet, chorégraphe. J'ai aussi revu les Dieux du Stade (Olympia) de Leni Riefenstahl pour ses ambiances quasi mythologiques et son travail expérimental pour exalter "plastiquement" la virilité et la force, notamment à travers la beauté du corps masculin athlétique.

 

Lire la suite de cette interview demain sur le blog Les Toiles Roses

 

Les Garçons de la Piscine (juin 2009)

Un film documentaire réalisé par LOUIS DUPONT

Produit par Acis productions. Coproduction Epicentre films

Pin'up boys :

http://dvdpinupboys.blogspot.com/

Bouche-à-bouche :

http://www.artevod.com/programDetails.do?emissionId=2207

Memosium :

http://www.myspace.com/memosium

DVD Les Garçons de la piscine :

http://www.adventice.com/store/detail/46180/les-garcons-de-la-piscine.html

Page Louis Dupont sur Myspace

http://www.myspace.com/louisdupont

TO BE CONTINUED…

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