Fiche technique :
Avec Sebastian Schlecht (Johann), Eric Golub (Robin), Iris Minich (Grit), Denis Alevis (Henri)
et Rainer Winkelvoss. Réalisateur : Jan Kruger. Scénario : Jan Kruger. Image : Bernadette Paassen.
Montage : Ute Sound. Musique : Tarwater.
Durée : 75 mn. Disponible en VO.
Résumé :
Johann (Sebastian Schlecht) et son ami Robin (Eric Golub) font une escapade à bicyclette à travers les
forêts pittoresques du Brandebourg ; ils rencontrent une série d'obstacles et d'incidents qui non seulement va tester leurs relations mais aussi la relation que chacun d’eux a avec le monde
qui l’entoure.
Espiègle, Robin teste immédiatement leur résilience par des « peut-être ». A-t-il oublié sciemment
les piquets de la tente à la maison ? Mais peu importe : les garçons n'ont aucune difficulté à trouver des moyens pour se réchauffer durant la nuit...
Après quelques jours de vélo, de frugalité et de natation réparatrice dans le plus simple appareil, les
choses prennent une tournure étrange lorsque leurs vélos disparaissent mystérieusement... Les cartes se révèlent inutiles. Et dans l’épreuve chacun apprend à connaître une nouvelle facette de
l'autre. Johann et Robin considère la nouvelle situation comme une sorte de défi sportif.
Ils poursuivent le voyage à pieds. Les garçons trouvent une ferme au cadre chaleureux, habitée par une
femme, qui semble très libre d'esprit, et son fils adolescent (Denis Alevis, la seule belle créature du film). Johann et Robin sont inviter à rester quelque jours dans cette thébaïde; ce qui va
changer le cours de leur voyage...
L’avis de Bernard Alapetite :
Kruger a voulu faire avec Ruckenwind, que l’on peut traduire par « vent arrière » ou
« vent favorable » (titre qui a bien peu de rapport avec ce que l’on voit sur l’écran...), à la fois un road-movie idiosyncratique et un conte érotique homosexuel et contemplatif dans
lequel il prendrait son temps pour nous faire ressentir l'intimité et la découverte de soi de chacun de ses personnages plongés dans une majestueuse forêt. Il résulte de cette tentative
éminemment germanique, de confrontation entre culture et nature, un profond ennui.
Cela commence très mal avec la scène d'ouverture, où l’on comprendra rétrospectivement que le cinéaste a
opéré un transfert du point de départ de son histoire sur un plan symbolique. Alors que Johann regarde un couloir d'un hôpital vide (que l’on ne retrouvera qu’à la fin du film qui ne sera donc
qu’un long flashback), il récite, hors champ, d’une voix que l’on a du mal à identifier comme celle du jeune homme, la fable du lièvre et du renard, qui se réunissent dans la forêt et s’y font
des amis, comme les protagonistes du film dont les premiers mots sont : « Il était une fois un renard et un lièvre... » L’histoire, ici abstraite, fondée sur des créatures mythiques,
est révélatrice de la manipulation de Kruger envers ses personnages. On ne saura qu’à la fin du film que Johann est dans cet hôpital, qui tient de la prison, parce qu’il aurait ingéré des baies
toxiques (le conditionnel est de rigueur tant tout cela est confus !). La dernière scène en forêt pourrait donc n’être qu’un délire (?).
Les raisons de ce ratage sont multiples, à commencer par le parti pris de se regarder filmer constamment. Le
réalisateur semble interpeller le spectateur pour lui dire : regardez comme je filme bien, comme je fais de beaux plans parfaitement inutiles, tel le dernier du film. Durant toute la durée de
Ruckenwind, le cinéaste multiplie les afféteries de caméra, long, long plan fixe signifiant, très signifiant, avec musique surlignante, filmage des reflets de ses protagonistes dans
vitres et miroirs, point flou volontairement, agitation brusque de la caméra, gros plans vains...
Ruckenwind, en outre, ne possède pas d’unité narrative mais est divisé en deux parties bien distinctes. La première, dans laquelle
les deux randonneurs sont seuls et où chaque fois que le spectateur, à travers la reconnaissance d'une scène type, a l'illusion de comprendre les relations qui unissent Johann et Robin et est
déstabilisé par la scène suivante qui le met dans la position d’un observateur extérieur. Il se retrouve alors, reluquant en douce les jeux mystérieux des deux garçons qui se terminent souvent
par des joutes sexuelles. Cette opacité ne renforce pas l’épaisseur des personnages mais la perplexité du regardeur...
Puis, lorsque Johann et Robin sont cantonnés avec Grit (Iris Minich) et son fils Henri (Denis Alevis), j’ai
eu alors l’impression, vite démentie, que ce vent arrière, allait tourner façon Amants criminels d’Ozon, le film laisse le mystère en grande partie derrière lui et adopte une narration
plus classique du récit. Soudain, Kruger se concentre davantage sur ses personnages et leurs relations les uns avec les autres qu’il illustre par de courtes scènes telles un dîner, la séance de
tir... Il recentre son récit sur les relations qui se développent entre le couple et ses hôtes, une relation amicale qui n'est pas dépourvue de tensions érotiques. Elle est comme un écho avec
celle que développent les deux garçons au début, relation à la fois ludique et érotique dans laquelle la violence a aussi sa place. Encore et encore, les personnages se perdent dans des
comportements enfantins comme l'aspersion avec un tuyau d'arrosage par Grit de Johann et Robin, ce qui nous vaut un panoramique sur leur assez triste anatomie ou encore cette course à bicyclette
pour tester le caractère de leur rapport sur un mode purement physique.
Les caractères de Grit et d’Henry aurait demandé un approfondissement qui aurait peut-être éclairé ce qui
tient lieu d'intrigue.
Et puis sans véritable raison Kruger fait revenir son film dans la forêt, ce qui embrouille complètement le
spectateur.
Kruger trouve beaux ses deux héros principaux. Il s’attarde longuement sur leur plastique et nous offre à
plusieurs reprises leur nudité intégrale. Malheureusement, je suis loin de partager les goûts du cinéaste. Un film aussi peu naturaliste (Kruger a déclaré que le film n’était pas prévu à
l'origine comme un long métrage, mais comme un essai poétique) aurait pu permettre à son réalisateur de choisir pour les deux rôles principaux, qui ne quittent quasiment jamais l’écran, des
jeunes gens au physique de rêve, ce qui n’est pas le cas avec le velu Sebastian Schlecht et le grassouillet Eric Golub, d’autant qu’ils ne compensent pas leur physique ingrat par leur jeu. De
toutes les manières il aurait fallu des acteurs beaucoup plus jeunes, quinze-seize ans, pour donner un peu de consistance et de vérité à cette histoire qui en aurait eu bien besoin...
Ruckenwind est le deuxième long métrage de Jan Kruger, qui est né en 1973, et a par ailleurs réalisé plusieurs courts métrages dont
l’excellent Freund.
La fable est un genre bien difficile, en particulier au cinéma où ses réussites sont extrêmement rares. Il
demande une grande clarté pour que le spectateur en saisisse la morale. Malheureusement la clarté n’est pas la qualité première de Jan Kruger.
Le film a été édité en dvd en Allemagne.
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